Cours d'Électromagnétisme

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La détermination de l'auto-inductance LL d'un solénoïde ne pose pas de gros problèmes expérimentaux. Associée à un conducteur ohmique et un condensateur, la bobine forme un oscillateur électrique dont la résonance est couramment illustrée dans le secondaire. Rappelons que la fréquence de résonance (résonance d'intensité) f=12πLC f=\frac{1}{2\pi\sqrt{LC}} permet de déduire LL si la capacité CC du condensateur est connue ( voir par exemple le TP Modélisation d'une bobine sur physique.ensc-rennes.fr). Le calcul théorique est quant à lui beaucoup plus délicat. On propose ici une méthode basée sur le calcul de la mutuelle inductance entre deux spires. Il en ressort une formule faisant intervenir des sommes, facile à implémenter dans un programme.

Couplage entre deux spires

Avant de s'intéresser au solénoïde, commençons par étudier le couplage électromagnétique entre deux spires circulaires coaxiales parcourues par un courant électrique.

Inductance mutuelle entre deux spires

Considérons deux spires filiformes, l'une de diamètre D1D_1, l'autre de diamètre D2D_2, et séparées par la distance d12d_{12}. Parcourue par un courant électrique (d'intensité respectives I1I_1 et I2I_2), chaque spire génère un flux magnétique à travers l'autre spire. Appelons ϕ12\phi_{1\to2} le flux magnétique produit par la spire 1 à travers la spire 2. On montre facilement que ϕ12=MI1etϕ21=MI2 \phi_{1\to2}=M\, I_1 \quad\text{et}\quad \phi_{2\to1}=M\, I_2 MM, appelée inductance mutuelle, traduit le couplage électromagnétique entre les spires. En général, MM dépend de la géométrie des circuits en interaction et de leur position relative. Ici, MM est fonction de D1,D_1, D2D_2 et d12d_{12}.

Deux spires en interaction.
Deux spires en interaction.

Le calcul exact[1]fait intervenir les intégrales elliptiques complètes KK et EE définies par K(x)=0π/2dφ1x2sin2φetE(x)=0π/21x2sin2φdφ K(x)=\int_0^{\pi/2}\frac{\mathrm{d}\varphi}{\sqrt{1-x^2\sin^2\varphi}} \quad\text{et}\quad E(x)=\int_0^{\pi/2}\sqrt{1-x^2\sin^2\varphi}\,\mathrm{d}\varphi Maxwell a établit le résultat suivant : M(D1,D2,d12)=μ0D1D2K(x)E(x)xavec{x=r1r2r1+r2r12=d122+14(D1+D2)2r22=d122+14(D1D2)2 \begin{split} M(D_1,D_2,d_{12})=\mu_0\sqrt{D_1D_2}\,\frac{K(x)-E(x)}{\sqrt{x}}\\ \quad\text{avec}\quad \left\lbrace\begin{array}{rcl} x&=&\dfrac{r_1-r_2}{r_1+r_2}\\[2mm] {r_1}^2&=&{d_{12}}^2+\frac14\left(D_1+D_2\right)^2\\[2mm] {r_2}^2&=&{d_{12}}^2+\frac14\left(D_1-D_2\right)^2\\ \end{array}\right. \end{split}

Calcul de E et K

Les intégrales elliptiques sont des fonctions paires définies sur l'intervalle ]-1,1[ et on les représente traditionnellement sur l'intervalle [0,1[. Sur cet intervalle K(x)K(x) est une fonction croissante et divergente en x=1x=1, alors que E(x)E(x) décroit entre π/2\pi/2 et 1.

Sous Python, les fonctions KK et EE se trouvent dans la bibliothèque scipy. On les appelle à l'aide des syntaxes respectives scipy.special.ellipk et scipy.special.ellipe. Plus exactement, il s'agit des fonctions K(m)=0π/2dφ1msin2φetE(m)=0π/21msin2φdφ K(m)=\int_0^{\pi/2}\frac{\mathrm{d}\varphi}{\sqrt{1-m\sin^2\varphi}} \quad\text{et}\quad E(m)=\int_0^{\pi/2}\sqrt{1-m\sin^2\varphi}\,\mathrm{d}\varphi Le code ci-dessous permet de tracer les graphes de la Fig. 2.

Code Python


	import numpy as np
	import scipy as sp
	from scipy import special 
	import matplotlib.pyplot as plt
	xx=np.linspace(0,2,1000)
	plt.plot(xx, sp.special.ellipk(xx**2),label='K(x)')
	plt.plot(xx, sp.special.ellipe(xx**2),label='E(x)')
	plt.yticks([1,np.pi/2,2,3,4],labels=[1,'\(\pi/2\)',2,3,4])
	plt.legend()
	plt.grid()
	plt.xlabel('x')
	
Graphe des fonctions \(K(x)\) et \(E(x)\).
Graphe des fonctions K(x)K(x) et E(x)E(x).

Si les fonctions elliptiques ne sont pas implémentées dans le langage que l'on utilise pour faire des calculs, on peut bien sûr approcher ces intégrales par les méthodes classiques d'. Il existe cependant une manière beaucoup plus efficace et simple à programmer qui repose sur la suite arithmético-géométrique[4]. L'algorithme suivant retourne, après quelques itérations seulement, le résultat K(x)E(x)K(x)-E(x) avec un niveau de précision fixé par ϵ0\epsilon_0.

Calcul numérique de K(x)E(x)K(x)-E(x)

  • a1a\leftarrow 1
  • b1x2b\leftarrow \sqrt{1-x^2}
  • cx2c\leftarrow x^2
  • Sc/2S\leftarrow c/2
  • eSe\leftarrow S
  • n1n\leftarrow 1
  • Tant que (e>ϵ0e>\epsilon_0) faire :
    • A(a+b)/2A\leftarrow (a+b)/2
    • Ba×bB\leftarrow \sqrt{a\times b}
    • cA2B2c\leftarrow A^2-B^2
    • aAa\leftarrow A
    • bBb\leftarrow B
    • e2n1ce\leftarrow 2^{n-1}c
    • SS+eS\leftarrow S+e
    • nn+1n\leftarrow n+1
  • Retourner S×π/(2a)S\times \pi/(2a)

Auto-inductance d'une spire

L'auto-inductance LL est liée au flux magnétique ϕ\phi généré par un circuit sur lui même, via la relation : ϕ=LI\phi=L \,I. Par conséquent on peut considérer que LL est une mutuelle inductance entre deux circuits identiques confondus. Dans le cas d'une spire circulaire de diamètre DD, on a L=limd0M(D,D,d)=limx1μ0DK(x)E(x)x= L=\lim_{d\to 0} M(D,D,d)= \lim_{x\to 1}\mu_0 D\frac{K(x)-E(x)}{\sqrt{x}}=\infty Effectivement, à cause du caractère filiforme de la spire, le champ magnétique diverge au voisinage du fil conducteur, et l'énergie magnétique aussi : Wm=12LI2=espaceB22μ0dτ= W_m=\frac12 LI^2=\iiint_\text{espace}\frac{B^2}{2\mu_0}\, \mathrm{d}\tau=\infty En réalité, l'auto-inductance d'une spire est finie du fait de l'épaisseur non nulle du fil qui le constitue. Si l'on note ee cette épaisseur, une bonne approximation de LL est donnée par la formule de Kirchhoff : L=μ0D[12ln(8De)78] L=\mu_0 D\left[\frac12 \ln\left(\frac{8D}{e}\right)-\frac78\right] Cette formule suppose une spire de section circulaire traversée par un courant uniformément réparti sur la section. De plus l'épaisseur du fil doit être faible devant le diamètre DD de la spire.

Anneau conducteur. Vues en coupe et de dessus.
Anneau conducteur. Vues en coupe et de dessus.

Applications aux solénoïdes

Bobine monocouche

Considérons un solénoïde, constitué par un fil conducteur d'épaisseur ee, de section circulaire, enroulé sur un cylindre de diamètre D0D_0. Après NN tours, la bobine fait une longueur LL.

En pratique, l'épaisseur du fil est souvent faible devant le diamètre D0D_0 de sorte que l'on peut négliger l'hélicité de l'enroulement, et considérer la distribution de courant équivalente à NN spires circulaires, coaxiales et .

Bobine monocouche vue dans un plan contenant son axe de révolution
Bobine monocouche vue dans un plan contenant son axe de révolution. Ici N=24N=24.

Alimentée par un courant d'intensité II, chaque spire produit un flux magnétique à travers les autres et elle-même. Le flux total ϕ\phi qui traverse toutes les spires s'écrit ϕ=i=1Nj=1Nϕij=i=1Nϕii+i=1NjiNϕij \phi=\sum_{i=1}^{N}\sum_{j=1}^N \phi_{i\to j}= \sum_{i=1}^N\phi_{i\to i}+\sum_{i=1}^{N}\sum_{j\neq i}^N \phi_{i\to j} ϕii\phi_{i\to i} représente le flux propre de la ii-ème spire et ϕij\phi_{i\to j} le flux engendré par la ii-ème spire sur la jj-ième. Toutes les spires étant de même épaisseur et de même , on a ϕii=LIavecL=μ0D1[12ln(8D1e)78] \phi_{i\to i}=L I \quad\text{avec}\quad L=\mu_0 D_1\left[\frac12 \ln\left(\frac{8D_1}{e}\right)-\frac78\right] et ϕij=ϕji=M(D1,D1,jie)I \phi_{i\to j}=\phi_{j\to i}=M(D_1,D_1,|j-i|e)\,I Par conséquent, le flux magnétique qui traverse la bobine s'écrit ϕ=[NL+i=1NjiNM(D1,D1,dij)]I=[NL+2i=1Nj>iM(D1,D1,dij)]I \phi=\left[NL+\sum_{i=1}^{N}\sum_{j\neq i}^N M(D_1,D_1,d_{ij})\right]I = \left[NL+2\sum_{i=1}^{N}\sum_{j>i} M(D_1,D_1,d_{ij})\right]I On peut encore simplifier l'expression car la mutuelle inductance entre deux spires ne dépend que de la distance qui les sépare. On décompte N1N-1 paires de spires séparées de ee, N2N-2 paires de spires séparées de 2e2e,..., NiN-i paires séparées de ieie. Finalement, le flux magnétique s'écrit ϕ=[NL+2=1N1(N)M(D1,D1,e)]I=LbobineI \phi= \left[NL+2\sum_{\ell=1}^{N-1} (N-\ell)M(D_1,D_1,\ell\,e)\right]\, I= L_\text{bobine}\,I On en déduit la formule donnant l'auto-inductance d'une bobine mono-couche : Lbobine=NL+2=1N1(N)M(D1,D1,e)\begin{equation} \boxed{L_\text{bobine}=NL+2\sum_{\ell=1}^{N-1} (N-\ell)M(D_1,D_1,\ell\,e)} \end{equation} Relation d'autant plus juste que l'épaisseur ee est faible devant le diamètre du solénoïde.

Bobine multicouche

On réalise une bobine multicouche en enroulant le fil électrique sur plusieurs couches. Si l'on note NcN_\text{c} le nombre de couches et pp le nombre de spires par couche, on a N=pNcN=pN_\text{c}.
On peut reprendre le calcul général et tenir compte du fait que les spires n'ont pas les mêmes diamètres : ϕ=i=1Nϕii+i=1NjiNϕij \phi= \sum_{i=1}^N\phi_{i\to i}+\sum_{i=1}^{N}\sum_{j\neq i}^N \phi_{i\to j} Toutefois, ce calcul représente une somme de N2N^2 termes, ce qui peut être prohibitif en termes de temps de calcul. C'est pourquoi, nous allons chercher à exprimer le flux en effectuant un minimum de sommes.

Bobine multi-couche
Bobine multi-couche. Ici Nc=3N_\text{c}=3

Tout d'abord, appelons LkL_k l'auto-inductance d'une spire de la couche kk (k=1,,Nck=1,\ldots,N_\text{c}) de diamètre DkD_k. On a i=1Nϕii=(k=1NcpLk)IavecLk=μ0Dk[12ln(8Dke)78]etDk=D0+e(2k1) \sum_{i=1}^N\phi_{i\to i}=\left(\sum_{k=1}^{N_\text{c}} pL_k\right)I\\ \quad\text{avec}\quad L_k=\mu_0 D_k\left[\frac12 \ln\left(\frac{8D_k}{e}\right)-\frac78\right] \quad\text{et}\quad D_k=D_0+e(2k-1) Quant au calcul des ϕij\phi_{i\to j}, il faut distinguer deux types de situations.

  1. Les spires en interaction appartiennent à la même couche. On notera ϕintra\phi_\text{intra} cette contribution.
  2. Les spires en interactions sont sur deux couches différentes. On notera ϕextra\phi_\text{extra} cette dernière contribution.

On a vu précédemment que le flux lié aux spires d'une même couche est donné par (1). Ici, le nombre de spires sur une couche vaut pp, et on ne s'intéresse pas au flux propre. En répétant le calcul pour toutes les couches, on trouve ϕintra=[2k=1Nc=1p1(p)M(Dk,Dk,e)]I \phi_\text{intra}=\left[2\sum_{k=1}^{N_\text{c}}\sum_{\ell=1}^{p-1} (p-\ell)M(D_k,D_k,\ell\,e)\right]I Pour ce qui est des interactions entre les spires de diamètres différents, on distingue également deux situations :

  1. Considérons une spire sur la couche kk en interaction avec une spire concentrique sur la couche kk'. Pour chaque paire de couches (k,k)(k,k') il y a pp telles interactions. Leur contribution en termes de flux vaut donc ϕinter1=Ik,kkNcpM(Dk,Dk,0)=2pIk=1Nc1k>kNcM(Dk,Dk,0) \phi_\text{inter}^1=I\sum_{k,k'\neq k}^{N_\text{c}}p\,M(D_k,D_{k'},0)= 2p\,I\sum_{k=1}^{N_\text{c}-1}\sum_{k'>k}^{N_\text{c}}M(D_k,D_{k'},0)
  2. Considérons maintenant une spire de la couche kk en interaction avec une spire non concentrique d'une couche kkk'\neq k. Comptons tout d'abord le nombre de spires décalées de ee : cela revient à compter l'ensemble des couples d'entiers (i,j)[1,,p]2(i,j)\in [1,\ldots,p]^2 tel que ji=1|j-i|=1. On en a p1p-1 quand ji=1j-i=1 et p1p-1 quand ji=1j-i=-1. Au total on trouve 2(p1)2(p-1). De la même façon, on trouve 2(p2)2(p-2) spires en interactions décalées de 2e2e, etc. Finalement, ce type d'interaction donne lieu à la contribution ϕinter2=Ik,kkNc=1p2(p)M(Dk,Dk,e)=4Ik=1Nc1k>kNc=1p(p)M(Dk,Dk,e) \begin{split} \phi_\text{inter}^2=I\sum_{k,k'\neq k}^{N_\text{c}}\sum_{\ell=1}^p 2(p-\ell)\,M(D_k,D_{k'},\ell e)\\ =4I\sum_{k=1}^{N_\text{c}-1}\sum_{k'>k}^{N_\text{c}}\sum_{\ell=1}^p (p-\ell)\,M(D_k,D_{k'},\ell e) \end{split}

En calculant ϕ=i=1Nϕii+ϕintra+ϕinter1+ϕinter2\phi=\sum_{i=1}^N\phi_{i\to i}+\phi_\text{intra}+\phi_\text{inter}^1+\phi_\text{inter}^2 et en fixant I=1AI=1\,\mathrm{A}, on obtient directement la self-inductance de la bobine multicouche : Lbobine=p(S1+2S2)+2S3+4S4avec{S1=k=1NcLkS2=k=1Nc1k>kNcMk,k0S3=k=1Nc=1p1(p)Mk,kS4=k=1Nc1k>kNc=1p(p)Mk,kMk,k=M(Dk,Dk,e)\boxed{ L_\text{bobine}=p(S_1+2S_2)+2S_3+4S_4 \quad\text{avec}\quad \left\{\begin{array}{l} S_1 = \displaystyle \sum_{k=1}^{N_\text{c}} L_k\\ S_2 = \displaystyle \sum_{k=1}^{N_\text{c}-1}\sum_{k'>k}^{N_\text{c}}M_{k,k'}^0\\ S_3 = \displaystyle \sum_{k=1}^{N_\text{c}}\sum_{\ell=1}^{p-1} (p-\ell)M_{k,k}^{\ell}\\ S_4 = \displaystyle \sum_{k=1}^{N_\text{c}-1}\sum_{k'>k}^{N_\text{c}}\sum_{\ell=1}^p (p-\ell)\,M_{k,k'}^\ell \\ M_{k,k'}^\ell=M(D_k,\,D_{k'},\,\ell e) \end{array}\right. } Cette relation généralise (1). On peut vérifier que l'on retrouve bien le cas de la bobine simple lorsque Nc=1N_c=1. C'est cette relation qui est utilisée dans le calculateur d'auto-inductance en ligne que l'on trouve sur femto-physique.fr

Pour en savoir plus...

  1. J.C. Maxwell A treatise on electricity and magnetism unabridged. Vol. One and Two1891 (reprinted 1954).
  2. A. Russel The magnetic field and inductance coefficients of circular, cylindrical, and helical currents Proceedings of the Physical Society of Londonvol. 20, №1, p.456, 1906.
  3. A. C. M. de Queiroz Mutual inductance and inductance calculations by Maxwell’s Method[en ligne]. Disponible sur https://deanostoybox.com
  4. J. Roussel Introduction à l'analyse numérique - Intégrales elliptiques complètes[en ligne], 2022. Disponible sur femto-physique.fr