F

MENUCours d'Électromagnétisme

À l'instar du champ électrostatique, le champ magnétostatique obéit à des relations mathématiques locales qui renseignent sur sa structure et son lien aux courants. Nous verrons dans ce chapitre que, de la même manière qu'il existe un potentiel électrostatique, il existe également un potentiel (vectoriel) dont dérive le champ magnétique. Cette nouvelle grandeur jouera un rôle important dans l'étude du phénomène d'induction.

Théorème d'Ampère

Loi de Biot et Savart

Flux électrique
Flux électrique.

Considérons un conducteur C parcouru par un courant électrique d'intensité \(I\). Comme on l'a déjà vu, le transport d'électricité est quantifié par le vecteur densité de courant volumique \(\overrightarrow{j}\) dont le flux à travers une section de C donne \(I\) :

\[ \begin{array}{ccc} \displaystyle{\iint_\text{S} \overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S}&=&I\\[2mm] \mathrm{[A.m^{-2}]}\times \mathrm{[m^2]}&&\mathrm{[A]} \end{array} \]

En régime stationnaire, toutes les grandeurs électriques sont indépendantes du . En conséquence, les porteurs de charge ne peuvent s'accumuler, mais simplement transiter : le flux de \(\overrightarrow{j}\) à travers n'importe quelle surface fermée est nécessairement nul ce qui se traduit mathématiquement par la

\[ \mathrm{div}\overrightarrow{j}=\overrightarrow{0} \]
Notations associées à la loi de Biot et Savart
Notations associées à la loi de Biot et Savart.
Tube de courant élémentaire dans lequel on isole une portion conductrice
Tube de courant élémentaire dans lequel on isole une portion conductrice de volume \(\mathrm{d}\tau=\mathrm{d}S \mathrm{d}\ell\).

Comme Œrsted l'a montré le premier en 1820, un circuit parcouru par un courant électrique permanent est responsable de l'apparition d'un champ magnétique. Biot et Savart en ont donné une formulation pour un circuit filiforme :

\[ \overrightarrow{B}=\oint_\text{C} \mathrm{d}\overrightarrow{B}= \oint_\text{C}\frac{\mu_0}{4\pi}\frac{I\, \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\wedge \overrightarrow{u}}{r^2} \]

Si l'on ne peut pas négliger l'épaisseur des fils, il faut considérer que le courant est distribué en volume. Prenons une portion de longueur \(\mathrm{d}\ell\) et isolons un tube de courant de section infinitésimale \(\mathrm{d}S\). Ce tube transporte un courant d'intensité \(\mathrm{d}I=\overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S\). La quantité \(\mathrm{d}I\, \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\), parfois appelé élément de courant, s'écrit

\[ \overrightarrow{\mathrm{d}C}=\mathrm{d}I\, \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}= \overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S\, \overrightarrow{\mathrm{d}\ell} =\overrightarrow{j}\mathrm{d}S\, \mathrm{d}\ell=\overrightarrow{j}\,\mathrm{d}\tau \]

Ainsi, en décomposant une distribution volumique en une superposition de distributions filiformes d'élément de courant \(\overrightarrow{\mathrm{d}C}=\overrightarrow{j}\, \mathrm{d}\tau\), on obtient une nouvelle formulation :

Loi de Biot et Savart

Une distribution de courants permanents produit un champ magnétostatique \(\overrightarrow{B}\) donné par la loi

\begin{equation} \overrightarrow{B}= \iiint_\text{V}\frac{\mu_0}{4\pi}\frac{\overrightarrow{j}\wedge \overrightarrow{u}}{r^2}\,\mathrm{d}\tau \quad\text{avec}\quad \text{div}\overrightarrow{j}=0 \end{equation}

Expression dans laquelle il suffit de remplacer \(\overrightarrow{j}\mathrm{d}\tau\) par \(I\,\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\) pour une distribution filiforme.

Remarque

l'intégrale (1) ne pose pas de problème de convergence pour les distributions réalistes, c'est-à-dire volumiques et finies. Toutefois, dans certaines situations idéalisées (distribution filiforme ou surfacique) l'intégrale n'est pas définie pour tout point situé sur la distribution.

Théorème d'Ampère

La loi de Biot et Savart relie le courant électrique au champ magnétique via un intermédiaire de calcul \((\overrightarrow{\mathrm{d}B})\) que l'on somme le long du circuit électrique. Le théorème d'Ampère est une autre manière d'exprimer ce lien en faisant intervenir la circulation du champ magnétique.

Fil infini rectiligne parcouru par un courant électrique permanent
Fil infini rectiligne parcouru par un courant électrique permanent.

Pour illustrer cette propriété, considérons un conducteur rectiligne infini parcouru par un courant permanent d'intensité \(I\). Comme on l'a déjà vu [2], il règne autour d'un tel conducteur un champ magnétique orthoradial dont l'intensité décroît proportionnellement à l'inverse de la distance au fil électrique. Formellement on a en coordonnées cylindriques \[ \overrightarrow{B}(r,\theta,z)=\frac{\mu_0}{2\pi}\frac{I}{r}\overrightarrow{u_\theta} \] lorsque le fil est confondu avec l'axe orienté (O\(z\)).

Circulation du champ magnétique à travers un circuit C orienté
Circulation du champ magnétique à travers un circuit C orienté.

Dessinons maintenant un contour C, fermé et orienté, puis calculons la circulation du champ \(\overrightarrow{B}\) le long de C (Fig. 5). On rappelle qu'en coordonnées cylindriques, le déplacement infinitésimal s'écrit \(\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\mathrm{d}r\,\overrightarrow{u_r}+r \mathrm{d}\theta\,\overrightarrow{u_\theta}+\mathrm{d}z\,\overrightarrow{u_z}\). On a donc \[ \oint_\text{C}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\frac{\mu_0I}{2\pi}\oint \mathrm{d}\theta \] À partir de là, distinguons deux cas :

Dans le premier cas, \(\theta\) augmente à partir de \(\theta_1\) puis diminue à partir de \(\theta_2\) jusqu'à retrouver sa valeur initiale. Par conséquent, \(\oint \mathrm{d}\theta=0\) : la circulation de \(\overrightarrow{B}\) est nulle si C n'enlace pas le fil électrique.

Différents enlacements. Le circuit C\(_1\) enlace une fois le fil électrique alors que C\(_2\) l'enlace deux fois
Différents enlacements. Le circuit C\(_1\) enlace une fois le fil électrique alors que C\(_2\) l'enlace deux fois.

Dans le second cas, \(\theta\) croît entre 0 et \(2\pi\) pour \(N=1\) enlacement, entre 0 et \(4\pi\) pour \(N=2\) enlacements, en général entre 0 et \(2N\pi\) après \(N\) enlacements. On a donc \[ \oint_0^{2N\pi} \mathrm{d}\theta=2N\pi \quad\text{soit}\quad \oint \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\mu_0NI \] La circulation du champ magnétique créé par un fil rectiligne infini ne dépend pas de la forme de C mais uniquement du nombre d'enlacements autour du conducteur ainsi que l'intensité électrique. Cette propriété étonnante, recèle une autre surprise : elle s'avère générale, c'est-à-dire valable pour .

Théorème d'Ampère pour une distribution filiforme

Une distribution de courants filiformes permanents crée un champ magnétostatique dont la circulation le long d'un circuit C fermé quelconque vaut \[ \oint_\text{C}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\mu_0 I_\text{e} \] où \(I_\text{e}\) est la somme algébrique des intensités parcourant les fils enlacés par C.

Le courant enlacé est compté positivement ici
Le courant enlacé est compté positivement ici.

Notez que \(I_\text{e}\) est une quantité algébrique qui dépend du sens du courant et de l'orientation du circuit C. Si le courant enlacé a le même sens que la progression d'un tire-bouchon tournant dans le sens du circuit C, alors \(I_\text{e}\) est compté positivement. Dans le cas contraire, il est compté négativement.

Exercice

Circulation à calculer

La figure représente un circuit électrique produisant un champ magnétique. Que vaut la circulation du champ magnétique le long du cercle C orienté ?

Rép. \(\oint \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=-4\mu_0 I\)

Dans le cas d'une distribution non filiforme, il faut compter le flux électrique qui traverse le circuit C dans le sens indiqué par la règle du tire-bouchon. Autrement dit \(I_\text{e}=\iint_\text{S} \overrightarrow{j}\cdot\overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S\) où S est une surface qui s'appuie sur C. Insistons sur le fait que toute surface convient, tant qu'elle s'appuie sur C. En effet le flux de \(\overrightarrow{j}\) à travers S ne dépend que du contour qui délimite S ; c'est la conséquence du fait que \(\overrightarrow{j}\) est à flux conservatif (\(\text{div}\overrightarrow{j}=0\)).

Théorème d'Ampère pour une distribution volumique

Calcul du courant enlacé en termes de densité de courant
Calcul du courant enlacé en termes de densité de courant.

Une distribution de courants permanents de densité volumique \(\overrightarrow{j}\) crée un champ magnétostatique dont la circulation le long d'un circuit C fermé quelconque vaut \[ \oint_\text{C}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\mu_0 \iint_\text{S} \overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S \] où S est une surface qui s'appuie sur C et \(\overrightarrow{n}\) un vecteur unitaire normal à \(\mathrm{d}S\) et orienté via la règle du tire-bouchon.

Application — Fil rectiligne de section non négligeable

Conducteur cylindrique parcouru par un courant axial uniforme et permanent
Conducteur cylindrique de rayon \(a\) parcouru par un courant axial uniforme et permanent.

Considérons un conducteur cylindrique de rayon \(a\) parcouru par un courant électrique uniforme et axial (suivant O\(z\)) d'intensité \(I\). Ce problème présente une grande symétrie puisque tout plan contenant l'axe du cylindre est un plan de symétrie de la distribution de courant. Par conséquent le champ magnétique \(\overrightarrow{B}\) est orthoradial. Par ailleurs, la symétrie cylindrique rend le champ magnétique invariant vis à vis de \(z\) et \(\theta\) : \[ \overrightarrow{B}=B(r)\, \overrightarrow{u_{\theta}} \]

Dans des situations comme celle-ci où la structure du champ est assez simple, on peut utiliser le théorème d'Ampère pour calculer \(B\). Ici, par exemple, il suffit d'appliquer le théorème d'Ampère en choisissant un contour C circulaire d'axe (O\(z\)) et de rayon \(r\) (Fig. 9). Calculons la circulation de \(\overrightarrow{B}\) le long de C : \[ \oint \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}= \oint B(r)\,\mathrm{d}\ell= B(r)\oint \mathrm{d}\ell= B(r)\times 2\pi r \] Quant au courant enlacé, il dépend de la taille de C :

Le théorème d'Ampère donne immédiatement \(B(r)\) :

\begin{equation} B(r)= \begin{cases} \dfrac{\mu_0I}{2\pi\, r}&\text{si }r\geq a\\[2mm] \dfrac{\mu_0I\,r}{2\pi\, a^2}&\text{si }r<a \end{cases} \end{equation}

On note que le champ magnétique créé à l'extérieur du cylindre conducteur est identique à celui d'un courant rectiligne filiforme de même intensité.

Équation de Maxwell-Ampère statique

Le théorème d'Ampère peut prendre une forme locale si l'on se souvient de la formule de Stokes : \[ \oint_{\text{C}} \overrightarrow{A}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}= \iint_{\text{S}}\overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{A}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S \] avec S s'appuyant sur C.

Prenons comme champ vectoriel le champ magnétostatique \(\overrightarrow{B}\) et utilisons le théorème d'Ampère : \[ \oint_\text{C} \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}= \iint_{\text{S}}\overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S= \mu_0\iint_{\text{S}}\overrightarrow{j}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S \] Pour que la dernière égalité soit réalisée pour toute surface il faut nécessairement

Equation de Maxwell-Ampère statique

\begin{equation} \overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{B}=\mu_0 \overrightarrow{j} \quad\text{ou}\quad \overrightarrow{\nabla}\wedge\overrightarrow{B}=\mu_0 \overrightarrow{j} \end{equation}

Cette relation est appelée équation de Maxwell-Ampère statique, car elle n'est valable qu'en régime stationnaire. Nous verrons ultérieurement qu'elle viole le principe de conservation de la charge en régime variable ; il faudra alors procéder à une modification de cette équation pour l'étendre à tous les régimes.

Flux du champ magnétostatique

Équation de Maxwell-Thomson

Montrons, à l'aide de la relation de Biot et Savart, que \(\text{div}\overrightarrow{B}=0\). Plaçons nous dans le contexte d'une distribution  : \[ \overrightarrow{B}(\text{M})= \frac{\mu_0I}{4\pi}\oint_\text{C}\frac{\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\wedge \overrightarrow{u}}{r^2} \] On cherche à calculer la divergence de \(\overrightarrow{B}\), c'est-à-dire \[ \text{div}\overrightarrow{B}(\text{M})= \frac{\partial B_x}{\partial x}+\frac{\partial B_y}{\partial y}+\frac{\partial B_z}{\partial z} \] Où l'on dérive par rapport aux coordonnées de M. Dans la formule de Biot et Savart, l'intégrale ne concerne pas le ; on peut donc intervertir l'ordre des opérations : \[ \text{div}\overrightarrow{B}(\text{M})=\frac{\mu_0I}{4\pi} \text{div}\left(\oint_\text{C}\frac{\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\wedge \overrightarrow{u}}{r^2}\right)= \frac{\mu_0I}{4\pi} \oint_\text{C}\text{div}\left(\frac{\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\wedge \overrightarrow{u}}{r^2}\right) \] Utilisons maintenant l'identité \(\text{div}(\overrightarrow{A}\wedge \overrightarrow{B})=\overrightarrow{B}\cdot\overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{A}-\overrightarrow{A}\cdot\overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{B}\) en prenant \(\overrightarrow{A}=\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\) et \(\overrightarrow{B}=\overrightarrow{u}/r^2\;:\) \[ \text{div}\overrightarrow{B}(\text{M})=\frac{\mu_0I}{4\pi}\left[ \oint_\text{C}\frac{\overrightarrow{u}}{r^2}\cdot\overrightarrow{\text{rot}}\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}- \oint_\text{C} \overrightarrow{\text{rot}}\left(\frac{\overrightarrow{u}}{r^2}\right)\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\right] \] La première intégrale est nulle, car \(\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\) on a \(\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\overrightarrow{0}\). La seconde intégrale est également nulle car \(\overrightarrow{\text{rot}}\left(\overrightarrow{u}/r^2\right)=\overrightarrow{0}\). En effet, \(\overrightarrow{u}/r^2\) est un , et le rotationnel d'un gradient est nul ! Finalement, on établit la relation

Équation de Maxwell-Thomson

\begin{equation} \text{div}\overrightarrow{B}=0 \quad\text{ou}\quad \overrightarrow{\nabla}\cdot\overrightarrow{B}=0 \end{equation}

Il s'agit de l'équation de Maxwell-Thomson qui restera valide en régime variable.

Les équations (3) et (4) déterminent le champ magnétique de façon pour une distribution de courant donné.

Champ à flux conservatif

Rappelons que le flux magnétique à travers une surface S est la quantité \[ \phi_B=\iint_\text{S}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S \] où \(\overrightarrow{n}\) est un vecteur unitaire perpendiculaire à la surface S. Le flux magnétique s'exprime en weber (Wb) et joue un rôle important dans les phénomènes d'induction.

Choisissons une surface fermée S et orientons \(\overrightarrow{n}\) vers l'extérieur de S : \(\phi_B\) désigne alors le flux magnétique sortant. En vertu du théorème de la divergence et de l'équation de Maxwell-Thomson (4), on a \[ \oint_\text{S}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\, \mathrm{d}S= \iiint_\text{V}\text{div}\overrightarrow{B}\, \mathrm{d}\tau=0 \] On dit que \(\overrightarrow{B}\) est un champ vectoriel à flux conservatif. Ainsi contrairement à la situation que l'on peut observer en électrostatique, les lignes du champ \(\overrightarrow{B}\) ne peuvent pas toutes sortir d'une surface fermée ; certaines doivent y entrer pour produire un flux net rigoureusement nul. En conséquence, d'où émergerait des lignes de champ, à l'instar de la charge électrique pour le champ électrique, ne peut être observé.

Le flux magnétique ne dépend que du contour C et du champ magnétique
Le flux magnétique ne dépend que du contour C et du champ magnétique.

Une autre conséquence est que le flux magnétique à travers une surface non fermée S ne dépend que du circuit C sur lequel . En effet, choisissons un contour orienté C et deux surfaces S\(_1\) et S\(_2\) s'appuyant sur C (Fig. 10). Par construction, la réunion S des deux surfaces est une surface fermée ; on a donc \[ \oint_\text{S}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\, \mathrm{d}S= \iint_{\text{S}_1}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\, \mathrm{d}S+ \iint_{\text{S}_2}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\, \mathrm{d}S=0 \]

Orientons par exemple C de sorte que \(\overrightarrow{n}=\overrightarrow{n}^\text{ext}\) pour S\(_2\). Dans ce cas, \(\overrightarrow{n}=-\overrightarrow{n}^\text{ext}\) pour S\(_1\) et il vient : \[ \iint_{\text{S}_1}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S= \iint_{\text{S}_2}\overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S \] ceci, quelles que soient les surfaces S\(_1\) et S\(_2\), pourvu qu'elles s'appuient sur le même contour. Autrement dit le flux magnétique ne dépend que du champ magnétique et de la forme du contour.

Potentiel vecteur

Définition

Nous avons vu en électrostatique que \(\overrightarrow{E}\) est un gradient, car \(\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{E}=\overrightarrow{0}\). En magnétostatique, \(\overrightarrow{B}\) est de divergence nulle ce qui est le propre de tout champ rotationnel :

Potentiel vecteur

\[ \overrightarrow{\nabla}\cdot \overrightarrow{B}=0 \quad\Leftrightarrow\quad \overrightarrow{B}=\overrightarrow{\nabla}\wedge \overrightarrow{A} \]

Le champ vectoriel \(\overrightarrow{A}\) s'appelle le potentiel vecteur.

Exemple

Prenons \(\overrightarrow{A}=\begin{pmatrix}0\\0\\f(x,y,z)\end{pmatrix}\) où \(f\) est une fonction de classe C\(^2\). Calculons son rotationnel puis vérifions qu'on obtient bien un champ de divergence nulle. On a \[ \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}= \begin{pmatrix}\frac{\partial}{\partial x}\\\frac{\partial}{\partial y}\\\frac{\partial}{\partial z}\end{pmatrix} \wedge \begin{pmatrix} 0\\0\\f \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} \;\frac{\partial f}{\partial y}\\- \frac{\partial f}{\partial x}\\0 \end{pmatrix} \] Et la divergence de ce champ rotationnel vaut \[ \overrightarrow{\nabla}\cdot(\overrightarrow{\nabla}\wedge \overrightarrow{A})= \begin{pmatrix}\frac{\partial}{\partial x}\\\frac{\partial}{\partial y}\\\frac{\partial}{\partial z}\end{pmatrix} \cdot \begin{pmatrix} \;\frac{\partial f}{\partial y}\\- \frac{\partial f}{\partial x}\\0 \end{pmatrix}= \frac{\partial}{\partial x}\frac{\partial f}{\partial y}-\frac{\partial }{\partial y}\frac{\partial f}{\partial x} \] Or, en vertu du théorème de Schwarz, une dérivation partielle à l'ordre 2 ne dépend pas de l'ordre dans lequel se fait la dérivation. On en déduit ici que \(\overrightarrow{\nabla}\cdot(\overrightarrow{\nabla}\wedge\overrightarrow{A})=0\).

Le potentiel vecteur s'exprime en T.m ou en Wb/m. Il y a en effet un lien entre le flux magnétique et la circulation du potentiel vecteur :

\[ \oint_\text{C}\overrightarrow{A}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}= \iint_\text{S} \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S= \iint_\text{S} \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}S=\phi_B \]

où l'on voit manifestement, comme on l'a déjà signalé, que le flux magnétique ne dépend que de la forme du contour et du .

À l'instar du potentiel électrostatique, \(\overrightarrow{A}\) est un champ indéterminé. Plus précisément, \(\overrightarrow{A}\) est défini à un gradient près. En effet, si \(\overrightarrow{A}\) est un potentiel vecteur associé au champ \(\overrightarrow{B}\) (\(\overrightarrow{B}=\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}\)), alors le champ \(\overrightarrow{A}+\overrightarrow{\nabla}f\) convient aussi puisque \[ \overrightarrow{\nabla}\wedge(\overrightarrow{A}+\overrightarrow{\nabla}f)= \overrightarrow{\nabla}\wedge \overrightarrow{A}+\cancel{\overrightarrow{\nabla}\wedge \overrightarrow{\nabla}f}= \overrightarrow{B} \] Cette indétermination nous procure donc une certaine liberté dans le choix de \(\overrightarrow{A}\). Un choix souvent réalisé en magnétostatique consiste à imposer \(\text{div}\overrightarrow{A}=0\). On dit qu'on se place dans la jauge de Coulomb.

Équation de Poisson

Nous avons déjà rencontré une équation reliant potentiel et sources en électrostatique ; il s'agit de l'équation de Poisson de l'électrostatique : \[ \Delta V+\frac{\rho}{\epsilon_0}=0 \quad\text{avec}\quad \Delta V=\frac{\partial^2 V}{\partial x^2}+\frac{\partial^2 V}{\partial y^2}+\frac{\partial^2 V}{\partial z^2} \] On rencontre une équation du même type en magnétostatique en introduisant \(\overrightarrow{A}\) dans l'équation de Maxwell-Ampère statique (3) : \[ \overrightarrow{\text{rot}}\left(\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}\right)=\mu_0 \overrightarrow{j} \] Utilisons l'identité \(\overrightarrow{\text{rot}}\left(\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}\right)=\overrightarrow{\text{grad}}\left(\text{div}\right)\overrightarrow{A}-\Delta \overrightarrow{A}\). Par ailleurs, fixons-nous la jauge de Coulomb \(\text{div}\overrightarrow{A}=0\). L'équation de Maxwell-Ampère prend la forme d'une équation aux dérivées partielles du second ordre, appelée équation de Poisson de la magnétostatique :

Équation de Poisson de la magnétostatique

\begin{equation} \Delta \overrightarrow{A}+\mu_0 \overrightarrow{j}=\overrightarrow{0} \quad\text{avec}\quad \text{div}\overrightarrow{A}=0 \end{equation}

Expression du potentiel vecteur

Profitons de l'analogie avec l'équation de Poisson de l'électrostatique pour déterminer une expression du potentiel vecteur. Si l'on projette (5) suivant l'axe (O\(z\)) on trouve une équation scalaire \[ \Delta A_z+\mu_0j_z=0 \text{ formellement analogue à } \Delta V+\frac{\rho}{\epsilon_0}=0 \] Or, on sait que \(V=\iiint \frac{\rho}{4\pi\epsilon_0\, r}\mathrm{d}\tau\) est solution de l'équation de Poisson électrostatique. Par analogie, on en déduit que \[ A_z=\iiint_\mathcal{D}\frac{\mu_0 j_z}{4\pi\, r}\mathrm{d}\tau \] est une solution de l'équation de Poisson magnétostatique. Le même raisonnement peut se faire pour les trois composantes cartésiennes. En les regroupant on obtient une expression intégrale pour \(\overrightarrow{A}\).

Expression du potentiel vecteur

Dans la jauge de Coulomb (\(\text{div}\overrightarrow{A}=0\)), le potentiel vecteur est relié aux sources de courant via

\begin{equation} \overrightarrow{A}= \frac{\mu_0}{4\pi}\iiint_\mathcal{D}\frac{\overrightarrow{j}\, \mathrm{d}\tau}{r} \end{equation}

Pour une distribution filiforme, l'intégrale est curviligne et \(\overrightarrow{j}\, \mathrm{d}\tau\) devient \(I\, \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}\).

Rigoureusement, il faudrait vérifier que l'intégrale présente bien une divergence nulle. On montre que c'est bien le cas pour une distribution d'extension finie ([4]p.106).

On montre que pour une distribution finie, volumique ou surfacique, le potentiel vecteur est défini et continu en tout point. C'est le cas aussi pour les distributions linéiques, sauf sur la distribution où l'intégrale n'est pas calculable. C'est avec les distributions infinies qu'il faut manipuler l'intégrale avec précaution, car il arrive souvent qu'elle diverge.

Propriétés de symétrie — Comme on peut le voir dans l'expression (6), \(\overrightarrow{A}\) se comporte, du point de vue des symétries, comme un vecteur polaire puisque c'est la somme de vecteurs polaires (\(\overrightarrow{j}\)). Il vérifiera donc les mêmes propriétés que le champ électrique.

Symétries du potentiel vecteur

Méthodes de calcul

Jusqu'ici, pour déterminer le champ magnétique on pouvait procéder :

Dorénavant, l'existence du potentiel vecteur \(\overrightarrow{A}\) nous procure un autre moyen d'accéder au champ magnétique :

Remarque

Si l'on cherche à déterminer la valeur de \(\overrightarrow{B}\) en un point particulier M\(_0\), la méthode qui consiste à passer par \(\overrightarrow{A}\) est inadaptée, car elle demande de connaître \(\overrightarrow{A}\) dans la région autour du point M\(_0\) avant d'effectuer les dérivations qui mèneront à la valeur de \(\overrightarrow{B}\). Le calcul direct de \(\overrightarrow{B}\) est dans ce cas beaucoup plus adapté.

Fil conducteur rectiligne de section non négligeable
Fil conducteur rectiligne de section non négligeable.

Pour illustrer notre propos, reprenons l'étude du conducteur cylindrique de rayon \(a\) transportant un courant uniforme et axial de densité \(j\). Nous avons déjà expliqué comment le théorème d'Ampère permet de déterminer le champ magnétique ici. Tentons d'obtenir le même résultat en passant par le calcul du potentiel vecteur. On a le choix entre un calcul intégral et une équation aux dérivées partielles. Ici l'équation de Poisson est le choix le plus sage, car l'intégrale (6) diverge (la distribution est indéfinie).

Avant de commencer, réduisons le problème à l'aide des symétries. On constate que tout plan perpendiculaire à l'axe (O\(z\)) est un plan antisymétrique. Il en résulte que \(\overrightarrow{A}\) est perpendiculaire à ce plan, c'est-à-dire dirigé suivant l'axe (O\(z\)) : \[ \overrightarrow{A}=A_z(r,\theta,z)\, \overrightarrow{u_z} \]

Remarque

On peut aussi simplement constater que d'après (6), \(\overrightarrow{A}\) est une somme de vecteurs colinéaires à \(\overrightarrow{u_z}\) ; le résultat est forcément suivant \(\overrightarrow{u_z}\)

La jauge de Coulomb impose \(\overrightarrow{\nabla}\cdot \overrightarrow{A}=\frac{\partial A_z}{\partial z}=0\) ; autrement dit le potentiel vecteur ne dépend pas de \(z\). Il ne dépend pas non plus de \(\theta\) comme on peut le voir à partir de l'expression du champ magnétique. En effet, \[ \overrightarrow{B}=\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}= \dfrac{1}{r}\dfrac{\partial A_{z}}{\partial\theta}\, \overrightarrow{u_r} -\dfrac{\partial A_{z}}{\partial r}\,\overrightarrow{u_\theta} \]

et pour des raisons de symétrie, le champ magnétique est orthoradial. Il en découle \(\frac{\partial A_{z}}{\partial\theta}=0\) : le potentiel vecteur ne dépend finalement que de \(r\). Écrivons maintenant l'équation de Poisson : \[ \frac{1}{r}\frac{\partial}{\partial r}\left(r \frac{\partial A_z}{\partial r}\right)= \begin{cases} 0&\text{si }r>a\\ -\mu_0 j &\text{si }r\leq a \end{cases} \]

Intégrons deux fois de suite la première équation (\(r>a\)). On trouve \[ A_z(r)=C_1\ln(r)+\cancel{C_2} \quad\text{pour }r>a \] où \(C_1\) et \(C_2\) sont deux constantes d'intégration. On ne perd pas en généralité en posant \(C_2=0\) puisque le champ magnétique n'en dépend pas.

Passons à la deuxième relation et multiplions là par \(r\). \[ \frac{\partial}{\partial r}\left(r \frac{\partial A_z}{\partial r}\right)=-\mu_0 j\,r\quad\text{si }r\in]0,a] \] En intégrant une fois, on obtient \[ \frac{\partial A_z}{\partial r}=-\frac12 \mu_0j\,r+\cancel{\frac{C_3}{r}} \] où le dernier terme en \(C_3/r\) est forcément nul si l'on veut éviter que le champ magnétique diverge à l'approche de l'axe. En intégrant à nouveau, on aboutit à \[ A_z(r)=-\frac14 \mu_0jr^2+C_4\quad\text{si }r\leq a \] Il nous reste à déterminer les deux constantes \(C_1\) et \(C_4\) en utilisant la continuité des champs en \(r=a\) : \[ \begin{array}{ll} -\frac14 \mu_0j\, a^2+C_4=C_1\ln a & \text{continuité de }\overrightarrow{A}\\ \frac12 \mu_0j\, a=-\frac{C_1}{a} & \text{continuité de }\overrightarrow{B}=-\frac{\partial A_z}{\partial r}\overrightarrow{u_\theta} \\ \end{array} \] On en déduit \(C_1=-\frac12 \mu_0ja^2\) et \(C_4=\mu_0ja^2\left(\frac14-\frac12 \ln a\right)\). Le potentiel vecteur est donc donné par \[ {A_z}^\text{int}=-\frac14\mu_0j\left(r^2-a^2\right)-\frac12 \mu_0ja^2 \ln a \quad\text{et}\quad {A_z}^\text{ext}=-\frac12 \mu_0j a^2\ln r \] Le champ magnétique s'obtient sans difficulté : \[ \overrightarrow{B}=-\frac{\partial A_z}{\partial r}\overrightarrow{u_\theta}= \begin{cases} \dfrac12\mu_0 j\,r\,\overrightarrow{u_\theta}&\text{si }r\leq a\\ \dfrac12\mu_0 j\dfrac{a^2}{r}\,\overrightarrow{u_\theta}&\text{si }r>a \end{cases} \] On laisse le lecteur vérifier l'adéquation de ce résultat avec (2).

Relations de passage du champ magnétique

Si les courants sont distribués en surface, le champ magnétique n'est plus défini sur la distribution. Des relations de passage permettent de relier le champ magnétostatique d'un point situé juste en dessous avec celui situé juste au dessus.

Courants surfaciques

Dans certaines situations, les courants qui interviennent sont répartis à l'intérieur d'une mince couche dont il est tentant de négliger l'épaisseur. On décrit alors cette nappe de courant par la notion de densité de courant surfacique.

Nappe de courant
Nappe de courant.

Soit \(\mathrm{d}I\), l'intensité du courant qui traverse une section rectangulaire (\(\mathrm{d}\ell\times a\)) de la nappe de courant. On a \[ \mathrm{d}I=\mathrm{d}\ell \int_0^a j(z)\, \mathrm{d}z \] où la densité volumique de courant \(j\) dépend éventuellement de \(z\). Dans une schématisation surfacique, tout se passe comme si l'on faisait tendre \(a\to 0\) et \(j\to \infty\) de façon à ce que l'intégrale reste finie. On écrira alors \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \mathrm{d}I=j_s\times \mathrm{d}\ell \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \] où \(j_s\) est par définition la densité de courant surfacique. Cette grandeur s'exprime en A.m\(^{-1}\).

Le vecteur densité de courant surfacique \(\overrightarrow{j_s}\) est simplement un vecteur orienté dans le sens du courant et de norme \(j_s=\mathrm{d}I/\mathrm{d}\ell\).

Exercice

Un cylindre creux de diamètre 10 mm et d'épaisseur négligeable transporte un courant axial et uniforme d'intensité \(I=10\,\mathrm{A}\). Que vaut \(j_s\) ?

Rép. \(j_s=318\,\mathrm{A.m^{-1}}\)

Les formules intégrales qui donnent l'expression de \(\overrightarrow{B}\) et \(\overrightarrow{A}\) sont fournies pour des distributions volumiques. Si une modélisation surfacique se justifie, il suffira alors de remplacer les intégrales triples par des intégrales doubles et le terme \(\overrightarrow{j}\, \mathrm{d}\tau\) par \(\overrightarrow{j_s}\, \mathrm{d}S\). Toutefois, le champ magnétique ne sera plus défini en un point de la surface et pourra présenter une discontinuité.

Continuité de la composante normale

On a vu au chapitre précédent que la composante normale du champ électrostatique subit une discontinuité au passage d'une surface chargée. On a obtenu ce résultat en appliquant le théorème de Gauss sur un petit cylindre coupant perpendiculairement la surface chargée. Le résultat était le suivant \[ \text{div}\overrightarrow{E}=\frac{\rho}{\epsilon_0} \quad\Longleftrightarrow\quad \left(\overrightarrow{E_2}-\overrightarrow{E_1}\right)\cdot \overrightarrow{n}_{12}=\frac{\sigma}{\epsilon_0} \] Ici, le champ magnétostatique est à flux conservatif. Il en découle qu'un raisonnement similaire aboutit au résultat suivant : \[ \text{div}\overrightarrow{B}=0 \quad\Longleftrightarrow\quad \left(\overrightarrow{B_2}-\overrightarrow{B_1}\right)\cdot \overrightarrow{n}_{12}=0 \]

Relation de passage

La composante normale du champ magnétostatique est continue lors de la traversée d'une nappe de courant. \[ \left(\overrightarrow{B_2}-\overrightarrow{B_1}\right)\cdot \overrightarrow{n}_{12}=0 \]

Discontinuité de la composante tangentielle

Le résultat de l'électrostatique concernant la composante tangentielle peut se résumer ainsi : \[ \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{E}=\overrightarrow{0} \quad\Longleftrightarrow\quad E_{t2}=E_{t1} \]

Contour rectangulaire coupant une nappe de courant
Contour rectangulaire coupant une nappe de courant.

Le champ magnétostatique n'étant pas de rotationnel nul, la composante tangentielle doit subir une discontinuité à la traversée d'une nappe de courant. \[ \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{B}=\mu_0 \overrightarrow{j} \quad\Longleftrightarrow\quad B_{t2}\neq B_{t1} \] Procédons de la même manière qu'en électrostatique, en considérant un contour rectangulaire coupant perpendiculairement une surface S transportant un courant de densité \(\overrightarrow{j_s}\). Le théorème d'Ampère se traduit par \[\begin{split} \oint_{(\text{ABCD})} \overrightarrow{B}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell} =\int_\text{[AB]}\overrightarrow{B}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell} +\int_\text{[BC]}\overrightarrow{B}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell}\\ +\int_\text{[CD]}\overrightarrow{B}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell} +\int_\text{[DA]}\overrightarrow{B}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\ell} =\mu_0 \int \overrightarrow{j_s}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}\ell \end{split}\] Appelons \(h\) la largeur du rectangle et \(\ell\) sa longueur. Si l'on fait tendre \(h\to 0\), le deuxième et le quatrième terme disparaissent. Par ailleurs, choisissons \(\ell\) assez petit pour pouvoir considérer le champ magnétique uniforme le long des tronçons rectilignes. On obtient alors l'équation \[ \overrightarrow{B_1}\cdot (\ell\overrightarrow{t})-\overrightarrow{B_2}\cdot(\ell\overrightarrow{t})= \mu_0 \int \overrightarrow{j_s}\cdot \overrightarrow{n}\, \mathrm{d}\ell \] où \(\overrightarrow{n}\) est le vecteur normal à la section rectangulaire défini par \(\overrightarrow{n}=\overrightarrow{t}\wedge \overrightarrow{n_{12}}\). Pour les mêmes raisons que précédemment, la densité de courant est uniforme sur la section. On a donc \[ \overrightarrow{B_1}\cdot \overrightarrow{t}-\overrightarrow{B_2}\cdot\overrightarrow{t}= \mu_0 \overrightarrow{j_s}\cdot\overrightarrow{n} \] La composante tangentielle subit donc une discontinuité. Plaçons le contour de façon à ce que le courant le traverse perpendiculairement. Dans ce cas, \(\overrightarrow{j_s}\) est colinéaire à \(\overrightarrow{n}\) et \(B_{1t}-B_{2t}=\mu_0j_{s}\).

Relation de passage du champs magnétostatique

À la traversée d'une nappe de courant stationnaire, le champ magnétique présente une continuité de sa composante normale et une discontinuité de sa composante tangentielle que l'on peut résumer par :

\begin{equation} \overrightarrow{B_2}-\overrightarrow{B_1}=\mu_0\left(\overrightarrow{j_s}\wedge \overrightarrow{n_{12}}\right) \end{equation}

Le solénoïde infini

Réalisons un solénoïde à partir d'une feuille conductrice disposée autour d'un cylindre de rayon \(a\), et parcourue par un courant orthoradial \(\overrightarrow{j_s}=j_s\, \overrightarrow{u_\theta}\) uniforme et stationnaire. Cherchons l'expression du champ magnétique créé par cette distribution lorsque le cylindre est infini. Pour cela, nous utiliserons les équations locales associées aux relations de passage.

Solénoïde infini
Solénoïde infini.

Tout d'abord, notons (O\(z\)) l'axe de symétrie du cylindre et adoptons le système de coordonnées cylindriques. Tout plan perpendiculaire au cylindre est un plan de symétrie de la distribution de sorte que le champ magnétique est nécessairement axial. De plus, l'invariance de la distribution par rotation autour de l'axe (O\(z\)) et par translation suivant \(z\) implique que l'intensité du champ magnétique varie seulement avec la coordonnée radiale \(r\). Pour résumer, \[ \overrightarrow{B}(\text{M})=B(r)\, \overrightarrow{u_z} \] Appliquons la relation de Maxwell-Ampère là où le champ magnétique est défini : \[ \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{B}=\mu_0 \overrightarrow{j}=\overrightarrow{0} \quad\text{pour }\quad r>a \quad\text{ou}\quad r<a \] ce qui donne \[ \overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{B}= \begin{pmatrix} \dfrac{1}{r}\cancel{\dfrac{\partial B_z}{\partial \theta}}-\dfrac{\partial \cancel{B_\theta}}{\partial z}\\ \dfrac{\partial \cancel{B_r}}{\partial z}-\dfrac{\partial B_z}{\partial r}\\ \dfrac{1}{r}\dfrac{\partial(r\cancel{B_\theta})}{\partial r}-\dfrac{1}{r}\dfrac{\partial \cancel{B_r}}{\partial \theta} \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} 0\\[2mm] 0\\[2mm] 0\\ \end{pmatrix} \quad\text{soit}\quad \frac{\partial B_z}{\partial r}=0 \] Le champ magnétique garde donc une valeur constante dans les deux régions définies par \(r>a\) et \(r<a.\) On conçoit que si l'on se place à l'infini et à l'extérieur du solénoïde, le . On a donc \[ \overrightarrow{B}^\text{ext}=\overrightarrow{0} \quad\text{et}\quad \overrightarrow{B}^\text{int}=\overrightarrow{\mathrm{C^{te}}} \] Les relations de passage permettent de déterminer la valeur du champ intérieur. En effet, au voisinage de la nappe de courant, d'après (7), on a \[ \overrightarrow{B}^\text{ext}-\overrightarrow{B}^{\text{int}}=\mu_0 \overrightarrow{j_s}\wedge \overrightarrow{n_{12}}=-\mu_0 j_s \, \overrightarrow{u_z} \] Finalement, un solénoïde infini produit un champ uniforme à l'intérieur et nul à l'extérieur :

Champ d'un solénoïde infini

\[ \overrightarrow{B}^\text{ext}=\overrightarrow{0} \quad\text{et}\quad \overrightarrow{B}^\text{int}=\mu_0 j_s\, \overrightarrow{u_z} \]

On peut remarquer que ce résultat reste encore valide pour un solénoïde de section non circulaire.

Enroulement solénoïdal
Enroulement solénoïdal.

On peut approcher un solénoïde infini en enroulant du fil électrique autour d'un long cylindre. On enroulera de façon jointive les spires pour avoir un courant uniforme, et l'on prendra du fil très fin pour pouvoir négliger l'hélicité de l'enroulement : le courant transporté est alors quasi-orthoradial. On peut relier le courant surfacique avec la densité d'enroulement \(n\) (en spires par mètre) et l'intensité \(I_0\) du courant transporté par le fil. En effet, à travers une section de longueur \(\ell\), passe un courant d'intensité \[ I=I_0\times n\times \ell=j_s \ell \] Cette bobine est donc équivalente à une nappe de courant solénoïdale de densité de courant surfacique \(j_s=nI_0\) (A/m). On en déduit le champ créé par une bobine infinie : \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \overrightarrow{B}^\text{ext}=\overrightarrow{0} \quad\text{et}\quad \overrightarrow{B}^\text{int}=\mu_0n I_0 \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \] On retrouve l'expression déjà rencontré.

Pour une démonstration basée sur l'intégration du champ créé par les spires, voir le recueil d'exercices Électromagnétisme-1ère Partie.

Résumé

Récapitulons les connaissances acquises à travers la table 1 montrant les similitudes et différences entre les champs électrostatique et magnétostatique.

Résumé des propriétés des champs électrostatique et magnétostatique.
Propriétés intrinsèques
\(\displaystyle \oint_\text{C} \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=0\) \(\displaystyle \oint_\text{S} \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\, \mathrm{d}S=0\)
ou ou
\(\displaystyle\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{E}=\overrightarrow{0}\) (Eq. Maxwell-Faraday) \(\displaystyle\text{div}\overrightarrow{B}=0\) (Eq. Maxwell-Thomson)
Lien entre les sources
\(\displaystyle\oint_\text{S} \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{n}^\text{ext}\mathrm{d}S=\dfrac{Q^\text{int}}{\epsilon_0}\) (Th. de Gauss) \(\displaystyle\oint_\text{C} \overrightarrow{B}\cdot \overrightarrow{\mathrm{d}\ell}=\mu_0I_\text{e}\) (Th. d'Ampère)
ou ou
\(\displaystyle\text{div}\overrightarrow{E}=\dfrac{\rho}{\epsilon_0}\) (Eq. Maxwell-Gaus) \(\displaystyle\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{B}=\mu_0 \overrightarrow{j}\) (Eq. Maxwell-Ampère)
\(\overrightarrow{E}(\text{M})=\displaystyle \iiint_{\text{P}\in \mathcal{D}} \dfrac{\rho(\text{P}) \overrightarrow{u}}{4\pi\epsilon_0\, \text{PM}^2}\mathrm{d}\tau\) \(\overrightarrow{B}(\text{M})=\displaystyle\iiint_{\text{P}\in \mathcal{D}} \dfrac{\mu_0 \overrightarrow{j}(\text{P})\wedge \overrightarrow{u}}{4\pi\, {\text{PM}}^2}\mathrm{d}\tau\)
Potentiels
\(\displaystyle\overrightarrow{E}(\text{M})=-\overrightarrow{\text{grad}}\,V(\text{M})\) \(\displaystyle\overrightarrow{B}(\text{M})=\overrightarrow{\text{rot}}\,\overrightarrow{A}(\text{M})\)
\(V(\text{M})=\displaystyle\iiint_{\text{P}\in \mathcal{D}} \dfrac{\rho(\text{P})}{4\pi\epsilon_0\, \text{PM}}\mathrm{d}\tau\) \(\overrightarrow{A}(\text{M})=\displaystyle\iiint_{\text{P}\in \mathcal{D}} \dfrac{\mu_0 \overrightarrow{j}(\text{P})}{4\pi\, \text{PM}}\mathrm{d}\tau\) (Jauge de Coulomb)
Équations de Poisson
\(\Delta V+\dfrac{\rho}{\epsilon_0}=0\) \(\Delta \overrightarrow{A}+\mu_0 \overrightarrow{j}=\overrightarrow{0}\) (Jauge de Coulomb)
Relations de Passage
\(\overrightarrow{E_2}-\overrightarrow{E_1}=\frac{\sigma}{\epsilon_0}\overrightarrow{n_{12}}\) \(\overrightarrow{B_2}-\overrightarrow{B_1}=\mu_0\left(\overrightarrow{j_s}\wedge \overrightarrow{n_{12}}\right)\)

Pour en savoir plus...

  1. J. Roussel Équations de Maxwell[en ligne], 2022, disponible sur femto-physique.fr
  2. J. Roussel Champ magnétique créé par des courants électriques[en ligne], 2016, disponible sur femto-physique.fr
  3. J. D. Jackson et al. Electrodynamique classique : cours et exercices d’électromagnétismeParis, Dunod, 2001.
  4. H. Gié et J.P. Sarmant Electromagnétisme, volume 1 et 2Collection des sciences physiques, Technique et documentation, Lavoisier, 1985.
  5. E. M. Purcell Cours de physique de Berkeley, tome 2 : Électricité et magnétismeDunod, 1998.