Ce cours aborde les propriétés électriques des conducteurs, aussi bien à l'équilibre que hors équilibre (phénomène de conduction). Ce sera l'occasion d'introduire les notions de capacité d'un condensateur et de résistance d'un conducteur ohmique utiles en électricité.
Conduction électrique
Un conducteur est un système macroscopique qui contient des porteurs de charge libres, susceptibles de se mettre en mouvement sous l'action d'une force extérieure.
Conducteur | Porteurs de charge libres |
---|---|
Métal (Cu, Ag, Au, Al, ...) | Électrons libres délocalisés |
Semi conducteur dopé (Si, AsGa, ...) | Paires électron - trou |
Solution électrolytique (KOHaq, NaClaq,...) | Ions dissous |
Plasma (gaz ionisé) | Protons, électrons |
Courant électrique
Définition
Le courant électrique est le résultat d'un déplacement d'ensemble de particules chargées. Son intensité \(I\) est donnée par le flux (ou le débit) de charge qui traverse une section (\(S\)). Plus précisément, la quantité de charge \(\mathrm{d}q\) qui passe au travers de (\(S\)) entre \(t\) et \(t+ \mathrm{d}t\) vaut \[ \mathrm{d}q=I(t)\, \mathrm{d}t \] L'intensité électrique s'exprime en ampère (symbole : A) en hommage à André-Marie Ampère. On a donc 1 A = 1 C.s-1.
On peut exprimer l'intensité du courant électrique en fonction des caractéristiques de l'écoulement des porteurs de charge, à savoir leur vitesse moyenne et leur densité volumique. Pour simplifier la démonstration, supposons un seul type de porteurs se déplaçant tous à la vitesse moyenne \(v\). Notons \(\rho\) leur densité volumique de charge (en \(\mathrm{C.{m^{-3}}}\)). Considérons une section \((S)\) orientée par la normale \(\overrightarrow{n}\) et calculons la quantité de charge la traversant pendant une durée \(\text{d}t\).
Tous les porteurs de charge qui traversent l'élément infinitésimal \(\text{d}S\) de la section à l'instant \(t+\mathrm{d}t\), se trouvaient entre les instants \(t\) et \(t+\text{d}t\) dans un cylindre de base \(\text{d}S\) et de génératrice \(\overrightarrow{v}\text{d}t\), dont le volume s'écrit \(\mathrm{d}\tau=\mathrm{d}S\,\mathrm{d}t \overrightarrow{v}\cdot \overrightarrow{n}\). Ainsi, la quantité de charge \(\text{d}^{2}q\) qui traverse la section \(\text{d}S\) entre \(t\) et \(t+\mathrm{d}t\) vaut \(\text{d}^{2}q=\rho\,\mathrm{d}\tau\). En intégrant sur toute la section, on trouve \[ \text{d}q=\text{d}t\iint_{(S)}\rho\overrightarrow{v}\cdot\overrightarrow{n}\,\text{d}S \] Mathématiquement, l'intensité s'interprète donc comme le flux d'un vecteur \(\overrightarrow{j}=\rho\overrightarrow{v}\) appelé densité de courant électrique:
Densité de courant électrique
\[ \begin{array}{lcl} I(t) & = &\displaystyle{\iint_{(S)}\overrightarrow{j}.\overrightarrow{n}\,\text{dS}}\\[3mm] \left[\mathrm{A}\right] & = & \left[\mathrm{A.m^{-2}}\right]\times\left[\mathrm{m^{2}}\right]\end{array} \]Si le courant est réparti uniformément, le vecteur densité de courant est constant sur la section \(S\) et l'intégrale se réduit à : \[ I=\overrightarrow{j}.\overrightarrow{n}S \] Dans le cas où plusieurs porteurs de charge transportent le courant il faut sommer toutes les contributions : \[ \overrightarrow{j}=\sum_{i}\rho_{i}\overrightarrow{v_{i}} \]
Arrêtons nous un instant sur les ordres de grandeur. Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs d'intensité que l'on rencontre dans le quotidien.
Ordre de grandeur | Phénomène |
---|---|
1 mA | seuil de perception chez l'humain |
75 mA | seuil de fibrilisation cardiaque irréversible |
1A | fonctionnement d'une lampe halogène |
10 A | radiateur électrique en fonctionnement |
1 kA | alimentation d'un moteur de locomotive |
1-100 kA | courant de foudre |
Essayons d'estimer la vitesse des porteurs de charge dans une installation domestique. Par exemple, un fil de cuivre de section \(s=\) 2,5 mm2 supporte un courant d'intensité \(I_{\text{max}}=\) 20 A (normes françaises). La densité de courant correspondante vaut \[ j=\frac{I_{\text{max}}}{s}=8.10^{6}\;\mathrm{A.m^{-2}} \] Le cuivre a pour densité \(d=\) 8,96 et une masse atomique \(m=\) 63,5 u.a. De plus, chaque atome de cuivre libère un électron libre. Ainsi, 1 m3 pèse \(8{,}96.10^3\) kg ce qui correspond à \(8{,}96.10^3/63,5.10^{-3}\) mole de cuivre. La densité volumique des porteurs de charge vaut donc \[ \rho=\frac{8,96.10^{3}}{63,5.10^{-3}}\times 6,02.10^{23}\times 1,6.10^{-19}=1,4.10^{10}\;\mathrm{C.m^{-3}} \] la vitesse moyenne des électrons est alors donnée par \(v=j/\rho=0,6\;\mathrm{mm.s^{-1}}\). La vitesse moyenne correspondant au transport de l'électricité est très faible devant la vitesse d'agitation thermique qui est de l'ordre de \(10^{5}\;\mathrm{m.s^{-1}}\). On peut aussi noter que si le fil est traversé par un courant alternatif de fréquence \(f=50\;\mathrm{Hz}\) et d'intensité maximum 20 A, le déplacement moyen des électrons libres oscillera avec une amplitude \[ A=\frac{v}{2\pi f}=\frac{6.10^{-4}}{100\times\pi}\simeq 2\;\mathrm{\mu m} \]
Loi d'Ohm locale
Un conducteur soumis à un champ électrique \(\overrightarrow{E}\) est le siège d'un courant électrique de densité de courant
Loi d'Ohm locale
\[ \overrightarrow{j}=\gamma\overrightarrow{E} \]où \(\gamma\) désigne la conductivité électrique et s'exprime en siemens par mètre (S.m\(^{-1}\)). Elle dépend du conducteur, de la température et de la pression. Par exemple, dans les métaux, \(\gamma\) diminue quand la température augmente. Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs de conductivités à 20°C. Notez le rapport d'échelle entre les isolants et les conducteurs.
Bons conducteurs | Mauvais conducteurs | Isolants | |||
---|---|---|---|---|---|
Substance | γ (S.m-1) | Substance | γ (S.m-1) | Substance | γ (S.m-1) |
Argent | 6,1.107 | Eau de mer | 0,2 | Huile minérale | 2.10-11 |
Cuivre | 5,8.107 | Silicium | 4,3.10-4 | Verre Pyrex | 10-15 |
Or | 4,5.107 | Eau distillée | 2.10-4 | Quartz | 2.10-17 |
Modèle de Drude
En 1900, Paul Drude propose un modèle classique qui explique qualitativement la conduction électrique. Ce modèle repose sur les hypothèses suivantes.
- Approximation des électrons libres : les électrons de conduction forment un gaz parfait de particules chargées indépendantes (malgré la présence des ions métalliques). En l'absence de champ extérieur, ces électrons libres ne ressentent aucune force en moyenne et se déplacent en ligne droite du fait de l'agitation thermique.
- Les électrons sont diffusés par les défauts cristallins. Après chaque collision, la vitesse est redistribuée de façon aléatoire.
- Le temps de libre parcours moyen ou temps de relaxation \(\tau\) est la durée moyenne entre 2 collisions. \(\tau\) est indépendant de la vitesse des électrons. Son ordre de grandeur est 10-14 s.
Dans ce modèle, entre deux collisions, la vitesse d'un électron soumis à un champ électrique extérieur \(\overrightarrow{E}\), vérifie la seconde loi de Newton (modèle classique) : \[ m_{e}\frac{\text{d}\overrightarrow{v}}{\text{d}t}= -e\overrightarrow{E} \quad\text{soit}\quad \overrightarrow{v}=-\frac{e\overrightarrow{E}}{m_{e}}t+\overrightarrow{v_{0}} \] où \(\overrightarrow{v_{0}}\) désigne la vitesse après la dernière collision et \(t\) le temps compté à partir de la dernière collision. Le courant étant lié au mouvement d'ensemble, il faut effectuer une moyenne sur l'ensemble des électrons au même instant. \[ \overrightarrow{v}_{\text{moy}}= -\frac{e\overrightarrow{E}}{m_{e}}\left\langle t\right\rangle +\left\langle \overrightarrow{v_{0}}\right\rangle \] Or, la vitesse étant redistribuée dans toutes les directions après chaque collision, ceci de façon aléatoire, on a \(\left\langle \overrightarrow{v_{0}}\right\rangle =\overrightarrow{0}\). De plus, la moyenne \(\left\langle t\right\rangle\) correspond à la moyenne des temps de collision c'est-à-dire \(\tau\). Finalement, on obtient une vitesse d'ensemble \[ \overrightarrow{v}_{\text{moy}}=-\frac{e\tau}{m_{e}}\overrightarrow{E} \] La vitesse d'ensemble est proportionnelle au champ électrique. Le coefficient de proportionnalité s'appelle la mobilité \(\mu\) : \[ \overrightarrow{v}_{\text{moy}}=\mu\overrightarrow{E} \] Si l'on note \(n\) la densité d'électrons libres (en m\(^{-3}\)), on voit que le vecteur densité de courant est proportionnel au champ électrique et s'écrit \(\overrightarrow{j}=ne\overrightarrow{v}_{\text{moy}}=\frac{ne^{2}\tau}{m_{e}}\overrightarrow{E}\). On retrouve donc la loi d'Ohm locale \[ \overrightarrow{j}=\gamma\overrightarrow{E}\quad\text{avec}\quad\gamma=\frac{ne^{2}\tau}{m_{e}} \] Ce modèle permet d'expliquer, par exemple, pourquoi la conductivité des métaux diminue quand la température augmente. En effet, lorsque l'on chauffe un métal, les vibrations du réseau s'amplifient ce qui augmente la probabilité qu'il y ait collision et donc diminue le temps de relaxation.
Notion de résistance
Pour introduire la notion de résistance d'un conducteur, considérons un cylindre conducteur le longueur \(\ell\), de diamètre \(d\) et donc de section droite \(s=\pi d^{2}/4\), soumis à une tension électrique \(U\) entre ses extrémités.
Faisons l'hypothèse que le courant électrique est uniforme sur la section et axial. La section étant constante, la densité de courant est constante le long du cylindre. De plus, la relation \(j=\gamma E\) implique que le champ électrique est axial et constant le long du conducteur. L'intensité électrique vaut alors \(I=js=\gamma Es\) et la tension électrique entre les extrémités vaut \(U=\int E\, \mathrm{d}\ell=E\ell\). Le rapport des deux relations permet d'obtenir la loi d'Ohm pour un fil conducteur cylindrique :
Loi d'Ohm intégrale
\[ U=RI \quad\text{avec}\quad R=\frac{1}{\gamma}\frac{\ell}{s} \]De manière générale, la loi \(U=RI\) constitue la loi d'Ohm intégrale et \(R\) désigne la résistance du conducteur dont l'expression dépend de la conductivité et de la géométrie. La résistance s'exprime en ohm (symbole \(\Omega\)) en hommage à Georg Ohm.
Application
L'inverse de la conductivité d'un métal, appelée résistivité, varie linéairement avec la température (\(\frac{1}{\gamma}=\rho_{0}+\alpha T\)) de telle sorte que la résistance peut servir de thermomètre une fois étalonné. Le fil de platine est couramment utilisé ainsi : on parle de thermomètre à résistance de Platine.
Conducteurs en équilibre électrostatique
On s'intéresse dorénavant à l'équilibre de conducteurs électrisés (chargés) placés dans le vide.
Propriétés des conducteurs en équilibre
À l'équilibre, un conducteur n'est soumis à aucun mouvement macroscopique. Notamment, Il n'y a pas de courant électrique macroscopique. Par conséquent, \[ \overrightarrow{j}=\overrightarrow{0} \] Bien évidemment, à l'échelle de l'atome les électrons sont en mouvement, mais à l'échelle ces mouvements incessants se compensent en moyenne. Donc, selon la loi d'Ohm, il ne règne aucun champ électrique au sein du conducteur : \[ \overrightarrow{E}_{\text{int}}=\overrightarrow{0} \]
Insistons sur le fait qu'il s'agit ici du champ électrique local moyenné à l'échelle mésoscopique. Bien entendu, à l'échelle de l'atome, règne un champ électrique extrêmement important et fluctuant.
À l'intérieur du conducteur, le potentiel doit vérifier \(\overrightarrow{E_{\text{int}}}=-\overrightarrow{\text{grad}}V_{\text{int}}=\overrightarrow{0}\) soit \[ V_{\text{int}}=\mathrm{C^{te}} \] Le potentiel électrique est uniforme au sein du conducteur à l'équilibre. Autrement dit, le conducteur à l'équilibre est un volume équipotentiel. Les lignes de champ électrique étant perpendiculaires aux équipotentielles, on voit ici que le champ électrique au voisinage extérieur du conducteur est normal à la surface.
En vertu du théorème de Gauss, que nous verrons ultérieurement, le fait que le champ électrique soit nul à l'intérieur du conducteur implique que la densité de charge volumique est nulle partout (\(\rho_{\text{int}}=0\)). Cela signifie que tout apport de charge à un conducteur va se répartir à la surface de celle-ci de façon à créer un champ électrique nul à l'intérieur. On caractérise alors le conducteur par sa distribution de charge surfacique \(\sigma\)(P) où P désigne un point de la surface du conducteur. Le champ électrique à la surface du conducteur dépend donc de la manière dont se répartissent les charges en surface.
En résumé
Un conducteur à l'équilibre électrostatique vérifie les propriétés suivantes : \[ \overrightarrow{E}_{\text{int}}=\overrightarrow{0} \quad V_{\text{int}}=\mathrm{C^{te}} \quad\text{et}\quad\rho_{\text{int}}=0 \]Théorème de Coulomb
Plaçons-nous à l'extérieur d'un conducteur à l'équilibre tout en restant dans le voisinage immédiat d'un point P de sa surface. Dans ce cas, le champ électrique produit ne dépend que de la densité surfacique en ce point. C'est ce que montre le théorème de Coulomb.
Pour le montrer, plaçons-nous en un point M au voisinage d'un conducteur. On peut considérer que le champ créé en M est le résultat de deux contributions : \[ \overrightarrow{E}_{\text{ext}}(\text{M})=\overrightarrow{E_1}(\text{M})+\overrightarrow{E_2}(\text{M}) \] où \(\overrightarrow{E_1}\) est le champ créé par une portion de conducteur suffisamment petite pour qu'on puisse l'assimiler à un plan tangent, et \(\overrightarrow{E_2}\) celui dû au reste du conducteur. On a vu qu'un plan infini uniformément chargé produit un champ électrique \(\overrightarrow{E}=\sigma/2\epsilon_0\,\overrightarrow{n}\) où \(\overrightarrow{n}\) est le vecteur normal au plan. Ce résultat reste valide pour un plan fini de taille caractéristique \(L\) tant que l'on se place à une distance \(d\ll L\) du plan. Supposons donc M suffisamment proche du conducteur pour autoriser cette approximation puis notons \(\overrightarrow{n}_{\!\text{ext}}\) le vecteur unitaire normal à la surface du conducteur et dirigé vers l'extérieur. On a donc \[ \overrightarrow{E}_{\!\text{ext}}(\text{M})=\frac{\sigma(\text{P})}{2\epsilon_{0}}\overrightarrow{n}_{\!\text{ext}}+\overrightarrow{E_2}(\text{M}) \] Par ailleurs, si l'on considère le point M' symétrique de M par la symétrie plane passant par P, on a également \[ \overrightarrow{E}_{\!\text{int}}(\text{M'})= -\frac{\sigma(\text{P})}{2\epsilon_{0}}\overrightarrow{n}_{\!\mathrm{ext}}+\overrightarrow{E_2}(\text{M'}) \] Nous savons qu'à l'intérieur du conducteur le champ électrique est nul ce qui implique \(\overrightarrow{E_2}(\text{M'})=\sigma(\text{P})/2\epsilon_0 \overrightarrow{n}_{\!\mathrm{ext}}\). Or, par continuité, \(\overrightarrow{E_2}(\text{M'})=\overrightarrow{E_2}(\text{M})\) puisque M et M' sont infiniment . Finalement, on trouve \(\overrightarrow{E}_{\!\text{ext}}(\text{M})=\frac{\sigma}{\epsilon_{0}}\overrightarrow{n}_{\!\text{ext}}\).
Théorème de Coulomb
Dans un conducteur à l'équilibre, le champ électrique intérieur est nul, le potentiel électrique est uniforme et les charges se répartissent à la surface du conducteur. Il règne alors au voisinage immédiat de la surface chargée (et à l'extérieur) un champ électrique : \[ \overrightarrow{E}_{\!\mathrm{ext}}=\frac{\sigma(\text{P})}{\epsilon_{0}}\overrightarrow{n}_{\!\mathrm{ext}} \]
Le théorème de Gauss et ses conséquences
Le théorème de Gauss est un théorème très général qui relie le flux électrique et la quantité de charge électrique.
Par définition, le flux du champ électrique \(\overrightarrow{E}\) à travers une surface fermée S vaut
Définition du flux du champ électrique
\[ \Phi\stackrel{\text{def}}= \oiint_\text{S}\overrightarrow{E}(\text{M})\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S \] où \(\overrightarrow{n}\) désigne un vecteur unitaire perpendiculaire à la surface en M et dirigé vers l'extérieur.
Pour introduire le théorème de Gauss, calculons le flux du champ électrique créé par une charge ponctuelle, à travers une sphère de rayon \(r\) centrée sur la charge. Le champ électrique en un point M de la surface sphérique vaut \[ \overrightarrow{E}(\text{M})=\frac{q}{4\pi \epsilon_0\,r^2}\overrightarrow{u_r} \] où \(\overrightarrow{u_r}\) est le vecteur unitaire du système sphérique. La normale à la surface est également suivant \(\overrightarrow{u_r}\) de sorte que le flux s'écrit \[ \Phi=∯\frac{q}{4\pi\epsilon_{0}\,r^{2}}\overrightarrow{u_{r}}\cdot\overrightarrow{u_r}\mathrm{d}S=\frac{q}{4\pi\epsilon_0\,r^2} ∯ \mathrm{d}S=\frac{q}{\epsilon_{0}} \]
Autrement dit, le flux est proportionnel à la quantité de charge enfermée par la sphère mais ne dépend pas de la taille de la sphère. On peut se demander ce que devient le flux lorsque la surface qui enferme la charge n'est plus sphérique. On trouve un résultat surprenant puisque le flux reste identique : tant que la surface englobe la charge, \(\Phi=q/\epsilon_0\). En revanche, si la surface n'englobe pas la charge, on obtient toujours \(\Phi=0\).
Si maintenant on envisage une distribution quelconque de charges et une surface fermée \(\mathcal{S}\) englobant une partie des charges, seule la quantité de charge \(q_{\text{int}}\) intérieure à \(\mathcal{S}\) contribue au flux : c'est le sens du théorème de Gauss.
Théorème de Gauss
Le flux du champ électrostatique à travers une surface fermée quelconque, est proportionnel à la quantité de charge enfermée par cette surface. La constante de proportionnalité vaut, dans le Système international, \(\frac{1}{\epsilon_{0}}\).
\[ \Phi=∯_\text{S}\overrightarrow{E}(\text{M})\cdot\overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S=\frac{q_{\text{int}}}{\epsilon_{0}} \]On peut vérifier que le théorème de Gauss est bien compatible avec le théorème de Coulomb. Imaginons que la surface S englobe un conducteur quelconque de charge totale \(q\) de façon à ce qu'elle soit infiniment proche de la surface du conducteur. D'après le théorème de Coulomb, \(E=\sigma(\text{P})/\epsilon_0 \overrightarrow{n}\) de sorte que \[ \phi=∯ \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S=\frac{1}{\epsilon_0}∯_{\text{P}\in\text{S}}\sigma(\text{P})\, \mathrm{d}S=\frac{q}{\epsilon_0} \] ce qui est bien conforme au théorème de Gauss.
Voyons maintenant quelques conséquences du théorème de Gauss.
- Isolons par la pensée un petit volume V situé à l'intérieur d'un conducteur à l'équilibre. Le champ électrique y étant nul, son flux à travers la surface qui délimite V est également nul. Par conséquent, la charge intérieure au volume est nulle. Ainsi, on peut affirmer que tout volume (mésoscopique) contient une charge nulle, ce qui revient à dire que la densité volumique de charge est partout nulle, à l'intérieur d'un conducteur ; ce qui démontre une des propriétés des conducteurs à l'équilibre.
- Considérons maintenant une sphère conductrice chargée (charge \(q\)) de rayon \(R\). Par symétrie, la charge se répartie uniformément en surface d'où une densité surfacique constante \(\sigma=q/(4\pi R^2)\). On connait le champ électrique au voisinage de la sphère, mais que vaut-il à une distance \(r\) quelconque ? Pour cela il suffit d'appliquer le théorème de Gauss en choisissant pour surface fermée S la sphère de rayon \(r\) et même centre que le conducteur. On a \[ \phi=∯_\text{S} \overrightarrow{E}\cdot \overrightarrow{n}\,\mathrm{d}S= ∯_\text{S} E\,\mathrm{d}S \] car \(\overrightarrow{E}\) est colinéaire à \(\overrightarrow{n}=\overrightarrow{u_r}\) compte tenu de la symétrie sphérique. Par ailleurs, l'invariance par rotation implique que le champ ne dépend que de \(r\). Ainsi, \(E\) est constant le long de la surface sphérique d'intégration. Il vient alors \[ \phi=∯_\text{S} E\,\mathrm{d}S=E∯_\text{S}\mathrm{d}S= E\, 4\pi\,r^2 \] Du théorème de Gauss, il découle donc \[ \overrightarrow{E}=\frac{q}{4\pi\epsilon_0\,r^2}\overrightarrow{u_r}\quad\text{si}\quad r>R \] Autrement dit, une boule conductrice de charge \(q\) produit à l'extérieur le même champ qu'une charge ponctuelle \(q\) située en son centre.
- Supposons maintenant un conducteur enfermant une cavité dans laquelle se trouve une charge ponctuelle \(q\). Le caractère ponctuel n'a pas d'importance ici ; il pourrait très bien s'agir d'un petit volume quelconque chargé. Cette charge a pour effet d'attirer ou de repousser (ça dépend de son signe) les électrons libres du conducteur de sorte que la surface interne du conducteur présente une distribution de charge \(q'\). Pour trouver \(q'\), il suffit d'utiliser le théorème de Gauss en choisissant une surface fermée entourant la cavité et située dans le conducteur. Puisqu'en tout point de la surface de Gauss le champ électrique est nul, alors le flux électrique l'est également. Par conséquent, en vertu du théorème de Gauss, \(q'+q=0\) : la surface interne se remplit d'une charge opposée ; c'est ce qu'on appelle l'influence totale.
- Si maintenant on retire la charge \(q\), dans ce cas \(q'=0\). Il est facile de montrer que la densité de charge est partout nulle sur la surface interne du conducteur. En effet, si la surface interne présente une distribution de charge alors elle contient des charges + et - (puisque \(q'=0\)). Les lignes de champ partiraient alors des charges + pour rejoindre les charges - (elles ne peuvent pas s'arrêter dans la cavité puisqu'il n y a pas de charges). Dans ce cas, on aurait des lignes de champ qui partiraient d'un point porté au même potentiel que le point d'arrivée. Or, par nature (\(\overrightarrow{E}=- \overrightarrow{\text{grad}}V\)), une ligne de champ ne peut visiter que des points de potentiel décroissant, ce qui infirme l'hypothèse de départ. Finalement, dans une cavité vide de charge, la surface interne est également vide de charge ce qui implique un champ nul et un potentiel constant et égal à celui du conducteur. Cela signifie par exemple que tout perturbation électrique produite à l'extérieure du conducteur n'a strictement aucune action à l'intérieur de la cavité : c'est l'effet
cage de faraday
.
Notion de capacité
Capacité d'un conducteur
Portons un conducteur \(\mathcal{C}\) au potentiel \(V_{0}\) et notons la charge \(Q_{0}\) qui se répartit en surface. Ce conducteur produit à l'extérieur un potentiel \[ V(\text{M})=\iint\frac{\sigma\, \mathrm{d}S}{4\pi\epsilon_{0}\,r} \] en prenant comme convention \(V(\infty)=0\). Les charges se répartissent donc de façon à ce que \(V(\text{M})=V_0\) pour tout point M \(\in\mathcal{C}\).
Définissons maintenant un potentiel \(V'(\text{M})=\lambda V(\text{M})\) avec \(\lambda\) un nombre réel. Ce potentiel vérifie la condition aux limites \(V'(\text{M}\in\mathcal{C})=\lambda V_{0}\). C'est donc le potentiel produit par le conducteur mis au potentiel \(V'_{0}=\lambda V_{0}\). Notons \(\sigma'\) la nouvelle distribution de charges. On a \[ V'(\text{M})=\iint\frac{\sigma'\, \mathrm{d}S}{4\pi\epsilon_{0}\,r}=\lambda\,V(\text{M})= \lambda\iint\frac{\sigma\,\mathrm{d}S}{4\pi\epsilon_{0}\,r}\quad\forall M \] ce qui implique que \[ \sigma'=\lambda\sigma \quad\text{soit}\quad Q_{0}'=\lambda Q_{0} \]
Capacité d'un conducteur
Autrement dit, le rapport \[ \frac{Q'_{0}}{V'_{0}}=\frac{Q_{0}}{V_{0}}=C >0 \] est une constante caractéristique de la géométrie du conducteur. \(C\) désigne la capacité du conducteur seul. Elle mesure la capacité d'un conducteur à stocker une quantité de charge sous un potentiel électrique donné. La capacité se mesure en farad (F) en hommage à .
Exemple : capacité d'un conducteur sphérique
Lorsque l'on porte un conducteur sphérique au potentiel \(V_{0}\), du fait de la symétrie sphérique, les charges se répartissent de façon uniforme : \(\sigma\) est constant. Le potentiel électrique \(V_{c}\) produit au centre de la boule se calcule aisément : \[ V_{c}=\iint\frac{\sigma\text{d}S}{4\pi\epsilon_{0}R}=\frac{Q_{0}}{4\pi\epsilon_{0}R}\] La capacité d'un conducteur sphérique s'écrit donc \[C=\frac{Q_{0}}{V_{0}}=\frac{Q_{0}}{V_{c}}=4\pi\epsilon_{0}R\] La capacité d'une boule conductrice est proportionnelle à son rayon. Notez que si l'on prend un conducteur sphérique de rayon égal au rayon de la Terre, on trouve une capacité \(C=0,7\,\mathrm{mF}\), ce qui montre que le farad n'est pas une unité très adaptée ; aussi utilise-t-on ses sous multiples.
Les condensateurs
Considérons deux conducteurs \(\mathcal{C}_{1}\) et \(\mathcal{C}_{2}\). On électrise \(\mathcal{C}_1\) en le portant au potentiel \(V_{1}\) : il s'entoure alors d'une charge \(Q_1\) (positivement pour fixer les idées). Quant à \(\mathcal{C}_{2}\), il est neutre. Approchons maintenant le conducteur chargé vers le conducteur neutre : le champ électrique créé par \(\mathcal{C}_{1}\) éloigne alors les charges positives et attire les charges négatives. Ainsi, \(\mathcal{C}_{2}\) se recouvre d'une distribution de charge non uniforme telle que \(\int\sigma\,\mathrm{d}S=0\).
Si maintenant, le conducteur \(\mathcal{C}_{2}\) est mis à la Terre (\(V_{2}=0\)), les charges positives vont être neutralisées par des charges provenant de la Terre. Le résultat est que le conducteur \(\mathcal{C}_{2}\) se charge négativement : on dit que le conducteur s'est chargé par influence partielle. On a la relation \[ Q_{2}=C_{21}V_{1} \] où \(C_{21}<0\) désigne le coefficient d'influence.
Examinons maintenant le cas particulier où le conducteur \(\mathcal{C}_{2}\) entoure \(\mathcal{C}_{1}\). Dans cette configuration, toutes les lignes de champ issues de \(\mathcal{C}_{1}\) arrivent nécessairement sur \(\mathcal{C}_{2}\). La surface intérieure de \(\mathcal{C}_{2}\) se recouvre d'une charge \(Q_{2\text{ int}}\) de signe opposé à celle que contient \(\mathcal{C}_{1}\). Par ailleurs, en vertu du théorème de Gauss (faire le même raisonnement que dans l'exemple du § précédent) on a \[Q_{1}=-Q_{2\text{ int}}\] On parle d'influence totale et l'ensemble des deux conducteur forme alors ce que l'on appelle un condensateur constitué de deux armatures conductrices.
La capacité d'un condensateur mesure l'aptitude à stocker une quantité de charge sur l'armature interne. En effet, on montre que si l'on soumet le condensateur à une tension \(U=V_{1}-V_{2}\), l'armature interne se recouvre d'une charge
Capacité d'un condensateur
\[ Q_{1}=CU \]où \(C\) mesure la capacité du condensateur et ne dépend que de sa géométrie. La capacité d'un condensateur se mesure, comme la capacité d'un conducteur, en farad (symbole : F). L'ordre de grandeur de \(C\) est variable ; ça va grosso modo de 10-12 F à 10-3 F.
Capacité d'un condensateur plan
On forme un condensateur plan en approchant deux conducteurs plans soumis à une différence de potentiel. Sur l'animation ci-dessous, l'armature du bas est soumise à un potentiel positif \(V_+\) et celle du haut à un potentiel \(V_-\) de sorte que la tension qui règne entre les armatures vaut \(U=V_+-V_-\). Sur les faces en regard se condensent des charges de signe opposé : on a influence totale.
En revanche, sur les faces externes des armatures, la densité de charge est quasi nulle. En effet, comme on peut le voir sur la carte d'intensité du champ, le champ électrique est intense entre les armatures et quasi nul à l'extérieur. On remarque également qu'entre les armatures, les lignes de champ sont rectilignes ce qui signifie que le champ est uniforme comme on peut également le voir sur la carte d'intensité. Notez enfin ce qui se passe aux bords des armatures : les charges ont tendance à se concentrer sur les bords par effets de pointe, ce qui explique la valeur intense du champ près des bords. Le caractère uniforme du champ n'est donc valable qu'entre les armatures et tant qu'on reste éloigné des bords.
Calculons la capacité de ce condensateur en supposant les armatures suffisamment proches pour pouvoir utiliser le théorème de Coulomb. Le champ électrique qui règne entre les armatures vaut donc \(\overrightarrow{E}=\sigma/\epsilon_0\overrightarrow{n}_{\text{ext}}\). La tension qui règne entre les armatures s'obtient en intégrant ce champ le long d'une ligne de champ : \[ U=V_+-V_-=\int_{\text{A}_+}^{\text{A}_-}\overrightarrow{E}.\mathrm{d}\overrightarrow{\ell}= \frac{\sigma}{\epsilon_0}e \] où \(e\) désigne l'espacement entre les armatures. De plus, si l'on néglige les effets de bord, on peut considérer que la répartition des charges est uniforme, d'où \(Q=\sigma S\) avec \(S\) l'aire de chaque face en regard et \(\pm Q\) les charges des faces en influence totale. Ainsi, on trouve \[ Q=\left(\frac{\epsilon_{0}S}{e}\right)U \] Un condensateur plan, possède donc une capacité
Capacité d'un condensateur plan
\[ C=\frac{\epsilon_{0}S}{e} \]La relation obtenue indique que plus l'espacement est petit, plus le phénomène de condensation est important.
Rôle du diélectrique
La formule précédente est valable si l'espace inter-armatures est vide. En pratique, on enroule deux rubans métalliques (aluminium ou étain) jouant le rôle des armatures, que l'on sépare par deux rubans isolants (papier paraffiné, plastique). La présence de cet isolant, dit diélectrique, a pour effet d'augmenter la capacité du condensateur formé suite au phénomène de polarisation électrique (voir cours Électromagnétisme II). On montre que la capacité s'écrit sous la forme \[ C=\frac{\epsilon\,S}{d} \quad\text{avec}\quad \epsilon=\epsilon_{0}\times \epsilon_{r} \] où \(\epsilon_{r}\) désigne la permittivité diélectrique relative qui dépend du matériau diélectrique utilisé.
Diélectrique | εr | Diélectrique | εr |
---|---|---|---|
vide | 1 | Mica | 3-6 |
air | 1,0006 | Bois | 2,5-8 |
paraffine | 2,5-3,5 | Porcelaine | 6 |
huile | 4 | Glycérine | 56 |
verre | 5-10 | Eau Pure | 81 |
Énergie stockée par un condensateur
Par définition, l'énergie d'un condensateur chargé \(W_E\) est l'énergie qu'il est susceptible de libérer lors de sa décharge, c'est-à-dire lorsqu'on ramène sa tension à zéro en reliant les deux armatures par un fil conducteur, par exemple.
Considérons l'armature interne au potentiel \(V_{\text{A}}\) et portant une charge \(Q\). L'armature externe soumise au potentiel \(V_{\text{B}}\) porte, quant à elle, une charge interne \(-Q\) et une charge externe \(Q'\) qui ne dépend que du potentiel \(V_{B}\).
Lorsque le condensateur est chargé, l'énergie électrostatique du système de charge vaut : \[ \mathcal{E}_{1}=\frac{1}{2}\sum_{i}q_{i}V_{i}=\frac{1}{2}\left(QV_{\text{A}}-QV_{\text{B}}+Q'V_{\text{B}}\right) \] On décharge le condensateur en augmentant le potentiel \(V_{\text{A}}\) à la valeur \(V_{\text{B}}\) : il n' y a plus de charge en influence mais il reste éventuellement une charge \(Q'\) sur la face externe de l'armature : \[ \mathcal{E}_{2}=\frac{1}{2}\sum_{i}q_{i}V_{i}=\frac{1}{2}Q'V_{\text{B}} \] Par définition, l'énergie électrostatique du condensateur \(W_{E}\) vaut
Énergie stockée par un condensateur
\[ W_{E}=\mathcal{E}_{1}-\mathcal{E}_{2}=\frac{1}{2}QU_{\text{AB}}=\frac{1}{2}C{U_{\text{AB}}}^{2} \]Pour en savoir plus...
- Electrodynamique classique : cours et exercices d’électromagnétisme.Paris, Dunod, 2001.
- Kamerlingh Onnes découvre la supraconduction Pour la science№235, 1997.