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MENUCours de Thermodynamique

Ce chapitre important illustre toute la puissance de la thermodynamique au travers de la formulation différentielle des deux principes de la thermodynamique.

Formulation différentielle des principes

Fonctions thermodynamiques

À chaque fonction d'état utilisée en thermodynamique est associé un jeu de variables naturelles indépendantes. Lorsque la fonction thermodynamique est exprimée uniquement en fonction de ces variables, on peut en tirer toutes les propriétés macroscopiques du système étudié.

Illustrons notre propos avec les trois fonctions déjà rencontrées jusqu'ici, à savoir \(S\), \(U\) et \(H\). D'après les principes de la thermodynamique appliqués à une transformation infinitésimale réversible, on peut écrire \[ \mathrm{d}U=\delta Q^\text{rev}-p\,\mathrm{d}V+Y\,\mathrm{d}X \quad\text{et}\quad \mathrm{d}S=\frac{\delta Q^\text{rev}}{T} \] d'où l'identité thermodynamique \[ \mathrm{d}S=\frac{1}{T}\,\mathrm{d}U+\frac{p}{T}\,\mathrm{d}V-\frac{Y}{T}\,\mathrm{d}X \] avec \(X\) une variable extensive autre que le volume dont la variation intervient dans le . La formulation précédente signifie que les variables naturelles pour l'entropie sont \(U\), \(V\) et \(X\) : \[ S(U,V,X) \quad\text{implique}\quad \mathrm{d}S= \left.\frac{\partial S}{\partial U}\right|_{V,X} \mathrm{d}U+ \left.\frac{\partial S}{\partial V}\right|_{U,X} \mathrm{d}V+ \left.\frac{\partial S}{\partial X}\right|_{U,V} \mathrm{d}X \] Par identification, on en tire

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \frac{1}{T}=\left.\frac{\partial S}{\partial U}\right|_{V,X} \quad \frac{p}{T}=\left.\frac{\partial S}{\partial V}\right|_{U,X} \quad\text{et}\quad \frac{Y}{T}=-\left.\frac{\partial S}{\partial X}\right|_{U,V} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Ces équations sont les équations d'état du système. Comme on le voit, toutes les propriétés d'intérêt découlent de la fonction \(S(U,V,X)\).

Exemple

Soit un système dont l'entropie s'écrit \[ S(U,V)=\frac32 nR\ln\left(\frac{U}{U_0}\right)+nR\ln\left(\frac{V}{V_0}\right)+S(U_0,V_0) \] avec \(n\) la quantité de matière, ici fixée. De cette fonction on peut en tirer les variables conjuguées à l'énergie interne et le volume : \[ \frac{1}{T}=\left.\frac{\partial S}{\partial U}\right|_{V}=\frac32 \frac{nR}{U} \quad\text{et}\quad \frac{p}{T}=\left.\frac{\partial S}{\partial V}\right|_{U}=\frac{nR}{V} \] On en déduit \(U=\frac32 nRT\) et \(pV=nRT\) : on reconnaît les équations caractéristiques d'un gaz parfait monoatomique.

Dans l'exemple précédent, on a traité l'énergie interne comme une variable d'état et l'entropie comme une fonction d'état. L'inverse est tout aussi possible : \[ U(S,V,X) \quad\text{implique}\quad \mathrm{d}U= \left.\frac{\partial U}{\partial S}\right|_{V,X} \mathrm{d}S+ \left.\frac{\partial U}{\partial V}\right|_{S,X} \mathrm{d}V+ \left.\frac{\partial U}{\partial X}\right|_{S,V} \mathrm{d}X \] à identifier avec \(\mathrm{d}U=T\,\mathrm{d}S-p\,\mathrm{d}V+Y\,\mathrm{d}X\). Il en découle

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle T=\left.\frac{\partial U}{\partial S}\right|_{V,X} \quad p=-\left.\frac{\partial U}{\partial V}\right|_{S,X} \quad\text{et}\quad Y=\left.\frac{\partial U}{\partial X}\right|_{S,V} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Évidemment, le contenu physique de ces équations est le même que celui des equations(1). C'est uniquement le choix des variables intéressantes qui impose la fonction à utiliser.

Demandons-nous maintenant quelles sont les variables naturelles associées à la fonction enthalpie \(H=U+pV\). Pour cela, il suffit de différentier et d'utiliser l'identité \(\mathrm{d}U=T\,\mathrm{d}S-p\,\mathrm{d}V+Y\,\mathrm{d}X\) : \[ \mathrm{d}H=\mathrm{d}U+p\,\mathrm{d}V+V\,\mathrm{d}p= T\,\mathrm{d}S+V\,\mathrm{d}P+ Y\,\mathrm{d}X \] Ainsi les variables naturelles sont \(S\), \(p\) et \(X\). La connaissance de la fonction \(H(S,p,X)\) permet d'en tirer les propriétés suivantes :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle T=\left.\frac{\partial H}{\partial S}\right|_{p,X} \quad V=\left.\frac{\partial H}{\partial p}\right|_{S,X} \quad\text{et}\quad Y=\left.\frac{\partial H}{\partial X}\right|_{S,p} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Transformation de Legendre

Comme on vient de le voir, la transformation \[ U\quad\longrightarrow \quad U+pV \] permet de passer du jeu de variables \((S,V,X)\) à un nouveau jeu \((S,p,X)\). Cette procédure qui consiste à retrancher le produit de deux grandeurs conjuguées (ici \(p\) et \(V\)) est appelée transformation de Legendre et permet de permuter les . Par exemple, si l'on préfère utiliser la température \(T\) plutôt que l'entropie \(S\) (sa variable conjuguée) comme paramètre de contrôle, on définira la fonction d'état

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle F \stackrel{\text{def}}=U-TS \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

\(F\) est l' et s'exprime en joule. Sa détermination en fonction de \(T\), \(V\) et \(X\), permet d'obtenir toutes les propriétés macroscopiques du système. En effet : \[ \mathrm{d}F=\mathrm{d}U-T\,\mathrm{d}S-S\,\mathrm{d}T= -S\,\mathrm{d}T-p\,\mathrm{d}V+Y\,\mathrm{d}X \] et par conséquent, \[ S=-\left.\frac{\partial F}{\partial T}\right|_{V,X} \quad p=-\left.\frac{\partial F}{\partial V}\right|_{T,X} \quad Y=\left.\frac{\partial F}{\partial X}\right|_{T,V} \quad\text{et}\quad U=F-T\left.\frac{\partial F}{\partial T}\right|_{V,X} \] Souvent, on contrôle l'état du système par sa température \(T\) et sa pression \(p\). Dans ce cas, la fonction à privilégier est

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle G \stackrel{\text{def}}=U+pV-TS=H-TS \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

La fonction \(G(T,p,X)\) est appelée , et joue un rôle fondamental en chimie. Sa différentielle s'écrit \[ \mathrm{d}G=V\,\mathrm{d}p-S\,\mathrm{d}T+Y\,\mathrm{d}X \] d'où les relations \[ V=\left.\frac{\partial G}{\partial p}\right|_{T,X} \quad S=-\left.\frac{\partial G}{\partial T}\right|_{p,X} \quad\text{et}\quad Y=\left.\frac{\partial G}{\partial X}\right|_{T,p} \]

Relations de Maxwell

Les fonctions thermodynamiques (\(S\), \(U\), \(H\), \(F\) et \(G\)) sont des fonctions d'état, de sorte que leurs différentielles sont des différentielles totales exactes. Rappelons qu'en vertu du théorème de Schwarz, on a \[ a(x,y)\,\mathrm{d}x+ b(x,y)\,\mathrm{d}y= \mathrm{d}f(x,y) \iff \left.\frac{\partial a}{\partial y}\right|_{x}= \left.\frac{\partial b}{\partial x}\right|_{y} \] L'égalité des dérivées croisées appliquée aux fonctions thermodynamiques apporte des informations supplémentaires et constitue les relations de Maxwell.

Exemple

Un fluide obéit aux deux lois de Joule quand son énergie interne et son enthalpie ne dépendent que de la température (la quantité de matière \(n\) étant fixée). Montrons que ce fluide, s'il est décrit par les variables \((p,V,T)\) se comporte comme un gaz parfait. Commençons par exprimer la différentielle \(\mathrm{d}S\) en optant pour le jeu de variables \((U,V)\) : \[ \mathrm{d}U=T\,\mathrm{d}S-p\,\mathrm{d}V \quad\to\quad \mathrm{d}S=\frac{1}{T}\,\mathrm{d}U+\frac{p}{T}\,\mathrm{d}V \] Le théorème de Schwarz implique \[ \left.\frac{\partial (1/T)}{\partial V}\right|_{U}=\left.\frac{\partial (p/T)}{\partial U}\right|_{V} \] L'énergie ne dépendant que de \(T\), fixer \(U\) revient à fixer \(T\), et par conséquent

\begin{equation} \left.\frac{\partial (1/T)}{\partial V}\right|_{U}=0 \quad\text{ce qui donne}\quad \frac{p}{T}=\varphi_1(V) \end{equation}

Utilisons maintenant les variables \((H,p)\) : \[ \mathrm{d}H=T\,\mathrm{d}S+ V\,\mathrm{d}p \quad\to\quad \mathrm{d}S=\frac{1}{T}\,\mathrm{d}H-\frac{V}{T}\,\mathrm{d}p \] On en déduit une autre relation de Maxwell : \[ \left.\frac{\partial (1/T)}{\partial p}\right|_{H}=-\left.\frac{\partial (V/T)}{\partial H}\right|_{p} \] Compte tenu de la deuxième loi de Joule, on a

\begin{equation} \left.\frac{\partial (1/T)}{\partial p}\right|_{H}=0 \quad\text{d'où}\quad \frac{V}{T}=\varphi_2(p) \end{equation}

En prenant le rapport des relations(6)et(7), on obtient \[ V\varphi_1(V)=p\varphi_2(p)\qquad \forall \, (V,p) \] relation qui n'est vérifiée que si les deux membres sont constants. On en tire donc l'équation d'état \[ \frac{p}{T}=\frac{\mathrm{C^{te}}}{V} \] Et puisque pour tout fluide, on a \(\lim_{p\to 0}pV=nRT\), cela signifie que \(\mathrm{C^{te}}=nR\) et \(pV=nRT\). Il s'agit donc d'un gaz parfait !

Coefficients calorimétriques

Définition

Considérons un système homogène de composition invariable dont l'état macroscopique est bien décrit par les variables \(p\), \(V\) et \(T\), lesquelles sont liées par une équation d'état \(f(p,V,T)=0\).

Exprimons le transfert thermique reçu \(\delta Q^\text{rev}\) lors d'une transformation infinitésimale réversible en fonction des variations \(\mathrm{d}T\) et \(\mathrm{d}V\). En vertu du premier principe, on a \[ \delta Q^\text{rev}=\mathrm{d}U+p\,\mathrm{d}V= \left.\frac{\partial U}{\partial T}\right|_{V}\mathrm{d}T+ \left(\left.\frac{\partial U}{\partial V}\right|_{T}+p\right)\mathrm{d}V \] On reconnaît la capacité thermique isochore \(C_v\) dans le premier terme différentielle du second membre. Le deuxième terme est noté \(\ell \mathrm{d}V\). Ainsi on écrira

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \delta Q^\text{rev}=C_v\,\mathrm{d}T+\ell\,\mathrm{d}V \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

En optant pour les variables indépendantes \((T,p)\), on :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \delta Q^\text{rev}=C_p\,\mathrm{d}T+k\,\mathrm{d}p \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Attention, ces formes différentielles ne sont pas des différentielles totales exactes, car il ne s'agit pas de la différentielle d'une fonction mais de l'expression d'un transfert d'énergie infinitésimal.

Les quatre coefficients \(C_p\), \(C_v\), \(\ell\) et \(k\) sont les coefficients calorimétriques du système, et dépendent a priori de la pression et de la température.

Remarque

Notez que \(\ell\), contrairement aux autres coefficients, est une grandeur intensive.

Relations entre les coefficients

Partons de \(\delta Q^\text{rev}=C_v\,\mathrm{d}T+\ell\,\mathrm{d}V\), et décidons d'utiliser les variables \((T,p)\). On doit donc exprimer \(\mathrm{d}V\) en fonction de \(\mathrm{d}p\) et \(\mathrm{d}T\) à l'aide d'une différentiation : \( \mathrm{d}V=(\left.\partial V/\partial T\right|_p)\mathrm{d}T+\left(\left.\partial V/\partial p\right|_T\right)\mathrm{d}p\). Réécrivons le transfert thermique : \[ \delta Q^\text{rev}= \left(C_v+\ell \left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p}\right)\mathrm{d}T+\ell \left.\frac{\partial V}{\partial p}\right|_{T} \mathrm{d}p \] Par identification avec(9), on en tire \[ C_p-C_v=\ell \left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p} \quad\text{et}\quad k=\ell \left.\frac{\partial V}{\partial p}\right|_{T} \] Ainsi, les quatre coefficients calorimétriques ne sont pas indépendants. On peut les calculer à partir de deux d'entre eux et de l'équation d'état de la substance étudiée. En général, on opte pour les capacités thermiques[1] isobares et isochores \(C_v\) et \(C_p\), les autres coefficients s'en déduisant.

Relation de Mayer

Les principes de la Thermodynamique imposent une relation supplémentaire entre les coefficients thermiques \(C_p\) et \(C_v\). Pour cela, il faut traduire que \(S\) et \(U\) sont des fonctions d'état. Exprimons \(\mathrm{d}S\) et \(\mathrm{d}U\) en fonction des variables \(T\) et \(V\) en faisant intervenir les coefficients calorimétriques \(C_v\) et \(\ell\) : \[ \mathrm{d}S=\frac{\delta Q^\text{rev}}{T}=\frac{C_v}{T}\,\mathrm{d}T+\frac{\ell}{T}\,\mathrm{d}V \quad\text{et}\quad \mathrm{d}U=C_v\,\mathrm{d}T+(\ell-p)\,\mathrm{d}V \] Appliquons le théorème de Schwarz : \[ \left.\frac{\partial C_v}{\partial V}\right|_{T}=\left.\frac{\partial (\ell-p)}{\partial T}\right|_{V} \quad\text{et}\quad \frac{1}{T}\left.\frac{\partial C_v}{\partial V}\right|_{T}=\left.\frac{\partial (\ell/T)}{\partial T}\right|_{V} \] En identifiant \(\left.\partial C_v/\partial V\right|_{T}\), on en tire la relation \[ \left.\frac{\partial \ell}{\partial T}\right|_{V}-\left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V}= \left.\frac{\partial \ell}{\partial T}\right|_{V}-\frac{\ell}{T} \quad\text{soit}\quad \ell=T \left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V} \] Le coefficient calorimétrique \(\ell\) est donc entièrement déterminé par l'.

Précédemment nous avons montré que \[ C_p-C_v=\ell \left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p} \] Il en découle la relation \[ C_p-C_v=T \left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V}\left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p} \] Le membre de droite ne dépend que de l'équation d'état. En général on l'exprime en fonction du coefficient de dilatation \(\alpha\) et de la compressibilité isotherme \(\chi_T\). En effet, on a \(\left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p}=\alpha V\) et \(\left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V}=\alpha/\chi_T\) d'où la relation de Mayer

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle C_p-C_v=\frac{\alpha^2 V T}{\chi_T} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}
Rappelons que si les variables \(p\), \(V\) et \(T\) sont reliées par une équation d'état \(f(p,V,T)=0\), alors on a les identités mathématiques suivantes : \[ \left.\frac{\partial p}{\partial V}\right|_{T}\left.\frac{\partial V}{\partial p}\right|_{T}=1 \quad\text{et}\quad \left.\frac{\partial p}{\partial V}\right|_{T}\left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p}\left.\frac{\partial T}{\partial p}\right|_{V}=-1 \] Sachant que \(\alpha \stackrel{\text{def}}=\frac{1}{V}\left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p}\) et \(\chi_T \stackrel{\text{def}}=-\frac{1}{V}\left.\frac{\partial V}{\partial p}\right|_{T}\), on obtient \[ \left.\frac{\partial V}{\partial T}\right|_{p}=\alpha V \quad\text{et}\quad \left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V}=\frac{\alpha}{\chi_T} \]

Exercice

Vérifier que la relation de Mayer(10)aboutit à la formule \[C_p-C_v=nR\] dans le cas des gaz parfaits.

En résumé, la mesure de la capacité thermique \(C_p\) et des coefficients thermoélastiques \(\alpha\) et \(\chi_T\) permet d'obtenir \(C_v\) et tous les autres coefficients calorimétriques.

Remarque

La température et la compressibilité sont deux grandeurs positives pour un système en équilibre thermodynamique. Par conséquent, on a toujours \(C_p>C_v\).

Exemples d'application

Détente de Joule Gay-Lussac d'un gaz réel

Revenons sur la détente de Joule Gay-Lussac où un gaz se détend dans le vide de façon adiabatique. Nous cherchons à prévoir la variation de température qui accompagne cette transformation. Rappelons que cette détente irréversible est isoénergétique : \(\Delta U=0\).

Détente de Joule Gay-Lussac.
Détente de Joule Gay-Lussac.

Imaginons un processus réversible infinitesimal qui fait varier les variables d'état du gaz \((T,V)\) de \((\mathrm{d}T,\mathrm{d}V)\), puis exprimons les deux principes de la thermodynamique : \[ \mathrm{d}U=\delta Q^\text{rev}-p\,\mathrm{d}V= C_v\,\mathrm{d}T+(\ell-p)\,\mathrm{d}V \quad\text{et}\quad \mathrm{d}S=\frac{C_v}{T}\,\mathrm{d}T+\frac{\ell-p}{T}\,\mathrm{d}V \] Une détente de Joule Gay-Lussac se caractérise donc par

\begin{equation} \Delta U=0=\int_{T_1}^{T_2}C_v\,\mathrm{d}T+\int_{V_1}^{V_2}(\ell-p)\, \mathrm{d}V \end{equation}

Rappelons que le calcul de \(\Delta U\) peut s'effectuer selon n'importe quelle transformation partant de l'état initial et aboutissant à l'état final.

Cette relation permet de calculer la variation de température en fonction de \(V_1\) et \(V_2\) si l'on connaît l'équation d'état du gaz.

Prenons l'exemple d'un gaz bien décrit par le modèle de van der Waals : \[ \left(p+\frac{n^2a}{V^2}\right)(V-nb)=nRT \] avec \((a,b)\), deux paramètres positifs dépendant de la nature du gaz. En traduisant le fait que \(\mathrm{d}S\) et \(\mathrm{d}U\) sont des différentielles totales exactes on a trouvé \[ \left.\frac{\partial C_v}{\partial V}\right|_{T}=\left.\frac{\partial (\ell-p)}{\partial T}\right|_{V} \quad\text{et}\quad \ell=T\left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V} \] Commençons par calculer \(\ell\) (\(n\) est ici fixé) : \[ \left.\frac{\partial p}{\partial T}\right|_{V}=\frac{nR}{V-nb} \quad\text{d'où}\quad \ell=p+\frac{n^2a}{V^2} \] Par ailleurs, l'autre relation donne \[ \left.\frac{\partial C_v}{\partial V}\right|_{T}= \left.\frac{\partial (n^2a/V^2)}{\partial T}\right|_{V}=0 \quad\rightarrow\quad C_v(T) \] La capacité thermique d'un gaz de van der Waals ne dépend que de la température. La relation(11)devient \[ \Delta U=0=\int_{T_1}^{T_2}C_v(T)\,\mathrm{d}T+\int_{V_1}^{V_2}\frac{n^2a}{V^2}\, \mathrm{d}V \] En pratique, la température varie si peu qu'il est légitime de considérer \(C_v\) constant. On en déduit \[ T_2-T_1=\frac{n^2a}{C_v}\left(\frac{1}{V_2}-\frac{1}{V_1}\right) \] On prévoit ainsi que la détente de Joule Gay-Lussac s'accompagne d'un refroidissement puisque \(a\) et \(C_v\) sont positifs. Ce refroidissement est observé chez la majorité des gaz dans les conditions .

Exercice

Une mole de \(\mathsf{CO_2}\) à 20°C et 1 atm voit sa température diminuer de 0,27°C lors d'une détente de Joule Gay-Lussac. Sachant que le volume final est double du volume initial, estimer le paramètre \(a\) pour le dioxyde de carbone. On prendra \(C_{v,\text{m}}=28{,}7\,\mathrm{J.K^{-1}}\).

Rep. \(a=0{,}37\,\mathrm{m^3.mol^{-2}}\)

Rayonnement thermique

Rayonnement thermique à l'intérieur d'une enceinte thermalisée.
Rayonnement thermique à l'intérieur d'une enceinte thermalisée.

Une enceinte matérielle maintenue à la température \(T\) présente une cavité de volume \(V\). La matière, du fait de l'agitation thermique, émet un rayonnement qui, à l'intérieur de la cavité, ne cesse d'interagir avec la surface interne de sorte qu'au bout d'un certain temps, le rayonnement est en équilibre avec la matière. Du point de vue thermodynamique on peut traiter le rayonnement comme un fluide de volume \(V\), de température \(T\) et dont l'énergie interne \(U\) est de nature électromagnétique. Un rayonnement électromagnétique transporte également une quantité de mouvement de sorte que ce rayonnement exerce une pression de radiation \(p\) sur les parois. On montre en Électromagnétisme que cette pression \(p\) est reliée simplement à la densité volumique d' \(u_\text{em}\), via la relation \[ p=\frac13 u_\text{em}(T) \] On admettra que \(u_\text{em}\) ne dépend que de \(T\).

Munis de ces résultats, voyons comment les principes de la thermodynamique permettent de trouver les relations \(p(T)\), \(U(T,V)\) et \(S(T,V)\). Écrivons l'identité thermodynamique \[ \mathrm{d}U=T\,\mathrm{d}S-p\,\mathrm{d}V \quad\text{avec}\quad p=\frac13 u_\text{em}(T) \] De plus, l'énergie interne s'écrit \(U(T,V)=V\, u_\text{em}(T)\). Différentions cette dernière relation : \[ \mathrm{d}U=u_\text{em}(T)\, \mathrm{d}V+V\,\mathrm{d}u_\text{em}(T) =u_\text{em}(T)\, \mathrm{d}V+Vu'_\text{em}(T)\,\mathrm{d}T \] où \(u'_\text{em}(T)\) est la dérivée de \(u_\text{em}(T)\) par rapport à \(T\).

Remarque

Ici, le lecteur peut vérifier que le théorème Schwarz est de facto respecté.
Si l'on avait supposé \(u_\text{em}(V,T)\), la règle de Schwarz nous aurait donné \(u_\text{em}(V,T)=\varphi_1(V)+\varphi_2(T)\). Mais comme \(u_\text{em}=0\) à \(T=0\) alors nécessairement \(u_\text{em}\) ne peut pas dépendre de \(V\).

En substituant dans l'identité thermodynamique, on arrive à \[ \mathrm{d}S(T,V)=\frac43 \frac{u_\text{em}(T)}{T}\mathrm{d}V+\frac{V u'_\text{em}(T)}{T}\mathrm{d}T \] En vertu du théorème de Schwarz, on doit avoir \[ \left.\frac{\partial \frac{4u_\text{em}}{3T}}{\partial T}\right|_{V}= \left.\frac{\partial \frac{Vu'_\text{em}}{T}}{\partial V}\right|_{T} \] ce qui donne \(\dfrac43\dfrac{u'_\text{em}T-u_\text{em}}{T^2}=\dfrac{u'_\text{em}}{T}\) soit \(\dfrac{u'_\text{em}}{u_\text{em}}=\dfrac{4}{T}\). Après intégration, on aboutit à

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle u_\text{em}=aT^4 \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

avec \(a\) une constante que la thermodynamique ne permet pas de . Finalement, un rayonnement thermique présente les propriétés suivantes.

Attraction d'un diélectrique

Considérons une lame diélectrique de permittivité \(\epsilon_\text{r}\), d'épaisseur \(e\) insérée entre les armatures d'un condensateur plan de même épaisseur. On note \(x\) la longueur de diélectrique situé entre les armatures. Soumis à une tension électrique \(U_\text{e}\), le condensateur produit un champ électrique qui polarise le diélectrique. Chaque portion du diélectrique gagnera en stabilité en se dirigeant là où le champ est le plus fort. Autrement dit, la lame subit une force électrostatique \(\overrightarrow{f}\) que l'on cherche à déterminer.

Attraction d'une lame diélectrique partiellement insérée entre les armatures d'un condensateur plan.
Attraction d'une lame diélectrique partiellement insérée entre les armatures d'un condensateur plan.

Prenons comme système l'ensemble {diélectrique+armatures} et décrivons celui-ci à l'aide des variables \(x\), \(U_\text{e}\) et la température \(T\). Pour maintenir le diélectrique en équilibre, un opérateur extérieur doit exercer une force extérieure \(f^\text{ext}=f\) mais de sens opposé. Lors d'un déplacement infinitésimal réversible, le système reçoit un travail mécanique \[ \delta W_\text{méca}=-f^\text{ext}\, \mathrm{d}x=-f\, \mathrm{d}x \] Ce déplacement s'accompagne d'une variation de la capacité du condensateur de sorte que la charge des armatures varie également. Appelons \(q\) la charge de l'armature positive portée au potentiel \(V_+\) et \(-q\) celle de l'armature opposée portée au potentiel \(V_-\). Lors d'une variation \(\mathrm{d}q\) de la charge de l'armature positive, le condensateur reçoit l' \[ \delta W_\text{élec}=\mathrm{d}q\,V_+ - \mathrm{d}q\, V_- = \mathrm{d}q\, U_\text{e} \] Ainsi la formulation différentielle des deux premiers principes \[ \mathrm{d}U=\delta Q^\text{rev}-f \, \mathrm{d}x+U_\text{e}\,\mathrm{d}q \quad\text{et}\quad \mathrm{d}S=\frac{\delta Q^{\text{rev}}}{T} \] L'expression \(\mathrm{d}U=T \mathrm{d}S-f \, \mathrm{d}x+U_\text{e}\,\mathrm{d}q\) montre que les variables naturelles de l'énergie interne sont \((S,x,q)\). On préfère généralement la température \(T\) à l'entropie \(S\), ce qui nous pousse à définir l'énergie libre \(F \stackrel{\text{def}}=U-TS\) dont la différentielle se met sous la forme : \[ \mathrm{d}F(T,x,q)=-S \mathrm{d}T-f \, \mathrm{d}x+U_\text{e}\,\mathrm{d}q \] où la force \(f\) dépend a priori de \(T\), \(x\) et \(q\). Appliquons le théorème de Schwarz : \[ \left.\frac{\partial f}{\partial q}\right|_{x,T}=-\left.\frac{\partial U_\text{e}}{\partial x}\right|_{q,T} \] Par ailleurs, on sait[3] que l'équation d'état d'un condensateur se met sous la forme \(q=C(x,T)U_\text{e}\), avec \(C(x,T)\) la capacité du condensateur fonction de la géométrie (donc de \(x\)) et de la permittivité relative \(\epsilon_\text{r}\) du matériau (donc de \(T\)). La relation devient \[ \left.\frac{\partial f}{\partial q}\right|_{x,T}=\frac{q}{C^2}\left.\frac{\partial C(x,T)}{\partial x}\right|_{T} \] Cette relation peut s'intégrer facilement : \[ f(T,x,q)=\frac{1}{2C^2}\left.\frac{\partial C}{\partial x}\right|_{T}q^2+\varphi(T,x) \] Enfin, on sait que la force disparaît lorsque le condensateur est déchargé (\(q=0\)). Par conséquent, \[ f(T,x,0)=0 \quad\text{soit}\quad \varphi(T,x)=0 \] La force électrique se résume alors à \begin{equation} f(T,x,q)=\frac{1}{2C^2}\left.\frac{\partial C}{\partial x}\right|_{T}q^2 \end{equation} Allons plus loin en considérant le diélectrique partiellement à l'intérieur de condensateur et en négligeant les effets de bords. Dans ce cas, on peut considérer que le condensateur est l'association de deux condensateurs montés en  : \[ C=\frac{\epsilon_0\epsilon_r ax}{e}+\frac{\epsilon_0a(L-x)}{e} \] On en déduit la force \[ f=\frac{\epsilon_0 a(\epsilon_r-1)}{2eC^2}q^2=\frac12\frac{\epsilon_0 a\chi_\text{e}}{e}{U_\text{e}}^2 \] avec \(\chi_\text{e}\) la susceptibilité électrique du matériau.

Remarque

Notez que le mouvement de la lame dépend des contraintes imposées. Si l'on fixe la tension électrique et la température, la lame est uniformément accélérée, car la force est constante. Si le condensateur est électriquement isolé (\(q\) est fixé), la force décroît au cours du mouvement comme \(1/C^2\).

Pour en savoir plus...

  1. J. Roussel Capacités thermiques[en ligne], 2023. Disponible sur femto-physique.fr
  2. J-O. Goussard et B. Roulet Free expansion for real gases American Journal of Physics vol. 61, №9, p.845-848, 1993.
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