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MENUCours d'Électrocinétique

Dans une chaîne d'analyse et de traitement du signal, il arrive fréquemment que l'information intéressante soit dissimulée au sein d'un signal plus complexe, voire parasitée par du bruit. On peut souvent l'extraire par filtrage, en agissant dans l'espace des fréquences. Les premiers filtres étaient de nature analogiques, et sont encore couramment employés en instrumentation, en électronique de puissance et dans les systèmes haute fréquence.
Actuellement les filtres numériques programmables ont tendance à remplacer les filtres analogiques, mais dans ce chapitre, on se concentre sur les filtres analogiques passifs.

Fonction de transfert

Généralités

Filtre.
Filtre.

Pour extraire un signal utile, on aura en général besoin d'un système qui transforme un signal d'entrée \(e(t)\) (de nature électrique, mécanique, acoustique, etc.) en un signal de sortie \(s(t)\) (de nature électrique, mécanique, acoustique, etc.). On peut penser à un capteur, un amplificateur, un intégrateur, un correcteur de phase, etc. On appelle filtre un tel système si :

La réponse d'un filtre peut alors être modélisée par une équation différentielle linéaire à coefficients constants du type \[ \alpha_0\,e(t)+\alpha_1 \frac{\mathrm{d}e(t)}{\mathrm{d}t}+\ldots+\alpha_n \frac{\mathrm{d}^ne(t)}{\mathrm{d}t^n}= \beta_0\,s(t)+\beta_1 \frac{\mathrm{d}s(t)}{\mathrm{d}t}+\ldots+\beta_m \frac{\mathrm{d}^m s(t)}{\mathrm{d}t^m} \] Les filtres font jouer un rôle particulier aux signaux sinusoïdaux, puisque lorsque l'on envoie un signal sinusoïdal en entrée d'un filtre, il en ressort un signal sinusoïdal de même . Si l'on pose en notation complexe \(\underline{e}(t)=\underline{E}\,\mathrm{e}^{\mathrm{j}\omega t}\) et \(\underline{s}(t)=\underline{S}\,\mathrm{e}^{\mathrm{j}\omega t}\), la réponse du filtre est entièrement déterminée par la fonction de transfert \(\underline{H}\) :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{H}(\mathrm{j}\omega)\stackrel{\text{def}}=\frac{\underline{s}(t)}{\underline{e}(t)}= \frac{\underline{S}}{\underline{E}} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

La fonction de transfert est une grandeur complexe qui dépend de la pulsation \(\omega\) et des caractéristiques du filtre. Elle peut toujours se mettre sous la forme d'un quotient de deux polynômes en \(\mathrm{j}\omega\) : \[ \underline{H}(\mathrm{j}\omega)=\frac{\underline{N}(\mathrm{j}\omega)}{\underline{D}(\mathrm{j}\omega)} \] On appelle ordre du filtre le degré du dénominateur \(D(\mathrm{j}\omega)\) situé au dénominateur de la fonction de transfert.

Quadripôle électronique.
Quadripôle électronique.

En électronique, dans une chaîne d'analyse et de traitement du signal électrique, on rencontre couramment des filtres sous la forme de quadripôles, c'est-à-dire d'éléments possédant deux bornes d'entrée et deux bornes de sortie. Les grandeurs d'entrée et de sortie sont les tensions ou les courants. Le filtre est passif s'il ne possède que des éléments linéaires passifs (R, L, C). Dans ce cas, la puissance moyenne en sortie est toujours inférieure ou égale à la puissance moyenne en entrée, car une partie de l'énergie entrante est dissipée par le quadripôle. Le filtre est actif quand il contient au moins un composant électronique actif, c'est-à-dire alimenté, tel l'amplificateur linéaire intégré (ALI). Il est, dans ce cas, possible d'avoir un gain de puissance.

Dans ce cours, nous nous limitons à la réponse en tension des filtres électrocinétiques. Plus précisément, la fonction de transfert correspond à la réponse en tension en boucle ouverte, c'est-à-dire lorsque la sortie ne débite aucun  :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{H}(\mathrm{j}\omega)\stackrel{\text{def}}= \left.\frac{\underline{u_s}(t)}{\underline{u_e}(t)}\right|_{\underline{i_s}=0} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Exemple : filtre RC

Filtre RC.
Filtre RC.

Étudions le filtre RC formé par la mise en série d'un conducteur ohmique de résistance \(R\) et d'un condensateur de capacité \(C\). Le signal d'entrée sera la tension aux bornes de l'ensemble et le signal de sortie la tension aux bornes du condensateur. Nous reconnaissons un diviseur de tension, de sorte qu'en régime sinusoïdal on peut écrire \[ \underline{s}(t)=\frac{\underline{Z}_C}{\underline{Z}_R+\underline{Z}_C}\underline{e}(t) \quad\text{avec}\quad \underline{Z}_R=R \quad\text{et}\quad \underline{Z}_C=\frac{1}{\mathrm{j}C\omega} \] On en déduit la fonction de transfert de ce filtre \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}(t)}{\underline{e}(t)}=\frac{1}{1+\mathrm{j}RC\,\omega} \] Il s'agit d'un filtre du premier ordre.

Remarque

Dorénavant, nous notons systématiquement \(e\) et \(s\) les tensions d'entrée et de sortie.

Bande passante

Le gain en tension d'un filtre s'obtient en prenant le module de la fonction de transfert :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle G(\omega)\stackrel{\text{def}}=|\underline{H}(\mathrm{j}\omega)|=\frac{S_\text{rms}}{E_\text{rms}} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Souvent, le filtre présente un gain relativement constant pour un certain intervalle de fréquences alors qu'il est quasiment nul pour les autres fréquences. Le filtre élimine alors certaines harmoniques du signal.

Types de filtre souvent rencontrés.
Types de filtre souvent rencontrés.

Suivant l'allure du gain avec la fréquence on distingue différents types de filtre :

Bande passante.
Bande passante.

Par convention, on appelle bande passante l'intervalle des fréquences (resp. pulsations) pour lequel \(G\) est compris entre le maximum \(G_\text{max}\) et \(G_\text{max}/\sqrt{2}\). Les fréquences (resp. pulsations) qui délimitent la bande passante sont appelées fréquences de coupure (resp. pulsations de coupure).

Exemple

Le filtre RC étudié précédemment présente une fonction de transfert donnée par \[ \underline{H}=\frac{1}{1+\mathrm{j}RC\omega} \quad\text{soit}\quad G=\frac{1}{\sqrt{1+(RC\omega)^2}} \] Le gain diminue avec la fréquence ; il s'agit donc d'un filtre passe-bas. Le gain est maximum lorsque \(\omega=0\) (\(G_\text{max}=1\)) et la pulsation de coupure \(\omega_c\) est telle que \[ G(\omega_c)=\frac{1}{\sqrt{1+(RC\omega_c)^2}}=\frac{1}{\sqrt{2}} \quad\text{soit}\quad \omega_c=\frac{1}{RC} \] La bande passante correspond donc à l'intervalle [0,\(\omega_c\)] en termes de pulsation ou [0,\(\omega_c/(2\pi)\)] en termes de fréquence.

Un filtre du premier ordre possède au plus une fréquence de coupure alors qu'un filtre du second ordre peut présenter deux fréquences de coupure. On peut alors rencontrer tous les cas de la Fig.4.

Notez que dans l'exemple précédent, la bande passante a pour largeur \(1/\tau\) où \(\tau\) est le temps de relaxation du circuit RC. Un filtre RC de grande bande passante est un système électrique de petit temps de réponse. On retiendra cette relation assez générale :

RAPIDITÉ \(\quad\Leftrightarrow\quad\) LARGE BANDE PASSANTE.

Diagramme de Bode

Afin de pouvoir étudier le comportement d'un filtre sur un large domaine fréquentiel on étudie le gain en adoptant une échelle logarithmique pour la fréquence. Par ailleurs, pour visualiser l'efficacité du filtrage il est plus commode de porter le gain en défini par

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle G_\text{dB}\stackrel{\text{def}}=20\log_{10}G \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Le diagramme de est constitué de deux graphes :

L'échelle logarithmique simplifie la lecture du comportement du filtre car l'essentiel du graphe est constitué de tronçons linéaires correspondants aux comportements asymptotiques.

Dans une telle représentation, les fréquences de coupure correspondent à une diminution de 3dB du gain par rapport au maximum, puisque \[ G=\frac{G_\text{max}}{\sqrt{2}} \quad\text{donne}\quad G_\text{dB}=20\log_{10}G_\text{max}-10\log_{10}(2)\simeq G_\text{dB max}-3\,\mathrm{dB} \]

Exemple : diagramme de Bode du filtre RC

Diagramme de Bode d'un filtre RC. Les traits oranges correspondent aux comportements asymptotiques.
Diagramme de Bode d'un filtre RC. Les traits oranges correspondent aux comportements asymptotiques.

Reprenons la fonction de transfert du filtre passe-bas RC : \[ \underline{H}=\frac{1}{1+j\frac{\omega}{\omega_c}} \quad\text{avec}\quad \omega_c=\frac{1}{RC} \] Le gain en décibel est alors donné par \[ G_\text{dB}=-10\log_{10}\left[1+(\omega/\omega_c)^2\right] \] On peut distinguer deux comportements, un à basse fréquence, l'autre à haute fréquence.

À basse fréquence (\(\omega\ll\omega_c\)), \(G_\text{dB}\simeq 0\,\mathrm{dB}\) : le graphe est assimilable à une portion horizontale d'ordonnée 0 dB.

À haute fréquence (\(\omega\gg\omega_c\)), \(G_\text{dB}\simeq -20\log_{10}(\omega)+20\log_{10}(\omega_c)\) : le graphe est assimilable à une portion de droite décroissante passant par le point (\(\omega_c\),0) et de pente .

Quant au déphasage sortie/entrée, on a \[ \phi_{s/e}=-\arg\left(1+j\frac{\omega}{\omega_c}\right)=-\arctan\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right) \] Ainsi, à basse fréquence, le déphasage tend vers 0 alors qu'a haute fréquence il tend vers \(-\pi/2\) rad ; la tension de sortie es alors en quadrature de phase par rapport à la tension d'entrée.

Réponse du filtre soumis à une excitation périodique

Comme on l'a vu, un filtre a la particularité de produire un signal sinusoïdal lorsque l'on injecte en entrée un signal sinusoïdal. Certes, l'amplitude et la phase à l'origine peuvent différer, mais pas la forme du signal ! Ça n'est plus le cas lorsque l'on envoie un signal périodique non sinusoïdal : le filtre produit une déformation du signal, et c'est bien là l'intérêt d'un filtre : nettoyer un signal du bruit, sélectionner une harmonique particulière, corriger la phase d'un signal, enlever la composante continue... sont autant de possibilités qui rendent le filtre indispensable dans une chaîne de traitement du signal.

Cette déformation est le résultat d'une transformation différente des harmoniques par le filtre. En effet, rappelons qu'un filtre agit sur une harmonique en agissant sur l'amplitude et la phase : \[ A\cos(\omega t)\underset{\text{Filtre}}{\longrightarrow} G(\omega)\times A\cos(\omega t+ \phi) \quad\text{avec}\quad \phi=\arg{\underline{H}} \] Soumettons le filtre à une excitation périodique de période \(T=2\pi/\omega\) et décomposable en série de Fourier : \[ e(t)=a_0+\sum_{n=1}^\infty \left[a_n\cos\left(n\,\omega t\right)+b_n\sin\left(n\,\omega t\right)\right] \] En vertu du principe de superposition, chaque harmonique subit une amplification par le gain correspondant à la fréquence de l'harmonique et un déphasage \(\phi=\arg{\underline{H}}\). Le signal de sortie s'écrit alors

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle s(t)=G_0\,a_0+\sum_{n=1}^\infty\left[ G_n\,a_n\cos\left(n\,\omega t+\phi_n\right)+ G_n\,b_n\sin\left(n\,\omega t+\phi_n\right)\right] \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}

Filtrage passe-haut

Filtre du premier ordre

Imaginons que l'on souhaite éliminer la composante continue d'un signal périodique. C'est par exemple ce que réalise un oscilloscope sur le signal d'entrée lorsque qu'on le place en mode AC. Un simple filtre passe-haut permet d'éliminer la . Il faut juste veiller à ce que la fréquence de coupure soit suffisamment basse pour éviter d'affecter les harmoniques du signal.

Le filtre passe-haut le plus simple est un filtre du premier ordre dont la fonction de transfert prend la forme \begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{H}=G_0\frac{\mathrm{j}\omega/\omega_c}{1+\mathrm{j}\omega/\omega_c} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation} où \(\omega_c\) est la pulsation de coupure et \(|G_0|\) le gain à haute fréquence. On vérifie que \(G=0\) pour \(\omega=0\) et \(G\to |G_0|\) pour \(\omega\to \infty\). Dans un oscilloscope, un filtre passe-haut de gain \(G_0=1\) et de fréquence de coupure \(\nu_c\sim 10\,\mathrm{Hz}\) réalise une telle opération comme l'illustre la simulation de la Fig. 7.

Élimination de la composante continue d'un signal triangulaire à l'aide d'un filtre passe-haut de fréquence de coupure fixée à 10Hz (simulation © J.Roussel).
Élimination de la composante continue d'un signal triangulaire à l'aide d'un filtre passe-haut de fréquence de coupure fixée à 10 Hz (voir Simuler pour apprendre).
Diagramme de Bode d'un filtre passe-haut du premier ordre avec G0=3,2.
Diagramme de Bode d'un filtre passe-haut du premier ordre avec \(G_0=3,2\).

Établissons le diagramme de Bode d'un tel filtre. Le gain en décibel vaut \[ G_\text{dB}=20\log |G_0|+20\log\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right)- 20\log\sqrt{1+\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right)^2} \] À haute fréquence on a le comportement \(G_\text{dB}^\text{HF}\simeq 20\log |G_0|\) alors qu'à basse fréquence on a le comportement \(G_\text{dB}^\text{BF}\simeq20\log |G_0|+20\log\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right)\). Cela donne deux tronçons rectilignes, l'un horizontal et l'autre de pente +20  dB/décade, se coupant au point \((\log(\omega_c)\,;\,20\log |G_0|)\). On vérifie que \(\omega_c\) est bien la pulsation de coupure puisque \[ G(\omega_c)=\frac{|G_0|}{\sqrt{2}} \quad\text{soit}\quad G_\text{dB}(\omega_c)=20\log(|G_0|)-3\,\mathrm{dB} \]

Quant au déphasage introduit par le filtre, si \(G_0>0\), on a : \[ \phi=\frac{\pi}{2}-\arg(1+\mathrm{j}\omega/\omega_c) \] ce qui donne les limites suivantes \[ \phi^\text{BF}\simeq\frac{\pi}{2}\quad \phi(\omega_c)=\frac{\pi}{4}\quad\text{et}\quad \phi^\text{HF}\simeq 0 \] On peut très facilement réaliser un filtre passe-haut à l'aide d'un conducteur ohmique et d'un condensateur ou d'une bobine. En guise d'exercice, on laisse au lecteur le soin de vérifier que les montages de la Fig.9 correspondent à des filtres passe-haut de gain \(G_0=1\) de de pulsation de coupure \(\omega_c=1/RC\) pour le montage C-R, et \(\omega_c=R/L\) pour le montage L-R.

Exemples de filtres passe-haut du premier ordre.
Exemples de filtres passe-haut du premier ordre.

Comportement dérivateur

Dériver un signal est une opération qui se réalise aisément à l'aide d'un filtre. La tension de sortie doit prendre la forme \[ s(t)=\tau \frac{\mathrm{d}e(t)}{\mathrm{d}t} \] où \(\tau\) est un paramètre homogène à un temps. En notation complexe cela donne \[ \underline{s(t)}=\tau\,\mathrm{j}\omega\,\underline{e(t)} \quad\text{soit}\quad \underline{H}=\mathrm{j}\omega\, \tau \] Par exemple, si l'on reprend le filtre passe-haut précédent et que l'on règle la fréquence de coupure à une valeur très éloignée de la fréquence du signal d'entrée, on peut écrire \(\omega\ll \omega_c\) et \[ \underline{H}= \frac{\mathrm{j}\omega/\omega_c}{1+\cancel{\mathrm{j}\omega/\omega_c}}\simeq \mathrm{j}\omega/\omega_c \] ce qui correspond à une dérivation avec un paramètre \(\tau=1/(\omega_c)\). La Fig.10 illustre le phénomène avec un signal triangulaire d'amplitude 1 V et de fréquence 100 Hz envoyé sur un filtre passe-haut dont la fréquence de coupure est fixée à 1 000 Hz. Les premières harmoniques — celles qui ont le plus de poids dans la série de Fourier — se trouvent dans un domaine fréquentiel où \(\underline{H}\simeq \mathrm{j}\omega/\omega_c\). On s'attend à obtenir un signal de sortie correspondant à la dérivée du signal triangulaire, à savoir, \[ s(t)=\frac{1}{2\pi\nu_c}\frac{\mathrm{d}e(t)}{\mathrm{d}t}=\frac{1}{2000\pi}\times \frac{\pm2}{0{,}01/2}=\pm 64\,\mathrm{mV} \] On prévoit donc un signal carré de fréquence 100 Hz et d'amplitude crête à crête 128 mV, ce que confirme la simulation de la Fig.10. On note cependant que le signal de sortie n'est pas tout a fait carré, car le basculement entre la valeur maximale et la valeur minimale se fait sur une durée finie de l'ordre de \(\tau\). Du point de vue de l'analyse de Fourier, cet adoucissement du signal carré est lié au fait que les harmoniques haute-fréquence se retrouvent dans la bande passante du filtre passe-haut et ne sont pas dérivées (\(\underline{H}=1\) au lieu de \(\underline{H}=\mathrm{j}\omega\tau\)). Or c'est précisément ces harmoniques qui jouent un rôle important dans la synthèse d'un carré au voisinage des discontinuités. En résumé, un filtre passe-haut présente un comportement dérivateur d'autant plus fidèle que la fréquence de coupure est grande.

Dérivation d'un signal triangulaire à l'aide d'un filtre passe-haut de fréquence de coupure fixée à 1000Hz (simulation © J.Roussel).
Dérivation d'un signal triangulaire à l'aide d'un filtre passe-haut de fréquence de coupure fixée à 1000 Hz (voir Simuler pour apprendre).

Filtres plus performants

Les harmoniques situées en dehors de la bande passante sont d'autant mieux filtrées que la pente de la portion rectiligne est importante. Si une atténuation de 20 dB/décade n'est pas suffisante il faut se tourner vers des filtres d'ordre supérieur à un.

Diagramme de Bode d'un filtre passe-haut de Butterworth d'ordre 3.
Diagramme de Bode d'un filtre passe-haut de Butterworth d'ordre 3.

Le filtre de Butterworth d'ordre trois est couramment utilisé dans les sytème d'amplification audio. Sa fonction de transfert se met sous la forme \begin{equation} \underline{H}(\mathrm{j}x)=\frac{(\mathrm{j}x)^3}{1+2\mathrm{j}x-2x^2-\mathrm{j}x^3} \quad\text{avec}\quad x=\frac{\omega}{\omega_c} \end{equation} Le gain associé prend une forme simple : \[ G=\frac{x^3}{\sqrt{(1-2x^2)^2+(2x-x^3)^2}}=\frac{x^3}{\sqrt{1+x^6}} \] On voit ainsi que \[ G^\text{max}=1 \quad G^\text{HF}=1 \quad G(x=1)=\frac{1}{\sqrt{2}} \quad\text{et}\quad G\underset{x\to 0}{\simeq}x^3 \] La pulsation de coupure correspond à \(x=1\) soit \(\omega=\omega_c\). Par ailleurs, le diagramme de Bode comporte dans la partie basse-fréquence une portion rectiligne de pente +60 dB/décade \((G_\text{dB}^\text{BF}= 60\log x)\).

Exemple de filtre passe-haut du troisième ordre.
Exemple de filtre passe-haut du troisième ordre.

Une manière de réaliser un filtre de Butterworth d'ordre 3 consiste à fabriquer un pont en T avec deux condensateurs et une bobine que l'on branche sur une résistance de charge \(R\) (Fig.12). En choisissant correctement les valeurs de \(C_1\), \(C_2\) et \(L\), on trouve une fonction de transfert de la forme (1). Pour le vérifier, calculons la fonction de transfert de ce filtre : \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}}{\underline{e}}=\frac{\underline{s}}{\underline{u_N}}\times \frac{\underline{u_N}}{\underline{e}} \] où \(\underline{u_N}\) est la tension entre le point N et la masse. Le premier facteur s'obtient par la relation du diviseur de tension : \[ \frac{\underline{s}}{\underline{u_N}}=\frac{R}{R+1/\mathrm{j}C_2\omega}=\frac{\mathrm{j}RC_2\omega}{1+\mathrm{j}RC_2\omega} \] Le deuxième facteur s'obtient à l'aide du théorème de Millman : \[ \underline{u_N}= \frac{\underline{e}\,\mathrm{j}C_1\omega+0/(\mathrm{j}L\omega)+\underline{s}\,\mathrm{j}C_2\omega}{\mathrm{j}C_1\omega+1/(\mathrm{j}L\omega)+\mathrm{j}C_2\omega} \] À partir de ces deux relations, on peut éliminer \(\underline{u_N}\). Tout calcul fait, on obtient \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}}{\underline{e}}=\frac{RC_2C_1L(\mathrm{j}\omega)^3}{1+\mathrm{j}RC_2\omega-L(C_1+C_2)\omega^2-\mathrm{j}RC_1C_2L\omega^3} \] On constate qu'il s'agit d'un filtre de Butterworth d'ordre 3 à condition d'imposer \[ RC_1C_2L{\omega_c}^3=1\quad RC_2\omega_c=2 \quad\text{et}\quad L(C_1+C_2){\omega_c}^2=2 \] Dans une chaîne de transmission audio, la résistance \(R\) correspond à la résistance d'entrée des hauts-parleurs. Si l'on fixe la fréquence de coupure, alors les valeurs de \(C_1\), \(C_2\) et \(L\) sont imposées.

Filtrage passe-bas

Introduction

Il arrive couramment que l'on veuille lisser un signal pour en éliminer le bruit haute-fréquence capturée lors de l'enregistrement. Parfois, on désire simplement calculer la moyenne d'un signal périodique. Souvent dans une chaîne de conversion analyse-numérique on élimine les composantes haute-fréquence pour éviter le phénomène de repliement de spectre. Toutes ces opérations se réalisent à l'aide d'un filtre passe-bas.

Le filtre passe-bas du premier ordre est le plus simple d'entre eux. Sa fonction de transfert se met sous la forme : \begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{H}(\mathrm{j}\omega)=\frac{G_0}{1+\mathrm{j}\omega/\omega_c} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation} Le gain associé s'écrit \[ G=\frac{|G_0|}{\sqrt{1+x^2}} \quad\text{avec}\quad x=\frac{\omega}{\omega_c} \] On voit ainsi que \[ G^\text{max}=|G_0| \quad G^\text{BF}=|G_0| \quad G(x=1)=\frac{|G_0|}{\sqrt{2}} \quad\text{et}\quad G\underset{x\to \infty}{\simeq}\frac{|G_0|}{x} \] Le gain \(|G_0|\) est appelé gain statique, car il correspond au gain à fréquence nulle. La grandeur \(\omega_c\) désigne la pulsation de coupure à -3 dB, et le comportement à haute fréquence se traduit dans le diagramme de Bode par une droite de pente -20 dB/décade (cf. Fig.6).

Le filtre RC vu en exemple présente ce comportement avec \(G_0=1\) et \(\omega_c=1/RC\). On peut aussi réaliser un tel filtre à l'aide d'une bobine et d'un conducteur ohmique ; dans ce cas la pulsation de coupure est donnée par \(\omega_c=R/L\).

Exemples de filtres passe-bas du premier ordre.
Exemples de filtres passe-bas du premier ordre.

Si l'on cherche à obtenir la valeur moyenne d'un signal périodique, il suffira d'envoyer le signal à traiter sur un filtre passe-bas de gain statique \(G_0=1\) et dont la bande passante sera choisie de façon à exclure toutes les harmoniques. Ainsi seule la composante continue, c'est-à-dire la valeur moyenne du signal, sera transmise.

Comportement intégrateur

Expérience

Envoyons un signal carré d'amplitude \(A=1\,\mathrm{V}\) et de fréquence \(\nu=100\,\mathrm{Hz}\) à l'entrée d'un filtre RC. Ajustons la fréquence de coupure à 10  Hz. La simulation ci-dessous donne le résultat

Simulation (voir Simuler pour apprendre).

Comme on peut le voir, le filtre se comporte comme un intégrateur, puisque le signal de sortie est, à une constante multiplicative près, l'intégrale du signal d'entrée.

Pour interpréter cette expérience, adoptons tout d'abord un point de vue temporel. Rappelons que le signal carré est constitué uniquement d'harmoniques impaires dont les amplitudes décroissent en \(1/n\) [1]. Plus précisément on trouve \[ e(t)=\frac{4A}{\pi}\left[\cos(\omega t)+\frac{1}{3}\cos(3 \omega t)+\frac{1}{5}\cos(5 \omega t)+ \frac{1}{7}\cos(7 \omega t)+\ldots \right] \] avec \(\omega=2\pi\nu\). Le gain et le déphasage introduits par le filtre s'écrivent : \[ G(\omega)=\frac{1}{\sqrt{1+\left(\omega/\omega_c\right)^2}} \quad\text{et}\quad \phi_{s/e}=-\arctan\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right) \] avec \(\omega_c=1/(RC)\) la pulsation de coupure ajustable en modifiant les valeurs de \(R\) et \(C\). En vertu du principe de superposition, le signal filtré s'écrit \[ s(t)=\frac{4A}{\pi}\sum_{n\ \text{impair}}\frac{1}{\sqrt{1+\left(\frac{n\omega}{\omega_c}\right)^2}} \times \frac{1}{n}\cos\left[n\omega t-\arctan(n\omega /\omega_c)\right] \] La fréquence de coupure étant fixée à 10 Hz, toutes les harmoniques se trouvent suffisamment loin de la bande passante pour assimiler la réponse du filtre à son comportement asymptotique. Autrement dit, on a \(G\simeq \omega_c/\omega\) et \(\phi\simeq -\pi/2\) de sorte que la réponse est approximativement donnée par \[ s(t)=\frac{4A\omega_c}{\pi \omega}\sum_{n\text{ impair}}\frac{1}{n^2}\sin\left(n\omega t\right) \] On obtient une série d'harmoniques impaires dont l'amplitude décroit en \(1/n^2\). On reconnaît ici un signal d'amplitude : \[ A_s=\frac{\pi}{2}\frac{\omega_c}{\omega}A \quad\text{soit}\quad A_s\simeq 157\,\mathrm{mV} \] résultat confirmée par la .

On peut aussi adopter un point de vue spectral. En effet, lorsque \(\omega \gg \omega_c\) la fonction de transfert est bien approchée par \(\underline{H}\simeq \omega_c/\mathrm{j}\omega\). La tension de sortie s'écrit \(\underline{e}(t)\simeq \frac{1}{\omega_c}\,\mathrm{j}\omega\,\underline{s}(t)\) ce qui signifie en représentation réelle \(e(t)=\frac{1}{\omega_c}\frac{\mathrm{d}s(t)}{\mathrm{d}t}\) soit \[ s(t)=2\pi \nu_c \int e(t)\, \mathrm{d}t \] Un filtre passe-bas du premier ordre réalise donc une intégration mathématique du signal d'entrée si les harmoniques du signal se trouvent suffisamment loin de la bande passante.

Filtre passe-bas de Butterworth

Un filtre passe-bas est de type Butterworth quand son gain se met sous la forme \[ G=\frac{G_0}{\sqrt{1+x^{2n}}} \quad\text{avec}\quad x=\frac{\omega}{\omega_c} \] où \(n\) est l'ordre du filtre.

Filtre passe-bas d'ordre 3.
Filtre passe-bas d'ordre 3.

Ainsi, les filtres RC et LR sont des filtres de Butterworth d'ordre 1. On peut réaliser des filtres de Butterworth d'ordre supérieur en associant en échelle des bobines et des condensateurs, l'ensemble étant fermé sur une résistance de charge \(R\). Illustrons l'exemple d'un pont en T similaire au montage de la Fig.12 où l'on remplace les condensateurs par des bobines et vice versa (Fig.15).

Calculons la fonction de transfert : \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}}{\underline{e}}=\frac{\underline{s}}{\underline{u_N}}\times \frac{\underline{u_N}}{\underline{e}} \] où \(\underline{u_N}\) est la tension entre le point N et la masse. Le premier facteur s'obtient par la relation du diviseur de tension : \[ \frac{\underline{s}}{\underline{u_N}}=\frac{R}{R+\mathrm{j}L_2\omega} \] Le deuxième facteur s'obtient à l'aide du théorème de Millman : \[ \underline{u_N}= \frac{\underline{e}/\mathrm{j}L_1\omega+\underline{s}/\mathrm{j}L_2\omega+0}{1/\mathrm{j}L_1\omega+1/\mathrm{j}L_2\omega+\mathrm{j}C\omega} \] En substituant \(\underline{s}\) par \(\underline{u_N}R/(1+\mathrm{j}L_2\omega)\), on obtient \[ \frac{\underline{u_N}}{\underline{e}}=\frac{R+\mathrm{j}L_2\omega}{R+\mathrm{j}(L_1+L_2)\omega+RL_1C(\mathrm{j}\omega)^2+L_1L_2C(\mathrm{j}\omega)^3} \] Finalement, la fonction de transfert, s'écrit \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}}{\underline{u_N}}\times \frac{\underline{u_N}}{\underline{e}} = \frac{1}{1+\frac{L_1+L_2}{R}\mathrm{j}\omega+L_1C(\mathrm{j}\omega)^2+\frac{L_1L_2C}{R}(\mathrm{j}\omega)^3} \] Pour une résistance de charge donnée et une fréquence de coupure fixée à \(\omega_c\), il est possible de choisir correctement les de \(L_1\), \(L_2\) et \(C\) pour mettre la fonction de transfert sous la forme \[ \underline{H}=\frac{1}{1+2(\mathrm{j}x)+2(\mathrm{j}x)^2+(\mathrm{j}x)^3} \quad\text{avec}\quad x=\frac{\omega}{\omega_c} \] Dans ce cas, le gain vaut \[ G=\frac{1}{\sqrt{(1-2x^2)^2+(2x-x^3)^2}}=\frac{1}{\sqrt{1+x^6}} \] Il s'agit d'un filtre passe-bas de Butterworth d'ordre 3, qui présente une coupure à -60  dB/décade.

Filtre passe-bande

Introduction

Que l'on cherche à isoler une harmonique particulière cachée dans un signal, ou que l'on souhaite ne conserver qu'une certaine bande de fréquences avant de procéder à une démodulation, on aura recours à un filtre passe-bande.

Le filtre passe-bande le plus simple est un filtre d'ordre deux. Sa fonction de transfert se met sous la forme \begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{H}=\frac{G_0}{1+\mathrm{j}Q\left(\frac{\omega}{\omega_0}-\frac{\omega_0}{\omega}\right)} \quad\text{[Passe-Bande 2nd ordre]} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation} où \(\omega_0\) est la pulsation de résonance du filtre pour laquelle le gain est maximum (\(G_\text{max}=|G_0|\)). Le paramètre \(Q\) est un nombre positif sans dimension, dit facteur de qualité, qui permet d'ajuster la bande-passante \(\Delta \omega\).

Diagramme de Bode associé au filtre passe-bande du second ordre pour Q=5 et G0=1
Diagramme de Bode associé au filtre passe-bande du second ordre pour \(Q=5\) et \(G_0=1\).

On détermine aisément les comportements asymptotiques du filtre : \[ G^\text{BF}\simeq \left|\frac{G_0}{Q\omega_0/\omega}\right| \quad\text{et}\quad G^\text{HF}\simeq \left|\frac{G_0}{Q\omega/\omega_0}\right| \] Ce qui se traduit en échelle logarithmique par \[ \begin{align} G_\text{dB}^\text{BF}\simeq G_\text{dB}^\text{max}-20\log Q+20\log(\omega/\omega_0)\\ G_\text{dB}^\text{HF}\simeq G_\text{dB}^\text{max}-20\log Q-20\log(\omega/\omega_0) \end{align} \] ce qui donne deux droites de pentes \(\pm 20\)  dB/décade qui se coupent à la fréquence de résonance à la hauteur \(G_\text{dB}^\text{max}-20\log Q\).

Les pulsations de coupure \(\omega_{c}\) sont définies par \[ \frac{|G_0|}{\sqrt{1+Q^2(\omega_c/\omega_0-\omega_0/\omega_c)^2}}=\frac{|G_0|}{\sqrt{2}} \] Après avoir posé \(x=\omega_c/\omega_0\), on aboutit à l'équation \(Q(x-1/x)=\pm 1\) dont les deux seules solutions positives sont \[ x_\pm=\frac{\sqrt{1+4Q^2}\pm 1}{2Q}=\frac{\omega_\pm}{\omega_0} \] Finalement, la bande passante vaut

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \Delta\omega=\omega_+-\omega_-=\frac{\omega_0}{Q} \quad\text{ou}\quad \Delta \nu=\frac{\nu_0}{Q} \notag \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \end{equation}
Déphasage introduit par un filtre passe-bande avec Q=5.
Déphasage introduit par un filtre passe-bande avec \(Q=5\).

Ainsi, plus \(Q\) est grand, plus le filtre est sélectif, c'est-à-dire à bande passante-étroite. \(Q\) est, de ce fait, aussi appelé facteur d'acuité à la résonance.

Quant au déphasage entre la sortie et l'entrée, dès que l'on s'éloigne de la bande passante, on a \(\phi\simeq \pm \pi/2\). Les signaux sont en quadrature de phase. En revanche à la résonance, le signal de sortie est en phase avec le signal d'entrée.

La simulation de la Fig.18 illustre l'effet d'un filtre passe-bande sur un signal en forme de rampe de fréquence 100  Hz. La bande passante est centrée sur 200  Hz et le facteur \(Q\) est fixé à 50 pour avoir une bonne sélectivité. On recueille ainsi en sortie la deuxième harmonique du signal : on peut constater qu'il s'agit d'un sinus déphasé de \(\pi\).

Sélection de la seconde harmonique d'un signal périodique à l'aide d'un filtre passe-bande (simulation © J.Roussel).
Sélection de la seconde harmonique d'un signal périodique à l'aide d'un filtre passe-bande (voir simuler pour apprendre).

Filtre RLC

Quadripôle RLC.
Quadripôle RLC.

Un dipôle formé d'une bobine en série avec un condensateur et un conducteur ohmique présente les propriétés d'un filtre passe-bande du second ordre. Si l'on recueille la tension aux bornes du conducteur, on obtient un filtre passe-bande du type (2). Si l'on recueille la tension aux bornes du condensateur, on obtient un filtre passe-bande à condition que la résistance ne soit pas trop importante.

Intéressons nous d'abord à la tension aux bornes du conducteur ohmique. On a \[ \begin{align*} \underline{H}=\frac{R}{R+\mathrm{j}\left(L\omega-\frac{1}{C\omega}\right)}\\ =\frac{1}{1+\mathrm{j}Q\left(\frac{\omega}{\omega_0}-\frac{\omega_0}{\omega}\right)} \end{align*} \quad\text{avec}\quad \left\{\begin{array}{rcl} \omega_0&=&\dfrac{1}{\sqrt{LC}}\\[2mm] Q &=&\dfrac{1}{R}\sqrt{\dfrac{L}{C}} \end{array}\right. \] Ainsi, les valeurs de \(L\) et \(C\) commandent la fréquence de résonance, tandis que la valeur de \(R\) permet d'ajuster l'acuité de la résonance sans modifier la fréquence de résonance.

Quadripôle RLC avec un signal de sortie recueillie aux bornes du condensateur.
Quadripôle RLC avec un signal de sortie recueillie aux bornes du condensateur.

Si l'on recueille la tension aux bornes du condensateur, on obtient un comportement sensiblement différent. Tout d'abord, la loi des mailles impose \[ \underline{e}(t)=\mathrm{j}L\omega\,\underline{i}(t)+\underline{u_R}(t)+\underline{s}(t) \] En divisant par \(\underline{e}(t)\) on obtient \[ \underline{H}'=\frac{\underline{s}(t)}{\underline{e}(t)}= 1-\frac{\underline{u_R}(t)}{\underline{e}(t)}-\mathrm{j}\frac{L\omega}{R}\frac{\underline{u_R}(t)}{\underline{e}(t)} \] Or, le rapport \(\underline{u_R}(t)/\underline{e}(t)\) est donné par la relation (2). On trouve finalement \[ \underline{H}'= \frac{-\mathrm{j}Q\frac{\omega_0}{\omega}}{1+\mathrm{j}Q\left(\frac{\omega}{\omega_0}-\frac{\omega_0}{\omega}\right)} \]

Diagramme de Bode du filtre RLC avec un signal prélevé aux bornes de C et Q=5
Diagramme de Bode du filtre RLC avec un signal prélevé aux bornes de C et \(Q=5\).

Avec \(Q\) et \(\omega_0\) définis comme précédemment. Le gain vérifie les propriétés suivantes : \[ G^\text{BF}\simeq 1 \quad G(\omega_0)=Q \quad\text{et}\quad G^\text{HF}\simeq \left(\frac{\omega_0}{\omega}\right)^2 \] On remarque que le filtre laisse passer les basses fréquences sans les atténuer. En revanche les hautes fréquences sont plus efficacement atténuées que dans le filtre précédent. Le diagramme de Bode fait apparaître une asymptote oblique de pente -40  dB/décade. Notons également que le signal est amplifié d'un facteur \(Q\) lorsque \(\omega=\omega_0\). On peut montrer que la courbe de gain ne présente pas toujours de résonance : il faut dépasser la valeur \(Q=\sqrt{2}/2\) pour que ce soit le cas. On parlera donc de filtrage passe-bande uniquement si \(Q\) est assez grand.

Stabilité

Relation entre équation différentielle et fonction de transfert

Rappelons que la réponse d'un filtre peut être modélisée par une équation différentielle linéaire à coefficients constants du type \[ \alpha_0\,e(t)+\alpha_1 \frac{\mathrm{d}e(t)}{\mathrm{d}t}+\ldots+\alpha_n \frac{\mathrm{d}^ne(t)}{\mathrm{d}t^n}= \beta_0\,s(t)+\beta_1 \frac{\mathrm{d}s(t)}{\mathrm{d}t}+\ldots+\beta_m \frac{\mathrm{d}^m s(t)}{\mathrm{d}t^m} \] Cette équation différentielle est étroitement liée à la fonction de transfert du filtre. En effet, si l'on adopte la notation complexe et que l'on se place en régime forcé, on a \[ \frac{\mathrm{d}e(t)}{\mathrm{d}t} \rightarrow \mathrm{j}\omega\, \underline{e}(t) \quad\text{avec}\quad \omega=2\pi\, \nu \] Dès lors, la fonction de transfert s'écrit \[ \underline{H}= \frac{\alpha_0+\mathrm{j}\omega\, \alpha_1+\ldots+(\mathrm{j}\omega)^n\, \alpha_n}{\beta_0+\mathrm{j}\omega\, \beta_1+\ldots+(\mathrm{j}\omega)^m\, \beta_m}= \frac{N(\mathrm{j}\omega)}{D(\mathrm{j}\omega)} \] avec \(m\) l'ordre du filtre et \(n\leq m\) pour des raisons de stabilité comme nous allons le voir.

Un théorème de mathématiques stipule que l'on peut toujours décomposer un polynôme à coefficients réels en un produit de polynômes à coefficients réels de degré inférieur ou égal à 2. C'est pourquoi la fonction de transfert peut toujours s'écrire \[ \underline{H}=\prod \underline{H_i} \] où \(\underline{H_i}\) est une fonction de transfert d'ordre 1 ou 2.

Condition de stabilité

Pour qu'un filtre soit stable, on doit s'assurer qu'à tout signal d'entrée borné corresponde un signal de sortie également bornée, ceci à toute fréquence. Pour cela il est nécessaire que la fonction de transfert reste finie pour toute pulsation \(\omega\in \mathbb{R}\). Il est donc impératif que le degré du dénominateur soit supérieure ou égal au degré du numérateur, sans quoi \(|\underline{H}|\) diverge quand \(\omega\to \infty\).

Étudions plus spécifiquement les filtres d'ordre 2 de la forme \[ \underline{H}= \frac{\alpha_0+\mathrm{j}\omega\, \alpha_1+(\mathrm{j}\omega)^2\, \alpha_2}{\beta_0+\mathrm{j}\omega\,\beta_1+(\mathrm{j}\omega)^2\,\beta_2} \quad\text{avec}\quad \beta_2 \neq 0 \] Que dire des coefficients \(\beta_1\) et \(\beta_0\) ?

Autrement dit les coefficients \(\beta_0\), \(\beta_1\) et \(\beta_2\) sont non nuls. Regardons maintenant la dynamique de ce filtre lorsque l'entrée est nulle. L'équation différentielle s'écrit \[ \beta_0\,s(t)+\beta_1 \frac{\mathrm{d}s(t)}{\mathrm{d}t}+\beta_2 \frac{\mathrm{d}^2 s(t)}{\mathrm{d}t^2}=0 \] Supposons que \(\beta_2\) soit . Démontrons que \(\beta_1\) et \(\beta_0\) ne peuvent pas être négatifs. Rappelons que pour trouver les solutions de l'équation différentielle il faut résoudre l'équation caractéristique \[ \beta_0+\beta_1\,r+\beta_2\,r^2=0 \quad\text{de discriminant}\quad \Delta={\beta_1}^2-4\beta_0\beta_2 \] Si \(\beta_0 <0\), le discriminant est positif et les solutions — appelons-les \(r_1\) et \(r_2\) — sont réelles. Or, si \(\beta_0<0\), le des racines est aussi négatif ce qui signifie que l'une d'entre elles est positive. Par conséquent la solution diverge : \begin{equation} s(t)=C_1\mathrm{e}^{r_1\,t}+C_2\mathrm{e}^{r_2\, t} \underset{t\to \infty}{\longrightarrow}\infty \tag{3} \end{equation} Le filtre n'est pas stable si \(\beta_0<0\). Fixons maintenant \(\beta_0>0\). Le produit des racines est donc positif. Deux cas se présentent.

Pour résumer, un filtre d'ordre 2 est stable si tous les coefficients du dénominateur sont de même signe. L'étude du filtre d'ordre 1 est analogue et aboutit au même résultat.

Conditions de stabilité

Un filtre d'ordre 1 ou 2 est stable à condition que :

  1. le degré du dénominateur soit supérieur ou égal au degré du numérateur ;
  2. les coefficients du dénominateur soient tous non nuls et de même signe.

Exemple

Filtre réjecteur à l'aide d'un circuit RLC.
Filtre réjecteur à l'aide d'un circuit RLC.

Considérons l'exemple d'un circuit RLC série où la tension de sortie est recueillie aux bornes de l'ensemble LC. La fonction de transfert vaut \[ \underline{H}=\frac{\underline{Z_L}+\underline{Z_C}}{\underline{Z_R}+\underline{Z_L}+\underline{Z_C}}= \frac{1+LC(\mathrm{j}\omega)^2}{1+RC\mathrm{j}\omega+LC(\mathrm{j}\omega)^2} \] Il s'agit donc d'un filtre d'ordre deux. Ici le degré du numérateur est le même que celui du dénominateur, et tous les coefficients du dénominateur sont positifs. Par conséquent ce filtre est stable. On laisse au lecteur le soin de montrer qu'il s'agit ici d'un filtre coupe-bande centrée en \(\omega_0=1/\sqrt{LC}\).

Pour en savoir plus...

  1. J. Roussel Série de Fourier[en ligne], 2020. Disponible sur femto-physique.fr
  2. J. Roussel Simuler pour apprendre - Filtre passe-bas[en ligne], 2020. Disponible sur femto-physique.fr
  3. J. Roussel Simuler pour apprendre - Filtre passe-haut[en ligne], 2020. Disponible sur femto-physique.fr
  4. J. Roussel Simuler pour apprendre - Filtre passe-bande[en ligne], 2020. Disponible sur femto-physique.fr