En 1822, Joseph Fourier publie Théorie analytique de la chaleur, ouvrage dans lequel il utilise une technique qui consiste à décomposer une fonction périodique par une somme infinie de sinus et de cosinus. Bien que suscitant quelques réserves de la part de nombreux mathématiciens de l'époque, l'analyse de Fourier est de nos jours solidement structurée et bien comprise.
Ce chapitre explique cette décomposition spectrale et l'illustre dans le domaine de l'électronique et de la physique ondulatoire.
Décomposition en séries de Fourier
Signaux périodiques
De nombreux phénomènes se caractérisent par des signaux de différentes natures présentant une allure périodique. On peut penser au cycle des taches solaires, aux observables biologiques du corps humain (pression aortique, électrocardiogramme...), aux signaux électroniques, aux sons complexes produits par les instruments de musique, etc. Nous notons \(f(t)\) ce signal, et \(t\) une variable réelle. Pour fixer les idées, on peut imaginer que \(t\) soit la variable temporelle bien que ce ne soit pas nécessaire ; \(t\) peut aussi bien être une variable spatiale. Le signal admet \(T\) comme lorsque l'on peut écrire
Toute l'information utile du signal se retrouve donc dans un motif de durée \(T\). Le nombre \(\nu\) de motifs que l'on trouve dans un intervalle d'une seconde s'appelle la fréquence et s'exprime en hertz (Hz). Vu que le motif s'étend sur une durée \(T\), on a
Fréquence d'un signal périodique
\[ \nu=\frac{1}{T} \qquad [1\,\mathrm{Hz}=1\,\mathrm{s^{-1}}] \]
Le motif présente des caractéristiques que l'on peut facilement mesurer dès lors que le signal est converti en un signal électrique :
- La composante continue représente la valeur du signal : \[ f_\text{cc}\stackrel{\text{def}}= \overline{f(t)}=\frac{1}{T}\int_{0}^{T}f(t)\,\mathrm{d}t \]
- La valeur crête-à-crête correspond à l'écart entre le maximum et le minimum de \(f\) : \[ f_\text{pp}\stackrel{\text{def}}=\max(f)-\min(f) \]
- Les signaux rencontrés en physique présentent une moyenne quadratique finie. En effet, la puissance d'un signal est proportionnelle à \(f^2(t)\) de sorte que sa moyenne doit être est liée à la moyenne quadratique via la relation \[ f_\text{rms}\stackrel{\text{def}}= \sqrt{\overline{f^{2}}}= \sqrt{\frac{1}{T}\int_{0}^{T}f^2(t)\,\mathrm{d}t} \]
Exemple
En électricité, la puissance électrique reçue par un conducteur ohmique de résistance \(R\) vaut \(\mathcal{P}(t)=R\,i^2(t)\) de sorte que la puissance moyenne reçue vaut \[ \overline{\mathcal{P}}=R\, \overline{i^2}=R\, {i^2_\text{rms}} \]
A priori, la fréquence et la valeur efficace d'un signal ne permettent pas de décrire complètement le signal périodique. En revanche, un sinus est complètement décrit par sa fréquence et sa valeur efficace ; il serait donc intéressant de pouvoir décomposer un signal périodique en sinus et cosinus.
Théorème de Fourier
Nous savons tous qu'une même note jouée sur un violon ou sur un piano sonne différemment bien que leurs fréquences sont identiques. En effet, l'oreille humaine, à l'instar d'un prisme avec la lumière, décompose les sons complexes en un spectre de sons purs que le cerveau est capable de comparer et d'interpréter. C'est l'idée de base de l'analyse de Fourier : décomposer un signal périodique de fréquence \(\nu\) en une somme de sinus de fréquences multiples de \(\nu\).
Théorème de Fourier
Sous certaines conditions mathématiques assez peu restrictives pour les grandeurs physiques, on montre qu'un signal périodique \(f(t)\) est développable en série de Fourier, comme suit :
Le terme \(a_{n}\cos(n\, 2\pi \nu\, t)+b_{n}\sin(n\, 2\pi \nu \, t)\) représente l'harmonique de rang \(n\). L'harmonique de rang \(n=1\) est aussi appelé le fondamental de \(f\).
La série de Fourier converge point à point en f(t) si le signal est continu et d'énergie finie sur une période.
L'ensemble des coefficients de Fourier \((a_n,b_n)\) détermine complètement la forme du motif périodique. C'est pourquoi, une autre façon de représenter un signal est de fournir l'histogramme des coefficients de Fourier : on obtient ce que l'on appelle la représentation spectrale ou le spectre de Fourier de \(f\). Par exemple, deux notes de même jouées par deux instruments de musique différents présentent deux spectres constitués des mêmes harmoniques mais dont les poids relatifs diffèrent. Ces notes sont de hauteur identique mais de timbre distinct.
Si la fonction \(f(t)\) est connue, on peut déterminer les coefficients de Fourier par intégration. Par exemple, si l'on prend la moyenne de la série de Fourier on trouve \(a_0\). Le premier coefficient de Fourier représente donc la composante continue de \(f\) :
Calcul de a0
\[a_0= f_\text{cc}=\frac{1}{T}\int_{0}^{T}f(t)\,\mathrm{d}t\]
Quand on multiplie le développement de Fourier par \(\cos(n\, 2\pi \nu\, t)\) puis que l'on calcule la moyenne, tous les termes s'annulent sauf le terme \(a_n\overline{\cos^2(n\, 2\pi \nu\, t)}\) qui vaut \(a_n/2\). On en déduit (Pour déterminer \(b_n\) il suffit de multiplier la série de Fourier par \(\sin(n\, 2\pi \nu\, t)\) puis de prendre la moyenne temporelle.)
Coefficients des harmoniques
\begin{equation} a_n=\frac{2}{T}\int_{0}^{T}f(t)\cos(n\, 2\pi \nu\, t)\,\mathrm{d}t \quad\text{et}\quad b_n=\frac{2}{T}\int_{0}^{T}f(t)\sin(n\, 2\pi \nu\, t)\,\mathrm{d}t \end{equation}
Illustration sur un exemple
Voyons par exemple comment un signal triangulaire se décompose en série de Fourier. Pour simplifier, prenons un signal triangulaire d'amplitude \(A\) et de période \(T=1\,\mathrm{s}\). Sa fréquence fondamentale est donc \(\nu=1\,\mathrm{Hz }\). En vertu du théorème de Fourier, le signal se développe comme suit : \[ f(t)=a_0+\sum_{n=1}^\infty a_n\cos(2\pi n\, t)+b_n\sin(2\pi n\, t) \]
Tout d'abord, le signal présente une composante continue nulle. Par conséquent \(a_0=0\). Ensuite, l'origine des temps est placé de telle sorte que la fonction est paire ; par conséquent le développement ne peut contenir que des harmoniques pairs. C'est pourquoi les coefficients \(b_n\) sont tous nuls. Il ne nous reste plus qu'a déterminer les coefficients \(a_n\)
\[ \begin{split} \dfrac{a_n}{2}=\int_{-1/2}^{1/2}f(t)\cos(2\pi n\, t)\,\mathrm{d}t\\ =2\int_{0}^{1/2}f(t)\cos(2\pi n\, t)\, \mathrm{d}t\\ \dfrac{a_n}{2}=2\int_{0}^{1/2}(A-4At)\cos(2\pi n\, t)\, \mathrm{d}t \end{split} \] où \(f(t)\) a été remplacée par la portion de droite d'équation \(A-4At\) entre \(t=0\) et \(t=\frac12\). On poursuit le calcul en intégrant par partie : \[ \begin{array}{rcccl} \dfrac{a_n}{2} &=&2\left[(A-4At)\dfrac{\sin(2\pi n \,t)}{2\pi n}\right]_0^{1/2}&+&2\displaystyle{\int_{0}^{1/2}}\dfrac{4A\sin(2\pi n \,t)}{2\pi n}\, \mathrm{d}t \\[4mm] &=&0&+& 2\left[-\dfrac{4A\cos(2\pi n \,t)}{(2\pi n)^2}\right]_0^{1/2}\\[4mm] \dfrac{a_n}{2} &=&\dfrac{2A}{\pi^2n^2}\left(1-\cos(\pi n)\right)&&\\ \end{array} \]Sachant que \(\cos(\pi n)=(-1)^n\), on trouve finalement \[ a_n= \begin{cases} 0 & \text{si } n \text{ est pair} \\[3mm] \dfrac{8A}{\pi^2} \dfrac{1}{n^2}, & \text{si } n \text{ est impair.} \end{cases} \quad\text{et}\quad b_n=0 \]
Autrement dit, le signal triangulaire est exclusivement constitué d'harmoniques de fréquences multiples impaires de la fréquence fondamentale et dont les amplitudes décroissent assez rapidement. La huitième composante par exemple correspond à \(n=15\) et présente une amplitude 225 fois plus faible que celle du fondamental.
On comprend dès lors que la convergence de la série de Fourier est ici assez rapide comme le montre la figure ci-dessus.
Notation complexe
On peut reformuler le développement de Fourier en notation complexe. À partir de (2) et des relations d'Euler, on a
\[ \begin{array}{ccl} f(t) &=& a_0+\displaystyle{\sum_{n=1}^\infty a_n\frac{\mathrm{e}^{i n\,2\pi\nu\, t}+\mathrm{e}^{-i n\,2\pi\nu\, t}}{2}+b_n\frac{\mathrm{e}^{i n\,2\pi\nu\, t}-\mathrm{e}^{-i n\,2\pi\nu\, t}}{2i}}\\[3mm] &=&a_0+\displaystyle{\sum_{n=1}^\infty \frac{a_n-ib_n}{2}\,\mathrm{e}^{i n\,2\pi\nu\, t}+ \frac{a_n+ib_n}{2}\,\mathrm{e}^{-i n\,2\pi\nu\, t}}\\[3mm] f(t) &=& \displaystyle{\sum_{n=-\infty}^\infty \underline{c_n}\,\mathrm{e}^{i n\,2\pi\nu\, t}} \end{array} \]Notez que la somme s'étend sur \(\mathbb{Z}\) ! \(\underline{c_n}\) est le coefficient de Fourier complexe donné par
\[ \underline{c_n} \stackrel{\text{def}}= \begin{cases} \dfrac{a_n-ib_n}{2} & \text{si } n>0 \\ \underline{c_{-n}}^\star & \text{si } n < 0 \end{cases} \qquad\text{et}\qquad c_0 \stackrel{\text{def}}= a_0 \]Si l'on reprend les relations (3), on s'aperçoit que le coefficient de Fourier complexe se calcule via la formule \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \underline{c_n}=\frac{1}{T}\int_{0}^{T}f(t) \, \mathrm{e}^{-i n\,2\pi\nu\, t}\,\mathrm{d}t \quad\text{avec}\quad n\in \mathbb{Z} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]
L'ensemble des modules des \(\underline{c_n}\) constitue le spectre de \(f\) en amplitude, alors que l'ensemble des arguments des \(\underline{c_n}\) donne le spectre en phase. Pour un signal réel on a \(\underline{c_{-n}}=\underline{c_n}^\star\), soit \(|\underline{c_{-n}}|=|\underline{c_n}|\) et \(\arg(\underline{c_{-n}})=-\arg(\underline{c_n})\). Autrement dit, le spectre en amplitude est symétrique par rapport à l'axe \(n=0\), le spectre en phase anti-symétrique. Pour ces raisons, on se contente souvent de représenter les spectres pour les valeurs positives de \(n\).
Relation de Parseval
La puissance moyenne du signal \(f(t)\) est proportionnelle au carré de sa valeur efficace. Or, chaque harmonique transporte également une puissance proportionnelle à sa valeur efficace. La relation de Parseval exprime simplement le fait que la puissance du signal est égale à la somme des puissances transportées par les différents harmoniques, ce qui en terme de valeurs efficace se la relation
Théorème de Parseval
\begin{equation} \overline{f^2}\stackrel{\text{def}}= f^2_\text{rms}=a_0^2+\sum_{n=1}^\infty \frac{a_n^2+b_n^2}{2} \end{equation}
La relation (4) prend une forme particulièrement simple lorsque l'on fait intervenir les coefficients de Fourier complexes. En effet, sachant que \(c_{n>0}=\frac12 (a_n-ib_n)=c^\star_{n < 0}\) et \(c_0 = a_0\), on obtient
Théorème de Parseval en notation complexe
\[ \overline{f^2}=\sum_{n=-\infty}^\infty |c_n|^2 \]
Le développement de Fourier (2) peut aussi s'écrire : \[ f(t)=a_{0}+\sum_{n=1}^{\infty}A_{n}\cos(n\, 2\pi \nu\, t+\varphi_n) \quad\text{avec}\quad A_n^2=a_n^2+b_n^2 \quad\text{et}\quad n\in \mathbb{N} \] où \(A_n\) représente l'amplitude de l'harmonique de rang \(n\). Élevons au carré le signal : \[ \begin{array}{ccccc} f^2(t) &=&a_0^2&+&2a_0\sum_{n=1}^{\infty}A_{n}\cos(n\, 2\pi \nu\, t+\varphi_n)\\[1mm] &&&+&\sum_{n,m}A_nA_{m}\cos(n\, 2\pi \nu\, t+\varphi_n)\cos(m\, 2\pi \nu\, t+\varphi_m) \end{array} \] Calculons maintenant la moyenne de \(f^2(t)\) sur une période. Compte tenu des propriétés des fonctions trigonométriques, on obtient \[ \overline{f^2}=a_0^2+\sum_{n=1}^\infty \frac{A_n^2}{2}=a_0^2+\sum_{n=1}^\infty \frac{a_n^2+b_n^2}{2} \]
Exercice
On enregistre à l'oscilloscope une tension électrique \(u(t)\) dont on donne le spectre en amplitude. On envoie cette tension aux bornes d'un voltmètre en mode AC. Quelle valeur affiche-t-il sachant que sa résolution est de 10 mV ?
Rép. — Le voltmètre affiche 0,98 V.
Applications
Filtrage analogique
Considérons un système qui transforme un signal d'entrée \(e(t)\) en un signal de sortie \(s(t)\). On appelle filtre un tel système si :
- ses caractéristiques sont invariantes dans le temps;
- son comportement respecte le principe de superposition.
Un filtre est caractérisé par sa fonction de transfert \[ \underline{H}\stackrel{\text{def}}= \frac{\underline{s}(t)}{\underline{e}(t)} \] qui donne la réponse en régime sinusoïdal (on utilise la notation complexe : \(\underline{e}(t)=\underline{E}\,\mathrm{e}^{i\, 2\pi\nu t}\) et \(\underline{s}(t)=\underline{S}\,\mathrm{e}^{i\, 2\pi\nu t}\)).
En électronique, dans une chaîne d'analyse et de traitement du signal électrique, on rencontre couramment des filtres sous la forme de quadripôles, c'est-à-dire d'éléments possédant deux bornes d'entrée et deux bornes de sortie. Les grandeurs d'entrée et de sortie sont les tensions ou les courants. La fonction de transfert correspond en général à la réponse en tension en : \[ \underline{H}(\nu)\stackrel{\text{def}}= \left.\frac{\underline{u_s}(t)}{\underline{u_e}(t)}\right|_{\underline{i_s}=0} \] \(\underline{H}\) est une grandeur complexe qui varie avec la fréquence, ou la \(\omega=2\pi \nu\) selon les préférences.
Le module de la fonction de transfert renseigne sur le gain en amplitude \(G\) alors que l'argument donne le déphasage sortie/entrée \(\phi\) : \[ G\stackrel{\text{def}}= |\underline{H}|=\frac{S_\text{rms}}{E_\text{rms}} \quad\text{et}\quad \phi=\arg{\underline{H}} \]
Exemple : filtre RLC
Étudions le filtre formé par la mise en série d'un conducteur ohmique de résistance \(R\), d'un condensateur de capacité \(C\) et d'une bobine de self-inductance \(L\). Le signal d'entrée sera la tension aux bornes de l'ensemble et le signal de sortie la tension aux bornes du conducteur ohmique. Nous reconnaissons un diviseur de tension, de sorte qu'en régime sinusoïdal on peut \[ \underline{s}(t)=\frac{\underline{Z}_R}{\underline{Z}_R+\underline{Z}_C+\underline{Z}_L}\underline{e}(t) \quad\text{avec}\quad \underline{Z}_R=R \quad \underline{Z}_L=jL\omega \quad\text{et}\quad \underline{Z}_C=\frac{1}{jC\omega} \] On en déduit le la fonction de transfert de ce filtre \[ \underline{H}=\frac{\underline{s}(t)}{\underline{e}(t)}=\frac{1}{1+j\left(\frac{L\omega}{R}-\frac{1}{RC\omega}\right)} \quad\text{avec}\quad \omega=2\pi \nu \]
Souvent, le filtre présente un gain significatif pour un certain intervalle de fréquences alors qu'il est quasiment nul pour les autres fréquences. Le filtre élimine alors certains harmoniques du signal. Suivant l'allure du gain avec la fréquence on distingue différents types de filtre :
- Le filtre passe-bas laisse passer les basses fréquences et coupe les hautes fréquences ;
- Le filtre passe-haut laisse passer les hautes fréquences et coupe les basses fréquences ;
- Le filtre passe-bande laisse passer les harmoniques situés dans une certaine bande de fréquences ;
- Le filtre réjecteur de bande coupe les harmoniques dans une certaine bande de fréquences.
Lorsque l'on injecte en entrée d'un filtre un signal périodique, chaque harmonique de rang \(n\) est atténué d'une quantité \(G_n=G(n\nu)\) et déphasée de \(\phi_n=\phi(n\nu)\). En vertu du principe de superposition, on reconstitue le signal de sortie en sommant chaque harmonique une fois transformé par le filtre. Formellement, si \(a_n\) et \(b_n\) sont les coefficients de Fourier du signal d'entrée, alors le signal de sortie s'écrit \[ s(t)=G_0a_0+\sum_{n=1}^\infty G_n\,a_n\cos\left[n\,2\pi\nu\, t+\phi_n\right]+ \sum_{n=1}^\infty G_n\,b_n\sin\left[n\,2\pi\nu\, t+\phi_n\right] \]
Pour illustrer notre propos considérons le filtre RLC de l'exemple précédent dont la réponse en tension vaut \[ G=\frac{1}{\sqrt{1+\left(\frac{L\omega}{R}-\frac{1}{RC\omega}\right)^2}} \quad\text{avec}\quad\omega=2\pi \nu \] La Fig. 11 montre qu'il s'agit d'un filtre passe bande. La valeur des composants permet de régler la position et la largeur de la bande passante puisque l'on a \[ \nu_0=\frac{1}{2\pi\sqrt{LC}}\quad\text{et}\quad \Delta \nu=\frac{R}{2\pi L} \]
Ce type de filtre peut servir à sélectionner l'harmonique d'un signal. Par exemple, imaginons que l'on injecte en entrée un signal en forme de rampe de fréquence 100 Hz. Réglons les composants de façon à centrer la bande passante sur 200 Hz avec une largeur \(\Delta \nu=4\,\mathrm{Hz}\). Le filtre est alors très sélectif : il élimine toutes les harmoniques sauf l'harmonique de rang \(n=2\). On peut constater sur la Fig. 12 qu'il s'agit d'un sinus déphasé de \(\pi\) : autrement dit, \(a_2=0\) et \(b_2<0\).
Physique de la corde vibrante
Considérons une corde que l'on tend entre deux points fixes A et B. Lorsque l'on pince ou frappe cette corde, celle-ci se met à vibrer en entretenant certaines ondes stationnaires.
On montre que le déplacement de la \(y(x,t)\) obéit à l'équation d'onde \[ \frac{\partial^{2}y}{\partial x^{2}}(x,t)-\frac{1}{c^{2}}\frac{\partial^{2}y}{\partial t^{2}}(x,t)=0 \] où \(c\) est la des ondes transversales qui peuvent se propager. On sait que les solutions s'écrivent comme combinaison de deux ondes progressives :
Les points A et B imposent des conditions aux limites puisque les deux extrémités de la corde sont fixes. Nous avons \[ \begin{cases} y(0,t)=0& \to \psi_{1}(t)+\psi_{2}(t)=0\quad \forall t\\ y(L,t)=0& \to \psi_{1}\left(t-\frac{L}{c}\right)+\Psi_{2}\left(t+\frac{L}{c}\right)=0\quad \forall t\\ \end{cases} \] La première condition impose \(\psi_{1}=-\psi_{2}\) et la deuxième relation devient \[ \psi_{1}\left(t-\frac{L}{c}\right)=\psi_{1}\left(t+\frac{L}{c}\right)\quad \forall t \] Autrement dit, \(\psi_{1}\) est une fonction périodique de période \(T=2L/c\) et donc de fréquence \(\nu_0=c/2L\). Ainsi, d'après le théorème de Fourier, \(\psi_1\) peut se décomposer en série de Fourier comme suit : \[ \psi_1(t)=\sum_{n=1}^\infty a_n\cos(2\pi n\nu_0\,t)+b_n\sin(2\pi n\nu_0\,t) \] En injectant cette relation dans (5), on obtient \[ y(x,t)=\sum_{n=1}^\infty \left[\alpha_n\cos(2\pi n\nu_0 t)+\beta_n\sin(2\pi n\nu_0t)\right]\times \sin\left(\frac{n\pi x}{L}\right) \] L'onde est stationnaire et la vibration est constituée d'harmoniques de fréquences \[ \nu_n=n\nu_0=n\frac{c}{2L} \]
Par ailleurs, la forme initiale de la corde impose une autre contrainte qui permet d'avoir accès aux coefficients de Fourier \(\alpha_{n}\) et \(\beta_{n}\). En effet, supposons que l'on déforme la corde à \(t=0\), puis qu'on la lâche sans imprimer de vitesse initiale. Si l'on note \(y_0(x)\) la forme initiale de la corde, les conditions aux imites temporelles s'écrivent \[ \begin{cases} y(x,0)=y_0(x)=&\displaystyle \sum_{n=1}^\infty \alpha_n\sin\left(\frac{n\pi x}{L}\right)\\ \dot y(x,0)=0&\displaystyle \sum_{n=1}^\infty (2\pi n\nu_0 \,\beta_n)\sin\left(\frac{n\pi x}{L}\right) \end{cases} \] La deuxième relation implique \(\beta_n=0\). La première relation permet d'interpréter \(y_0(x)\) comme une série de Fourier d'un signal périodique de \(T_x=2L\). Les relations (3) permettent d'obtenir les coefficients \(\alpha_n\) : \[ \alpha_n=\frac{2}{L}\int_0^L y_0(x)\sin\left(\frac{n\pi x}{L}\right)\, \mathrm{d}x \]
Par exemple, si l'on pince une corde de guitare en son milieu de façon a ce que la corde adopte un profil triangulaire, puis qu'on lâche la corde, on trouve \[ \alpha_n=0 \text{ si n pair}\quad\text{et}\quad a_n\propto \frac{1}{n^2}\text{ si n impair} \] Autrement dit, la vibration ne contient aucun harmonique pair. Le deuxième harmonique est 9 fois plus faible que la fondamentale etc. Comme tout guitariste le sait, le timbre du son émis dépend —entre autres— de l'endroit où l'on pince la corde.
Conclusion
Nous aurions pu illustrer l'exemple historique de l'équation de la chaleur ou encore de nombreux problèmes ondulatoires telle la propagation des phonons dans un cristal ou l'équation de Schrödinger en mécanique quantique, etc. Ce vaste champ d'application est sans aucun doute la raison du succès de ce couteau suisse
qu'est l'analyse de Fourier. Et l'histoire ne s'arrête pas là, comme nous allons le voir au chapitre suivant.
Pour en savoir plus...
- L'analyse de Fourier en physique2015. Disponible sur fermedesetoiles.fr
- Mathématiques pour la Physique2010. Disponible sur hal.archives-ouvertes.fr
- Physics of Light and Optics2015. Disponible sur optics.byu.edu
- Électromagnétisme, Volume 2Paris : Technique et documentation, Lavoisier, 1985.
- A propos de sons périodiques sans fondamental BUP№767, 1994.
- L'analyse de Fourier Pour la science №142, p.74-80, 1989.