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MENUCours de Mécanique classique

Comme nous l'avons vu, un pendule simple de masse \(m\) et de longueur \(\ell\), à qui l'on donne une énergie modérée (\(\Delta \mathcal{E}_\text{m}\ll mg\ell\)), oscille autour de sa position d'équilibre \(\theta_\text{eq}=0\). La période des oscillations \[ T_{0}=2\pi\sqrt{\frac{\ell}{g}} \] est indépendante de l'amplitude des oscillations dans le cadre de l'approximation harmonique, c'est-à-dire pour les petits angles.
L'objet de ce complément est d'étudier un des effets anharmoniques du pendule simple, à savoir la dépendance de la période \(T\) des oscillations avec leur amplitude \(\theta_\text{max}\). Nous présentons notamment une formule basée sur la moyenne arithmético-géométrique très efficace, et pourtant assez peu connue.

Mise en équation

Le pendule et son profil énergétique
Le pendule et son profil énergétique

Considérons un pendule formé par une masse ponctuelle \(m\) attaché à une tige rigide de longueur \(\ell\) et de masse négligeable. La conservation de l'énergie mécanique se traduit par \[ \frac{1}{2}m\ell^{2}\dot{\theta}^{2}-mg\ell\cos\theta=-mg\ell\cos\theta_\text{max} \] d'où l'on tire l'équation différentielle d'ordre un : \[ \dot{\theta}=\pm\omega_{0} \sqrt{2\left(\cos\theta-\cos\theta_\text{max}\right)} \quad\text{avec}\quad \omega_{0}=\sqrt{\frac{g}{\ell}} \] Séparons les variables puis intégrons entre \(\theta=0\) et \(\theta_\text{max}\) (\(\dot\theta>0\)) : \[ \int_{0}^{\theta_\text{max}}\frac{\mathrm{d}\theta}{\sqrt{2\left(\cos\theta-\cos\theta_\text{max}\right)}}=\int_{0}^{T/4}\omega_{0}\,\mathrm{d}t \] Faisons intervenir la période aux petits angles \(T_0\). Sachant que \(\omega_{0}T_0=2\pi\), on trouve \[ T=\frac{2T_{0}}{\pi}\int_{0}^{\theta_\text{max}}\frac{\mathrm{d} \theta}{\sqrt{2\left(\cos\theta-\cos\theta_\text{max}\right)}} \] Enfin, il est judicieux de procéder au changement de variable suivant : \(\sin\phi=\dfrac{\sin(\theta/2)}{\sin(\theta_\text{max}/2)}\). On obtient alors

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle T=T_{0}\,\mathcal{E}\left(\sin \frac{\theta_\text{max}}{2}\right) \quad\text{avec}\quad \mathcal{E}(x)=\frac{2}{\pi}\int_{0}^{\pi/2}\frac{\mathrm{d} \phi}{\sqrt{1-x^{2}\sin^{2}\phi}} \)\quad} \end{equation}

où \(\mathcal{E}(x)\) désigne l'intégrale elliptique de première espèce. Cette intégrale présente l'inconvénient de ne pas s'exprimer en termes de fonctions simples.

Formule de Borda

On remarque que \(\mathcal{E}(x)\to 1\) lorsque \(x\to 0\) de sorte que l'on retrouve la limite harmonique, à savoir \(T\to T_{0}\) quand \(\theta_\text{max}\to 0\). On peut aller au delà de l'approximation harmonique en faisant un développement de \(\mathcal{E}(x)\) au voisinage de \(x=0\). Écrivons \[ \frac{1}{\sqrt{1-x^{2}\sin^{2}\phi}}=1+\frac{\sin^{2}\phi}{2}x^{2}+\mathcal{O}(x^{4}\sin^{4}\phi) \] Ainsi, on peut approcher l'intégrale elliptique pour les petits \(x\) par \[ \mathcal{E}(x)= \frac{2}{\pi}\int_{0}^{\pi/2}\left(1+\frac{\sin^{2}\phi}{2}x^{2}+\mathcal{O}(x^{4}\sin^{4}\phi)\right) \mathrm{d} \phi =1+\frac{1}{4}x^{2}+\mathcal{O}(x^{4}) \] ce qui donne pour la période d'oscillation du pendule \[ T=T_{0}\left(1+\frac{1}{4}\sin^{2}\frac{\theta_\text{max}}{2}+\mathcal{O}(\sin^{4}\frac{\theta_\text{max}}{2})\right) \] Finalement, si l'on néglige les termes d'ordre 4, on a \(\sin^2(\theta_\text{max}/2) \simeq \theta^2_\text{max}/2\) et l'on obtient l'approximation de Borda

Formule de Borda

\[ T \underset{\theta_\text{max}\to 0}{\simeq} T_{0}\left(1+\frac{\theta_\text{max}^{2}}{16}\right) \]

La dépendance de la période avec l'amplitude des oscillations est donc quadratique. On met ainsi en évidence un effet anharmonique dû au profil non parabolique du puits de potentiel dans lequel est piégé le pendule. Toutefois, la formule de Borda produit une erreur supérieure à 1% dès que l'on dépasse 74°.

Il existe - et c'est moins connue - une formule approximative reposant sur la moyenne arithmético-géométrique, qui surpasse, et de loin, les performances de la plupart des autres formules que l'on trouve dans la littérature[1].

Utilisation de la moyenne arithmético-géométrique

Il existe plusieurs méthodes numériques pour approcher la fonction elliptique. Par exemple, dans l'esprit de la démarche précédente il est possible de développer \(\mathcal{E}(x)\) en série et d'en obtenir une approximation en procédant à une troncature de la série à partir d'un certain rang. On peut aussi utiliser une méthode numérique de calcul d'intégrale qui se ramène à un calcul d'aire. Nous proposons ici une méthode numérique très simple et d'une grande précision qui repose sur le fait que la fonction elliptique est liée à la limite commune de deux suites qui convergent extrêmement rapidement.

Moyenne arithmético-géométrique

Considérons les suites réelles \((a_{n})\) et \((b_{n})\) définies par les relations \[ \left\{\begin{array}{ccc} a_{n} &=&\frac{1}{2}\left(a_{n-1}+b_{n-1}\right) \\[3mm] b_{n} &=&\sqrt{a_{n-1}b_{n-1}} \end{array}\right. \quad\textrm{avec}\quad \left\{\begin{array}{ccc} a_{0} &=& a>0 \\[3mm] b_{0} &=& b< a \end{array}\right. \] Ces suites, comme on le constate sur le tableau-1, convergent très vers une limite \(\ell_{a,b}\) dite moyenne arithmético-géométrique.

Moyenne arithmético-géométrique pour \(a=1\) et \(b=0.5\)
 Moyennes 
ItérationArithmétique (\(a_{n}\))Géométrique (\(b_{n}\))\(|a_{n}-b_{n}|\)
\(n=1\)0,750,70710678\(\simeq5.10^{-2}\)
\(n=2\)0,728553390,72823765\(\simeq 3.10^{-4}\)
\(n=3\)0,728395550,72839550\(\simeq 5.10^{-8}\)

Considérons maintenant l'intégrale suivante : \[ \mathcal{I}(a,b)=\frac{2}{\pi}\int_{0}^{\pi/2}\frac{\mathrm{d} \phi}{\sqrt{a^{2}\cos^{2}\phi+b^{2}\sin^{2}\phi}} \] Il est possible de montrer, après quelques changements de variables[2], que \(\mathcal{I}(a,b)\) est invariante par la transformation \(a\mapsto (a+b)/2\) et \(b\mapsto \sqrt{ab}\). Par conséquent, \[ \mathcal{I}(a,b)=\mathcal{I}(a_{1},b_{1})=\ldots=\mathcal{I}(a_{n},b_{n})=\ldots=\mathcal{I}(\ell_{a,b},\ell_{a,b}) \] cette dernière intégrale se calculant sans difficulté : \[ \mathcal{I}(a,b)= \mathcal{I}(\ell_{a,b},\ell_{a,b})=\frac{2}{\pi}\int_{0}^{\pi/2}\frac{\mathrm{d} \phi}{\ell_{a,b}}=\frac{1}{\ell_{a,b}} \] De plus, si l'on pose \(a=1\) et \(b=\sqrt{1-x^{2}}\), on obtient \[ \mathcal{I}(1,\sqrt{1-x^{2}})=\mathcal{E}(x) \quad\text{car}\quad \cos^{2}\phi+(1-x^{2})\sin^{2}\phi=1-x^{2}\sin^{2}\phi \] Finalement, la fonction elliptique vaut

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \mathcal{E}(x)=\dfrac{1}{\ell_{1,\sqrt{1-x^2}}} \)\quad} \end{equation}

où \(\ell_{1,\sqrt{1-x^2}}\) est la limite de la suite arithmético-géométrique avec \(a=1\) et \(b=\sqrt{1-x^2}\).

Algorithme de calcul de \(T\)

En utilisant les relations (2) et (1), la période du pendule simple s'exprime simplement en fonction de la moyenne arithmético-géométrique \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle T=\dfrac{T_{0}}{\ell_{1,\cos(\theta_\text{max}/2)}} \)\quad} \] Dès lors, il est extrêmement aisée de calculer numériquement \(T\) de manière très précise à l'aide d'une méthode numérique qui tient en quelques lignes. Nous proposons l'algorithme suivant

Algorithme de calcul de \(T(\theta_\text{max})\)

Approximations basées sur la moyenne arithmético-géométrique

En prime, cette convergence extrêmement rapide nous donne la possibilité d'obtenir une expression analytique approchée de \(T\) ceci pour une grande gamme de valeurs de \(\theta_\text{max}\) et avec précision tout a fait suffisante pour des mesures effectuées dans le cadre de l'enseignement. Si on approche \(\ell(a,b)\) par \(a_{n}\), on obtient l'approximation \[ T\simeq \frac{T_0}{a_n} \quad\text{[formule MAG-n]} \]

Evolution de la période du pendule en fonction de l'amplitude
Evolution de la période \(T\) du pendule simple en fonction de l'amplitude d'oscillation \(\theta_\text{max}\). On compare le calcul ``exact'' avec les approximations de Borda et de la moyenne arithmético-géométrique au rang 2.

En pratique, la formule MAG-2 correspondant à \(n=2\) itérations sera tout a fait suffisante comme on peut le constater sur le tableau-1. C'est pourquoi, nous adoptons l'approximation suivante :

\begin{equation} \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle T\simeq\dfrac{T_0}{a_2}=\dfrac{4T_0}{\left(1+\sqrt{\cos\theta_\text{max}/2}\right)^2} \)\quad} \end{equation}

On retrouve, comme attendu, \(T\to T_{0}\) quand \(\theta_\text{max}\to 0\) et le développement au voisinage de \(\theta_\text{max}=0\) à l'ordre deux redonne la formule de Borda. Par contre, quand \(\theta_\text{max}\to \pi\), elle donne \(T\to 4T_{0}\) au lieu de \(T\to \infty\). La figure ci-dessus démontre, de façon visuelle, la supériorité de la formule (3) devant celle de Borda. La figure ci-dessous montre que l'erreur commise par la formule (3) est inférieure à \(10^{-5}\) entre 0 et 90°.

Evolution de l'erreur relative commise par les formules approximatives en fonction de l'amplitude d'oscillation
Evolution de l'erreur relative \(\Delta T/T_{0}\) commise par les formules approximatives en fonction de l'amplitude d'oscillation \(\theta_\text{max}\).

Pour en savoir plus...

  1. C. Carvalhaes et al. Approximations for the period of the simple pendulum based on the arithmetic-geometric mean American Journal of Physicsvol. 76, №12, p.1150-1154, 2008.
  2. J. Roussel Intégrales elliptiques complètes[en ligne], 2022. Disponible sur femto-physique.fr