Ce chapitre est consacré à l'étude des miroirs et plus particulièrement les miroirs sphériques. On montre comment ces systèmes permettent la formation des images.
GÉNÉRALITÉS SUR LES SYSTÈMES OPTIQUES
Stigmatisme
Sources de lumière — On distingue usuellement les sources primaires qui sont des sources autonomes de lumière (comme par exemple le Soleil, une lampe, une flamme etc.) des sources secondaires qui renvoient la lumière par réflexion, diffraction ou diffusion (comme par exemple la Lune, la plupart des objets de notre environnement, etc.). L'optique géométrique s'intéressant au trajet de la lumière, la nature de la source n'a pas d'importance.
Une source de lumière peut se décomposer en une infinité de sources ponctuelles émettant des rayons lumineux, a priori, dans toutes les directions de l'espace. La figure ci-dessous illustre quelques types de faisceaux issus d'un point source.
Système optique centré — On appelle système optique centré tout système constitué d'éléments transparents (dioptres) ou réfléchissants (miroirs) et possédant un axe de symétrie de révolution appelé axe optique. Ce système transforme un rayon lumineux incident en un rayon émergeant dans une direction, a priori différente de la direction incidente. Si le rayon émergeant ressort par la face d'entrée, on parle de système catadioptrique, sinon on parle de système dioptrique.
Par la suite, tous les systèmes optiques seront considérés centrés.
Stigmatisme — Considérons un point source A envoyant des rayons lumineux sur un système optique. On dira que A est un objet ponctuel réel. Le système est stigmatique si les rayons émergeant ou leurs prolongements se coupent tous en un même point.
Deux cas de figure se présentent :
- Les rayons émergeant convergent en un point A’. Ce point lumineux peut être enregistré sur une plaque photosensible sans nécessiter de système optique annexe. On dit qu’il s’agit d’une image réelle.
- Les rayons émergeant semblent provenir d’un point A’ (leurs prolongements se coupent en A’). Dans ce cas, on ne peut pas capturer A’ sur une plaque photosensible mais on peut le voir à l’œil nu : en effet, pour l’œil, tout se passe comme s’il y avait un point lumineux en A’ de sorte que s’il fait la mise au point en A’, un point lumineux sera produit sur la rétine. on dit que A’ est une image virtuelle.
Focalisons maintenant un faisceau sur un système optique de telle sorte que le point de convergence A des rayons se trouve dans ou derrière le système. Dans ce cas on dit que A est un objet virtuel. Là encore, si les rayons émergeant ou leurs prolongements se coupent tous en un même point A’, on dira que le système est stigmatique.
Relation de conjugaison — Lorsqu’un système donne d’un point objet A une image A’, on dit qu’il conjugue A et A’ ou que A’ est le conjugué de A. La relation de conjugaison est la relation mathématique qui relie la position de A avec celle de A’ :
\[
f(\text{A,A'})=0
\]
Pour schématiser le fait qu’un système optique (SO) conjugue un objet A et une image A’ on écrit
\[
\text{A} \xrightarrow{\text{(SO)}} \text{A'}
\]
Grandissement longitudinal — Considérons un segment lumineux AB sur l'axe optique. L'image est nécessairement un segment A'B' sur l'axe optique puisque la symétrie de révolution oblige tout rayon incident confondu avec l'axe optique à sortir en restant sur l'axe optique. On définit alors le grandissement longitudinal \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \gamma_{\ell}\stackrel{\text{def}}=\frac{\overline{\text{A'B'}}}{\overline{\text{AB}}} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]
Aplanétisme
Un système optique est le plus souvent destiné à donner d'un objet étendu une image la plus nette possible que l'on peut recueillir sur un capteur généralement plan et perpendiculaire à l'axe optique. Aussi, il est souhaitable que l'image d'un objet plan soit également plane.
Aplanétisme
Un système optique est aplanétique s'il donne de tout objet lumineux situé dans un plan perpendiculaire à l'axe optique une image plane également perpendiculaire à l'axe optique.
Le système optique présentant un axe de révolution, on peut étudier le système dans un plan contenant l'axe optique. Dans ce cas il suffit que l'image d'un segment droit soit un segment droit pour parler d'aplanétisme. Cependant le segment image n'a pas nécessairement la même taille que le segment objet. On définit alors le grandissement transversal \(\gamma_\text{t}\): \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \gamma_\text{t}\stackrel{\text{def}}=\frac{\overline{\text{A'B'}}}{\overline{\text{AB}}} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]
- Si \(\gamma_\text{t}>1\), l'image est droite et agrandie.
- Si \(0<\gamma_\text{t}<1\), l'image est droite et rétrécie.
- Si \(-1<\gamma_\text{t}<0\), l'image est renversée et rétrécie.
- Enfin, si \(\gamma_\text{t}<-1\), l'image est renversée et agrandie.
Remarque
La définition des grandissements fait intervenir des mesures algébriques ce qui suppose d'orienter les axes. Les résultats ne dépendent pas du choix de cette orientation mais il est d'usage d'orienter l'axe horizontal de gauche à droite (comme le sens de la lumière) et l'axe vertical de bas en haut.
Exemples
Le miroir plan est une surface plane dont le pouvoir de réflexion est proche de 1. C’est le seul type de miroir qui soit rigoureusement stigmatique et aplanétique, comme nous allons le voir.
Considérons un point source A envoyant des rayons lumineux sur un miroir plan. Une simple construction des rayons réfléchis montre que tous les rayons émergeant semblent provenir d'un point A', image virtuelle de A. De la même manière, si l'on inverse le sens de la lumière, on constate que l'image d'un objet virtuel placé en A' est une image réelle placée en A. En résumé nous avons \[ \begin{array}{ccc} \text{Objet réel} & \xrightarrow{\text{Miroir plan}}& \text{Image virtuelle}\\ \text{Objet virtuel} & \xrightarrow{\text{Miroir plan}} & \text{Image réelle}\end{array} \] On voit sur ces deux exemples que le miroir est un système qui donne d’un point objet lumineux un point image que l’on peut, soit capturer directement sur un écran (image réelle), soit capturer à l’aide d’un système optique (œil, appareil photo, etc.). Le miroir plan est donc rigoureusement stigmatique. La relation de conjugaison qui lie la position de l’objet A à celle de l’image associée A’ s’écrit \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \overline{\text{AH}}=\overline{\text{HA'}} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \] où H est le projeté orthogonal de A sur le miroir : L’image de A est le symétrique orthogonal de A.
La projection orthogonale étant une isométrie, l’image que donne un miroir plan conserve ses dimensions. Il n’y a donc aucune déformation. Plus précisément, pour un objet AB perpendiculaire à l’axe optique, on a \[\gamma_{\rm t}=\frac{\overline{\text{A'B'}}}{\overline{\text{AB}}}=1\] et pour un objet AB sur l’axe optique, \[\gamma_{\ell}=\frac{\overline{\text{A'B'}}}{\overline{\text{AB}}}=-1\]
Dans le cas du miroir, on a \(\gamma_{\rm \ell} = − 1\) ce qui traduit l’inversion gauche-droite.
Mis à part le miroir plan, il n’existe pas de système optique rigoureusement stigmatique pour tout point. Par contre il est possible de trouver la forme que doit avoir un système optique pour conjuguer deux points particuliers. Par exemple, le miroir parabolique est rigoureusement stigmatique pour le couple (\(\infty\),F) : l’image d’un point à l’infini sur l’axe de révolution est le foyer de la surface parabolique. De même, l’ellipse conjugue parfaitement ses deux foyers.
LE MIROIR SPHÉRIQUE DANS L’APPROXIMATION DE GAUSS
Description
Un miroir sphérique est une calotte sphérique de centre C et de sommet S rendue réfléchissante. L’axe de symétrie est l’axe optique du miroir. Cet axe est habituellement orienté de la gauche vers la droite car la lumière arrive de la gauche (par convention). On distingue deux types de miroirs sphériques :
- le miroir concave est un miroir sphérique tel que \(\overline{\text{SC}}<0\)
- le miroir convexe est un miroir sphérique tel que \(\overline{\text{SC}}>0\)
Une simulation du trajet des rayons provenant d’un point A situé à l’infini sur l’axe montre que les rayons réfléchis ne se coupent pas en un seul point : il n’ y a pas stigmatisme rigoureux ! En revanche, si l’on se limite aux rayons proches de l’axe optique et de faible inclinaison par rapport à celui-ci (ces rayons sont dit paraxiaux), les rayons se coupent quasiment tous en un même point image : il y a stigmatisme approché. Cela constitue l’approximation de Gauss.
De la même manière, on montre que si l’on se limite aux rayons paraxiaux, l’image d’un segment droit est aussi un segment droit. Ainsi, le miroir sphérique présente un aplanétisme approché.
Approximation de Gauss
Si les rayons sont peu inclinés de l'axe optique et peu écartés, on se trouve alors dans le cadre des conditions de Gauss. Dans ces conditions, on admettra que le miroir sphérique est aplanétique et stigmatique : L'image d'un segment droit est un segment droit.
Remarque
Le miroir sphérique n'est rigoureusement stigmatique que pour un point lumineux situé en C (objet réel dans le cas du miroir concave et virtuel dans le cas convexe). En effet, tout rayon issu de C est réfléchi en rebroussant chemin de telle sorte que l'image de C est lui-même.
Notion de foyers
Deux points jouent un rôle particulier dans tout système optique centré : le foyer objet F et foyer image F'.
Définitions
- Foyer image
- L'image d'un point à l'infini sur l'axe est le foyer image F'. La distance focale image \(f'\) est la mesure algébrique \(\overline{\text{SF'}}\).
- Foyer objet
- Un point à l'infini sur l'axe est l'image du foyer objet F. La distance focale objet \(f\) est la mesure algébrique \(\overline{\text{SF}}\).
Dans le cas des miroirs sphériques, le principe du retour inverse de la lumière implique \[\text{F}=\text{F'}\] La position des foyers s’obtient grâce aux relations de Descartes. Dans les conditions de Gauss, on montre (cf démonstration ci-dessous) que le foyer est le milieu de [CS] : \[ \overline{\text{SF'}}=\overline{\text{SF}}=\frac{\overline{\text{SC}}}{2}=f=f' \]
Un rayon parallèle à l'axe optique coupe l'axe optique suite à la réflexion en I. Les lois de la réflexion permettent de montrer que le triangle CF'I est isocèle et donc que : \[\cos\alpha=\frac{R/2}{\text{CF'}}=\sqrt{1-\sin^{2}\alpha}\] de plus, si l'on note \(y\) la distance entre le rayon incident et l'axe optique, on a \[\sin\alpha=\frac{y}{R}\] Ainsi, on a \[\text{CF'}=\frac{R}{2\sqrt{1-\left(\frac{y}{R}\right)^{2}}}\] Cette formule montre que la position du foyer dépend de la position du rayon par rapport à l'axe optique : ainsi le miroir sphérique n'est pas rigoureusement stigmatique. Par contre, dans l'approximation de Gauss, c'est-à-dire pour \(y\ll R\) on obtient à l'ordre 1 en \(y/R\) : \[ \text{CF'}=\frac{R}{2}\left[1+{\cal{O}}(y^2/R^2)\right] \] F' est donc le milieux de [CS].
Construction des rayons lumineux
Pour construire les images d’un objet étendu on obéira à ces quelques principes :
- On se placera dans l’approximation de Gauss : il y a donc stigmatisme approché et aplanétisme approché. Pour trouver l’image d’un point il suffit de considérer deux rayons issus de ce point ; tous les autres issus du même point passeront nécessairement par le point image. De plus, l’image d’un point sur l’axe optique étant sur l’axe optique, pour trouver l’image d’un objet droit vertical AB (A est sur l’axe optique et B est l’extrémité de l’objet) il suffit de trouver B’ l’image de B ; on sait alors que l’image est A’B’ où A’ est le projeté orthogonal de B’ sur l ’axe optique.
- Avant toute chose il faut placer l’objet.
Si l’objet AB est réel, il est forcément à gauche du miroir (là où la lumière peut se propager) et les rayons sont issus de chaque point de l’objet.
Si l’objet est virtuel, il se situe à droite du miroir et les rayons “objets” se dirigent vers l’objet mais sont réfléchis avant d’atteindre l’objet. - Pour trouver l’image d’un point il faut choisir des rayons dont on connait le comportement.
- Un rayon horizontal arrivant sur un miroir sphérique convergera en F’ s’il est concave et divergera en semblant provenir de F’ si le miroir est convexe.
- Un rayon passant par C (cas concave) ou dont le prolongement passe par C (cas convexe) rebrousse chemin.
- Un rayon arrivant en S est réfléchi de façon symétrique par rapport à l’axe optique.
- Une fois les rayons tracés on détermine si l’image est réelle ou virtuelle. Si les rayons issus de B se coupent effectivement en B’, alors B’ est une image réelle. On pourra la capturer sur un écran. Si les rayons issus de B divergent après réflexion en semblant provenir de B’, alors B’ sera une image virtuelle visible à l’œil nu mais que l’on ne pourra pas capturer sur un écran.
Formule de conjugaison
La formule de conjugaison est la relation qui relie la position objet A avec la position de l'image A'. On l'obtient rigoureusement à l'aide des lois de Descartes, mais on peut l'obtenir à l'aide de considérations géométriques (les notions de foyers objet et image étant admises). Pour cela nous allons calculer le grandissement transversal de deux manières différentes.
Aidons nous de la formation d'une image réelle par un miroir concave ; les résultats se généraliseront à toutes les situations et pour tous les miroirs sphériques. Les formules de Thales permettent d'exprimer différemment le grandissement \(\overline{\text{A'B'}}/\overline{\text{AB}}\) (cf. Fig.12) :
\begin{align} \gamma_\text{t} &=\frac{\overline{\text{FA'}}}{\overline{\text{FS}}}\quad \text{(triangles A'B'F et FHS)}\notag\\ \gamma_\text{t} &=\frac{\overline{\text{FS}}}{\overline{\text{FA}}}\quad \text{(triangles SH'F et FBA)}\notag\\ \gamma_\text{t} &=-\frac{\overline{\text{SA'}}}{\overline{\text{SA}}}\quad \text{(triangles SA'H'' et SAB)}\notag \end{align}Posons \(f'=\overline{\text{SF'}}\) et \(f=\overline{\text{SF}}\) ; bien sûr ici \(f=f'\). Les deux premières formules du grandissement permettent d'obtenir deux lois équivalentes :
Relations de conjugaison
- Loi de Newton (relation avec origine aux foyers) : \[\overline{\text{F'A'}}\times\overline{\text{FA}}=ff'\]
- En développant \(\overline{\text{FA}}=\overline{\text{FS}}+\overline{\text{SA}}\) et \(\overline{\text{F'A'}}=\overline{\text{F'S}}+\overline{\text{SA'}}\), puis en divisant par \(f\,\overline{\text{SA}}\,\overline{\text{SA'}}\) on obtient la relation avec origine au sommet : \[ \frac{1}{\overline{\text{SA}}}+\frac{1}{\overline{\text{SA'}}}=\frac{2}{\overline{\text{SC}}}=\frac{1}{f}=\frac{1}{f'} \]
Exemple
On dispose d'un petit miroir de poche concave de rayon de courbure \(R=2\,\mathrm{m}\). Calculons la position de notre reflet et le facteur d'agrandissement si notre visage est à 20 cm du miroir.
Le miroir étant concave on a \(\overline{\text{SC}}=-R\). Trouvons la position de l'image A' d'un objet réel situé à 20 cm : \[ \frac{1}{\overline{\text{SA}}}+\frac{1}{\overline{\text{SA'}}}=-\frac{2}{R} \quad\text{soit}\quad \overline{\text{SA'}}=\left(\frac{-2}{R}-\frac{1}{\overline{\text{SA}}}\right)^{-1} \] Avec \(\overline{\text{SA}}=-20\,\mathrm{cm}\) cela donne \(\overline{\text{SA'}}=25\,\mathrm{cm}\). L'image est donc virtuelle. Le grandissement vaut \[ \gamma_\text{t}=-\frac{\overline{\text{SA'}}}{\overline{\text{SA}}}=1{,}25 \] L'image est donc agrandie de 25% et à l'endroit.
Pour en savoir plus...
- Aberrations géométriques d'un miroir[en ligne], 2019. Disponible sur femto-physique.fr