L'expérience des trous d'Young nous a permis d'illustrer le phénomène d'interférence à deux ondes. Il existe également des dispositifs interférentiels reposants sur des interférences multiples. Ce cours illustre ce phénomène à travers l'étude du réseau de diffraction et de la cavité Fabry-Pérot.
Généralités
Superposition de N ondes en phase
Supposons qu'en un point M de l'espace, se superposent \(N\) ondes harmoniques de pulsation \(\omega\), de phase \(\varphi_{i}\) et d'amplitude \(A_{i}\) avec \(i=\{1\ldots N\}\). L'état ondulatoire en M s'écrit \[ \psi(\text{M},t)=\sum_{i=1}^NA_{i}\cos(\omega t+\varphi_{i}) \] Admettons de plus que toutes les ondes oscillent en phase, c'est-à-dire que \(\varphi_i=\varphi\) pour tout \(i\). Dans ce cas, on trouve simplement \[ \psi(\text{M},t)=\cos(\omega t+\varphi)\,\sum_{i=1}^{N}A_{i} \] L'intensité du rayonnement correspondante vaut \[ I(\text{M})=\langle \psi^2(\text{M},t)\rangle=\frac12 \left(\sum_{i=1}^{N}A_{i}\right)^2 > \frac12 \sum_{i=1}^{N}{A_{i}}^2 \] Comme on le voit, l'intensité dépasse la somme des intensités. En terme de phaseurs, on peut représenter cette superposition par la mise, bout à bout, de \(N\) vecteurs de Fresnel alignés. L'intensité étant proportionnelle à la longueur quadratique du vecteur résultant \(\overrightarrow{\text{OP}}\), il est facile de se convaincre que l'intensité est maximale dans le cas ou toutes les ondes oscillent en phase: on est face à un phénomène d'interférence constructive.
Le calcul se simplifie grandement lorsque toutes les ondes présentent la même amplitude \(A_i=A\), puisqu'on obtient
N ondes en phase
\[ \psi(\text{M},t)=N\,A\,\cos(\omega t+\varphi) \quad\text{et}\quad I=N^2I_0 \]
Superposition de N ondes incohérentes
Considérons maintenant le cas où les ondes sont issues de \(N\) sources indépendantes quasi monochromatiques. Pour simplifier, admettons que toutes les ondes oscillent avec la même amplitude (\(I_0=A^2/2\)). La phase \(\varphi_i\) de chaque onde varie de façon aléatoire avec un temps caractéristique très court devant le temps de réponse du détecteur. Par ailleurs, les sources étant indépendantes, il n'y a aucune corrélation entre les phases. Si l'on décrit l'onde résultante par la construction géométrique de Fresnel, on obtient une marche aléatoire. En effet, le vecteur résultant peut être vu comme le déplacement d'un point ayant fait \(N\) pas d'amplitude \(A\) dans des directions aléatoires. L'intensité est alors reliée à la distance quadratique moyenne d'une marche aléatoire de \(N\) pas :
Un des résultats de la mécanique statistique[1] stipule que la distance quadratique moyenne bout-à-bout vaut \(\langle\text{OP}^{2}\rangle=N\,A^{2}\) où \(A\) est la longueur de chaque phaseur. Il en découle le résultat \[ I= \frac12 \langle\text{OP}^2\rangle =N\,I_0 \] L'intensité est indépendante de la position du point d'observation et amplifié d'un facteur \(N\): il n y a donc pas d'interférence. On avait déjà établit ce résultat pour la superposition de deux ondes incohérentes; on voit ici que le résultat se généralise pour \(N\) ondes.
Exercice
Retrouver ce résultat par la méthode des complexes.
Rép. — en notation complexe, l'onde résultante s'écrit \(\displaystyle{\underline{\psi}=\sum_{k=\{0\ldots N\}} A\mathrm{e}^{i(\omega t+\varphi_k)}=A\mathrm{e}^{i\omega t}\sum_{k=\{0\ldots N\}} \mathrm{e}^{i\varphi_k}}\). L'intensité du rayonnement est donné par \(I=\frac12 \langle\underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star\rangle\). On a \[ \begin{array}{rcl} \underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star &= &\displaystyle{A^2\sum_k\mathrm{e}^{i\varphi_k}\times \sum_{k'}\mathrm{e}^{-i\varphi_{k'}}}\\ &= &\displaystyle{A^2\sum_{k,k'}\mathrm{e}^{i(\varphi_k-\varphi_{k'})}}\\ \underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star &= &A^2\left(N+\sum_{k,k'\neq k}\mathrm{e}^{i(\varphi_k-\varphi_{k'})}\right) \end{array} \] Par ailleurs, \(\underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star\) étant un réel, en prendre la partie réelle ne change pas le résultat. On a donc \[ \underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star=A^2N+A^2\sum_{k,k'\neq k}\cos(\varphi_k-\varphi_{k'}) \] \(\varphi_k-\varphi_{k'}\) est une variable aléatoire répartie uniformément dans l'intervalle \([-2\pi,2\pi]\), c'est pourquoi \[ I=\frac12 \langle\underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star\rangle = \frac12 NA^2=NI_0 \]
Finalement, \(N\) sources incohérentes de même amplitude produisent un phénomène dont l'intensité est proportionnel à \(N\) alors que dans le cas où ces \(N\) ondes vibrent en phase, le phénomène est proportionnel à \(N^2\). On peut donc amplifier significativement la lumière par interférences multiples. En prime, cette amplification s'accompagne en général, comme nous allons le voir, d'une grande résolution spatiale.
Le réseau de diffraction
Description
De manière générale, un réseau de diffraction est un arrangement régulier de motifs diffractants identiques. Chaque motif diffracte la lumière incidente dans toutes les directions, et chaque faisceau diffracté dans une direction interfère avec les autres rayons diffractés dans la même direction.
Bien qu'il existe une grande diversité de formes (plane, concave), de types (rectiligne, circulaire) et de fonctionnement (en transmission, en réflexion), l'étude du réseau plan rectiligne par transmission permet de dégager les propriétés essentielles des réseaux.
Le réseau rectiligne par transmission est caractérisé par une fonction de transparence périodique. Le réseau de fentes transparentes utilisé dans l'enseignement en est un exemple. Il est réalisé en gravant sur du verre une série de traits à l'aide d'une pointe de diamant. L'espace intact entre ces traits est transparent et constitue une fente. En général, on réalise des répliques (diapositives photographiques) du réseau initial pour obtenir des réseaux à faible coût.
La caractéristique essentielle d'un réseau de diffraction est son pas \(a\) qui représente la distance séparant deux motifs diffractants consécutifs. En général, le fournisseur indique la densité de traits
Densité de traits
\[ n \stackrel{\text{def}}= \frac{1}{a} \quad\text{[nombre de traits par mètre]} \]
souvent exprimée en lines per inch (LPI). Les réseaux performants ont des densités de l'ordre de 106 traits par mètre.
Formule des réseaux en incidence normale
Éclairons, par une onde plane monochromatique, un réseau de \(N\) fentes placé en incidence normale, puis observons la lumière dispersée dans la direction \(\theta\) à l'aide d'une lunette.
Il existe, comme nous allons le montrer, des directions angulaires privilégiées dans lesquelles la lumière est confinée et pour lesquelles chaque onde diffractée par les motifs du réseau interfère avec les autres de manière constructive.
Envisageons l'émission de lumière dans la direction indiquée par \(\theta\). Le rayon diffracté par une fente F est en retard (ou en avance, ça dépend du signe de \(\theta\)) par rapport au rayon diffracté par la fente suivante F'. Le déphasage s'écrit \[ \Delta\phi=\frac{2\pi}{\lambda}\delta \quad\text{avec}\quad \delta=\text{FH}=a\sin\theta \]
Si ces deux rayons interfèrent de façon constructive entre eux, alors ils interfèrent également de manière constructive avec tous les autres. Ce phénomène donne lieu à une énorme amplification de lumière (comme \(N^2\)) dans la direction \(\theta\). La condition d'interférence constructive \(\Delta \phi=2p\,\pi\) permet d'obtenir ces directions privilégiées :
Formule des réseaux en incidence normale
\[ a\sin\theta_p=p\lambda \quad\text{avec}\quad p\in\mathbb{Z} \]
Cette relation, dite formule des réseaux en incidence normale, peut aussi faire intervenir la densité de traits du réseau \(n=1/a\) :
Comme on le voit, la direction \(\theta_p\) dépend de la lumière incidente (via la longueur d'onde), du réseau (via la densité de traits) ainsi que de l'ordre d'interférence \(p\). Analysons en détail la formule (1).
- Pour l'ordre \(p=0\), on a \(\theta=0\) quelle que soit la longueur d'onde : une partie de la lumière traverse le réseau sans être déviée. Cette direction est toujours observée.
- Les ordres \(p\neq 0\) ne sont pas toujours observés. En effet, si \(a<\lambda\), seul l'ordre zéro existe. Plus généralement, il est facile de montrer que les valeurs possibles de \(p\) sont au nombre de \((1+2\left\lfloor a/\lambda\right\rfloor)\).
- Pour les ordres \(p \neq 0\) la déviation \(\theta\) est fonction de la longueur d'onde : le système est alors dispersif, et en lumière blanche on observe une décomposition spectrale de la lumière suivant différentes directions. On peut noter que l'angle de dispersion augmente avec la longueur d'onde (le rouge est plus dispersé que le bleu) contrairement à ce qui se produit avec un prisme. Notez aussi, que seul l'ordre zéro est achromatique puisque sa direction est indépendante de la longueur d'onde.
Formule des réseaux en incidence oblique
La formule (1) n'est valable qu'en incidence normale. Sous une incidence \(i\) elle prend une forme plus générale que l'on obtient à l'aide d'un calcul similaire à celui du paragraphe précédent. Sous une incidence \(i\), le rayon arrive en F en avance par rapport à celui arrivant en F'. Cependant, il prend ensuite du retard de sorte que le déphasage s'écrit \[ \Delta\phi=\frac{2\pi}{\lambda}\delta \quad\text{avec}\quad \delta=\text{FH}-\text{F'H'}=a(\sin\theta-\sin i) \] Finalement, la formule des réseaux en incidence oblique qui donne la direction des interférences constructives, s'écrit
Formule des réseaux en incidence oblique
\begin{equation} a\left(\sin\theta_p-\sin i\right)=p\lambda \quad\text{avec}\quad p\in\mathbb{Z} \end{equation}
Dans ce cas, la direction \(\theta_p\) dépend non seulement de la lumière incidente, du réseau et de l'ordre d'interférence \(p\), mais également des conditions d'incidence (via l'angle \(i\)). La direction correspondant à l'ordre \(p=0\) est donnée par \(\theta_0=i\). En d'autres termes, ces rayons traversent le réseau sans être déviés. Comme pour la situation en incidence normale, cette direction est toujours observée. En revanche, contrairement à ce qui est observé en incidence normale, \(\theta_p\neq -\theta_{-p}\). D'ailleurs il arrive que l'ordre \(p\) soit observé alors que l'ordre \(-p\) est inobservable.
Enfin, la déviation angulaire des rayons \(D=\theta_p-i\) dépend de l'angle \(i\). Il est facile de montrer que cette déviation présente un minimum. En dérivant la loi des réseaux (2) par rapport à l'angle \(i\), on obtient \[ \left(1+\frac{\mathrm{d}D}{\mathrm{d}i}\right)\cos(D+i)-\cos i=0 \] La déviation \(D(i)\) passe par un extremum quand \[ \frac{\mathrm{d}D}{\mathrm{d}i}=0 \quad\text{soit}\quad \cos(D+i)=\cos i \] c'est-à-dire (en excluant \(D=0\) qui correspond à l'ordre 0) \(D_\text{m}=-2i\). On en déduit, en reprenant la loi des réseaux, \[ 2\sin\dfrac{D_\text{m}}{2}=p\dfrac{\lambda}{a} \] La mesure de cette déviation angulaire permet ainsi de retrouver soit une longueur d'onde, soit la densité de traits d'un réseau. Cette mesure s'affranchit du placement en incidence nulle du réseau, source d'imprécision.
Figure d'interférence
L'équation (2) indique les directions d'interférence constructive, mais ne donne aucune information sur la répartition de l'intensité en fonction de \(\theta\). Procédons à ce calcul en faisant deux hypothèses.
- Nous considérons que le réseau est éclairé par une onde plane arrivant en incidence normale. Le cas de l'incidence oblique se traite en effectuant la transformation \[ \sin\theta \mapsto \sin\theta-\sin i \]
- Nous admettons que les N ondes diffractées dans la direction \(\theta\) ont la même amplitude \(a\), indépendante de \(\theta\). Nous discuterons de cette hypothèse dans le cours consacré à la diffraction de Fraunhofer[2].
Utilisons la méthode complexe pour calculer l'intensité. Posons, \(\phi=(2\pi a\sin\theta)/\lambda\), le déphasage entre deux ondes consécutives. L'amplitude complexe de l'onde qui résulte de la superposition des \(N\) ondes diffractées dans la direction \(\theta\) s'écrit \[ \underline{\psi}(\theta)=\sum_{k=0}^{N-1}A\,\mathrm{e}^{ik\phi}= A\frac{\mathrm{e}^{iN\phi}-1}{\mathrm{e}^{i\phi}-1}= A\frac{\mathrm{e}^{i\,N\phi/2}\sin(N\,\phi/2)}{\mathrm{e}^{i\,\phi/2}\sin(\phi/2)} \]
Ainsi, en incidence normale, l'intensité varie avec l'angle de déviation horizontale \(\theta\) comme suit :
Intensité diffractée par un réseau à transmision
\[ I(\theta)= \frac12 \underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star= K\,\left[\frac{\sin\left(\frac{N\pi a}{\lambda}\sin\theta\right)}{\sin(\frac{\pi a}{\lambda}\sin\theta)}\right]^{2} \quad\text{avec}\quad K=A^2/2 \]
En réalité, à cause de la diffraction, la constante \(K\) varie lentement avec \(\theta\) et la formule précédente doit s'écrire \[ I(\theta)=K(\theta)\,\left[\frac{\sin\left(\frac{N\pi a}{\lambda}\sin\theta\right)} {\sin\frac{\pi a}{\lambda}\sin\theta}\right]^{2} \] L'intensité diffractée est donc le produit de deux termes.
- Le premier, \(K(\theta)\), est le terme de diffraction qui fera l'objet d'une étude soignée dans le chapitre sur la diffraction à l'infini[2].
- Le deuxième, appelé terme d'interférence, est représenté sur la figure ci-dessous. On voit apparaître des franges brillantes à chaque fois que \(\frac{\pi a}{\lambda}\sin\theta=p\pi\). Ainsi, on observe une intense lumière dans des directions confinées vérifiant \[ \sin\theta_{p}=p\frac{\lambda}{a}=p\,n\,\lambda \] On retrouve la formule des réseaux (1).
Cherchons à calculer la largeur angulaire d'une frange brillante. Pour cela, déterminons la première valeur de \(\theta\) qui annule l'intensité autour d'un maximum principal. Rappelons que sur un pic d'interférence les ondes qui interfèrent sont tous en phase (modulo \(2\pi\)). En termes de vecteurs de Fresnel, cela donne \(N\) vecteurs colinéaires comme on l'a déjà vu. Imaginons maintenant que chaque vecteur de Fresnel tourne de \(2\pi/N\) par rapport au vecteur précédente. Ces vecteurs mis bout à bout forment alors un polygone à \(N\) côtés et le vecteur résultant est tout simplement le vecteur nul. C'est pourquoi, au voisinage d'un maximum principal, on trouve \(I=0\) dès lors que \[ \Delta\phi=2p\pi \pm \frac{2\pi}{N} \]
Appelons \(\delta \theta_p\) la largeur de la frange d'ordre \(p\). On a \[ \frac{2\pi\,a\sin(\theta_p \pm \frac12 \delta\theta_p)}{\lambda}=2p\pi \pm \frac{2\pi}{N} \] Compte tenu que \(\delta\theta_p\) est petit (pour \(N\) grand), un développement à l'ordre un autour de \(\theta_p\) donne \[ \delta\theta_p=\frac{2\lambda}{Na\cos\theta_{p}}\quad\text{[en radian]} \] Plus le nombre de fentes éclairées est grand et plus les tâches sont fines : on parle alors de .
Exemple
Un réseau de diffraction de pas \(a=5\,\mathrm{\mu m}\) éclairé en incidence normale par un faisceau de largeur \(L=1\,\mathrm{cm}\) et de longueur d'onde \(\lambda=0{,}5\,\mathrm{\mu m}\), présente un pic d'ordre un dans la direction \[ \theta_1=\arcsin{p\lambda/a}=5^\circ\,44'\,21'' \] Vu que 2 000 fentes sont éclairées, ce pic présente une largeur angulaire \[ \delta\theta_1\simeq\frac{2\times 0{,}5}{2000\times 5}=10^{-4}\,\mathrm{rad}=21''\text{(arc-seconde)} \]
Pouvoir de résolution
Éclairé en lumière polychromatique, le réseau disperse chaque composante monochromatique via la loi (2). Le pouvoir de résolution spectrale mesure la capacité à séparer deux longueurs d'onde différentes. Il est mesuré par la quantité
Pouvoir de résolution
\[ P_R\stackrel{\text{def}}= \frac{\lambda}{\delta\lambda_\text{min}} \]
où \(\delta\lambda_\text{min}\) est la différence minimale entre deux longueurs d'onde que le système arrive à séparer. Le pouvoir de résolution théorique du réseau s'obtient à l'aide d'un critère de résolution. On prendra le critère de Rayleigh.
Critère de Rayleigh
Deux pics d'interférence A et B associés aux longueur d'onde \(\lambda\) et \(\lambda+\delta\lambda\) seront résolus (ou séparés) si leur séparation angulaire vérifie \[ \theta_{B}-\theta_{A}>\frac{\delta\theta}{2} \] avec \(\delta\theta\) la largeur angulaire du pic d'interférence.
Calculons, le pouvoir de résolution théorique d'un réseau éclairé en incidence normale. Une raie spectrale de longueur d'onde \(\lambda\) est déviée d'un angle \(\theta_{p}\) telle que \(\sin\theta_{p}=p\lambda/a\). Aussi, pour une variation \(\delta \lambda\) de \(\lambda\), l'angle de dispersion varie de \[ \theta_p^{\lambda+\delta\lambda}-\theta_p^{\lambda}=p\frac{\delta \lambda}{a\,\cos\theta_{p}} \] Adoptons le critère de Rayleigh: les deux raies sont résolues si \[ \theta_p^{\lambda+\delta\lambda}-\theta_p^{\lambda}>\frac{\delta\theta}{2}=\frac{\lambda}{Na\cos\theta_{p}} \] ce qui donne \[ \delta\lambda>\frac{\lambda}{pN}=\delta\lambda_\text{min} \] d'où un pouvoir de résolution théorique
Pouvoir de résolution d'un réseau
\begin{equation} P_R=pN \end{equation}
Le pouvoir de résolution théorique augmente avec le nombre de traits éclairés et avec l'ordre d'interférence (voir simulation ci-dessous).
Par exemple, avec un réseau blazé de 10 cm de largeur constitué de 1000 traits/cm et travaillant à l'ordre 10, le pouvoir de résolution théorique atteint 100 000.
Instrument | Pouvoir de résolution typique | Résolution δλmin (à 500 nm) |
---|---|---|
Prisme | 500 | 1 nm |
Réseau | 5 000 | 0,1 nm |
Réseau blazé | 50 000 | 0,01 nm |
La formule (4) a été obtenue en considérant le réseau en incidence normale, mais le résultat est valable pour toute incidence. On peut donc aussi exprimer le pouvoir de résolution en fonction de \(\theta_p\) et \(i\) : \[ P_R=\frac{Na\left(\sin\theta_p-\sin i\right)}{\lambda} \] où \(Na=L\) désigne la largeur du faisceau éclairant le réseau. On voit qu'il existe un pouvoir de résolution maximum : \[ P_{R,\text{max}}=\frac{2L}{\lambda} \] Ainsi, la taille du réseau est déterminante dans la quête aux hautes résolutions spectrales.
Autres réseaux
Le réseau de fentes à transmission est assez peu utilisé en pratique. La plupart des applications demandant l'emploi d'un système dispersif utilisent des réseaux en réflexion. Par exemple, la plupart des spectrophotomètres d'absorption possèdent un monochromateur qui permet de sélectionner la longueur d'onde d'une source en faisant tourner un réseau de diffraction en réflexion.
Un des principaux défauts des réseaux ordinaires réside dans la dispersion de l'énergie lumineuse dans les différents pics d'interférence. Cette éparpillement de l'intensité peut être gênant quand la source est elle même peu lumineuse (il suffit de penser à l'observation d'étoile lointaine).
Les réseaux blazés sont des réseaux fonctionnant en réflexion et dont la conception permet de concentrer la lumière réfléchie essentiellement sur un ordre particulier. On obtient cette propriété en juxtaposant une série de gradins réfléchissants inclinés caractérisés par un certain angle de blaze.
Si l'on veut éviter l'emploi d'un système optique de collimation (en entrée et en sortie), on utilisera des réseaux concaves. Il s'agit de réseaux de motifs réflecteurs imprimés sur une calotte sphérique de rayon \(R\). On montre que si l'on place une fente source sur un cercle tangent au réseau et de diamètre \(R\) (cercle de Rowland), alors tous les pics d'interférences se focalisent en différents points du cercle de Rowland. Il suffit alors de déplacer la fente le long du cercle de Rowland pour sélectionner la longueur d'onde désirée.
La cavité Fabry-Perot
Description
Une cavité Fabry-Pérot est une lame d'air d'épaisseur \(e\) formée par deux lames de verre à faces parallèles aux surfaces internes traitées. Le traitement consiste à augmenter le coefficient de réflexion des faces internes de la lame d'air, soit par métallisation, soit par le dépôt de plusieurs couches diélectriques. Typiquement, le coefficient de réflexion énergétique est supérieur à 90%.
On s'intéresse à la transmission de la lumière par cette cavité. On note \(t_{1}\) le coefficient de transmission en amplitude à travers la première lame, \(t_{2}\) le coefficient de transmission à travers la seconde lame et \(r\) le coefficient de réflexion sur les parois réfléchissantes. Les amplitudes des premiers rayons sortants valent respectivement :
nombre de réflexions | 0 | 2 | 4 | 6 | ...2k |
---|---|---|---|---|---|
amplitude | \(A\,t_{1}t_{2}\) | \(A\,t_{1}t_{2}r^{2}\) | \(A\,t_{1}t_{2}r^{4}\) | \(A\,t_{1}t_{2}r^{6}\) | \(A\,t_{1}t_{2}r^{2k}\) |
On voit que si \(r\) est petit, la première onde à sortir de la cavité est beaucoup plus intense que les autres, ce qui rend les interférences peu visibles tant le contraste est faible. En revanche, lorsque \(r\) se rapproche de 1, les rayons sortants ont des amplitudes comparables : il faut donc tenir compte de tous les rayons pour calculer l'intensité résultante ; à nouveau on est en présence d'un phénomène d'interférence à ondes multiples.
Précisons que les coefficients de réflexion et transmission sont liés entre eux. Si l'on néglige le phénomène d'absorption, la conservation de l'énergie se traduit par \[ r^{2}+n{t_{1}}^2=1 \quad\text{et}\quad r^2+\frac{{t_2}^2}{n}=1 \] où \(n\) est l'indice du milieu enfermé par la cavité Fabry-Pérot. Posons \(\mathcal{R}=r^2\) et \(\mathcal{T}=t_1t_2\). Les deux relations précédentes aboutissent à \[ \mathcal{R}+\mathcal{T}=1 \]
Transmission de la cavité
Cherchons à déterminer l'intensité du flux lumineux transmis par la cavité dans la direction \(\theta_\text{i}\). Comme on l'a vu (cf. franges d'égale inclinaison), la division d'amplitude produite par une lame introduit, entre deux rayons consécutifs, un déphasage \[ \Delta\phi=\frac{2\pi\delta}{\lambda} \quad\text{avec}\quad \delta=2ne\cos \theta_\text{r} \] Pour une lame d'air, on a \(n\simeq 1\) et \(\theta_\text{r}\simeq \theta_\text{i}\) d'où \(\Delta\phi\simeq 4\pi\,e\cos \theta_\text{i}/\lambda\).
Remarque
Si \(\varphi_r\) est le déphasage qui accompagne chaque réflexion, il faut écrire \(\Delta\phi\simeq 4\pi\,e\cos \theta_\text{i}/\lambda+2\varphi_r\). Pour simplifier, on suppose ici \(\varphi_r=0[\pi]\).
Utilisons la méthode complexe pour calculer l'onde résultante issue de la superposition des ondes : \[ \underline{\psi} = A\,t_{1}t_{2}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t)}+ A\,t_{1}t_{2}r^2\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t-\Delta\phi)}+ A\,t_{1}t_{2}r^4\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t-2\Delta\phi)}+\ldots+ A\,t_{1}t_{2}r^{2k}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t-k\Delta\phi)}+\ldots \] somme dans laquelle l'origine des temps est fixée de façon à ce que la phase de la première onde soit nulle. En factorisant par le premier terme et en posant \(\mathcal{R}=r^2\), on obtient \[ \underline{\psi} = A\,t_{1}t_{2}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t)} \left(1+\mathcal{R}\,\mathrm{e}^{-\mathrm{i}\Delta\phi}+\mathcal{R}^2\,\mathrm{e}^{-2\mathrm{i}\Delta\phi}+ \ldots+\mathcal{R}^{k}\,\mathrm{e}^{-\mathrm{i}k\Delta\phi}+\ldots\right) \] On reconnaît une série géométrique de raison \(\mathcal{R}\,\mathrm{e}^{-i\Delta \phi}\). Or, comme cette raison est de module inférieure à l'unité, la série : \[ \underline{\psi}=A\,t_{1}t_{2}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega t)}\frac{1}{1-\mathcal{R}\mathrm{e}^{-i\Delta\phi}} \] Posons \(\mathcal{T}=t_1t_2\) et \(I_0=A^2/2\) l'intensité du flux incident. L'intensité du flux transmis vaut \[ I=\frac12 \underline{\psi}\,\underline{\psi}^\star= \frac{I_0T^2}{1+\mathcal{R}^2-2\mathcal{R}\cos\Delta\phi}= I_0\left(\frac{\mathcal{T}}{1-\mathcal{R}}\right)^2\frac{1}{1+\frac{4\mathcal{R}}{\left(1-\mathcal{R}\right)^{2}}\sin^{2}(\Delta\phi/2)} \] En négligeant l' on a \(\mathcal{T}=1-\mathcal{R}\), d'où le résultat :
Transmission d'une cavité Fabry-Pérot
\begin{equation} I=\frac{I_0}{1+m\sin^{2}(\Delta\phi/2)} \quad\text{avec}\quad m=\frac{4\mathcal{R}}{\left(1-\mathcal{R}\right)^{2}} \end{equation}
L'intensité est maximale à chaque fois que \(\Delta\phi\) est un multiple de \(2\pi\). Les minima sont obtenus pour les multiples impairs de \(\pi\). Contrairement au réseau, les minima d'intensité ne sont pas nuls puisque \(I_\text{min}=I_0/(1+m)\). Toutefois, si les surfaces présentent une haute réflectivité, on a \(m\gg 1\) et le contraste est quasiment de 100 % : \[ \gamma =\frac{I_\text{max}-I_\text{min}}{I_\text{max}+I_\text{min}} =\frac{m}{2+m}\simeq 1 \] On voit clairement sur la figure ci-dessus que les pics sont d'autant plus fins que le pouvoir de réflexion \(R\) se rapproche de l'unité. On définit la finesse \(\mathcal{F}\) d'une cavité Fabry-Pérot par le rapport :
Finesse d'un Fabry-Pérot
\[ \mathcal{F}\stackrel{\text{def}}= \frac{2\pi}{\delta\phi_{1/2}} \]
avec \(\delta\phi_{1/2}\) la largeur à mi-hauteur d'un pic d'interférence donnée par \[ 1+m\sin^{2}\left(\frac{\delta\phi_{1/2}}{4}\right)=2 \quad\text{soit}\quad \delta\phi_{1/2}\simeq \frac{4}{\sqrt{m}} \] où l'on a utilisé le fait que \(\delta\phi_{1/2}\ll 1\) (ce qui suppose une grande réflectivité). Finalement, en reprenant l'expression de \(m\), on trouve l'expression de la finesse : \[ \mathcal{F}=\pi\frac{\sqrt{\mathcal{R}}}{1-\mathcal{R}} \]
Exemple
Une cavité Fabry-Pérot de réflectivité \(\mathcal{R}=97\%\), présente une finesse \[ \mathcal{F}=\pi\frac{\sqrt{0,97}}{0,03}\simeq 100 \] Les pics sont alors 100 fois plus fins que l'intervalle entre deux pics (dit intervalle spectral libre).
Interféromètre de Fabry-Pérot
L'intensité transmise par la cavité Fabry-Pérot dépend du déphasage \(\Delta\phi\) via la relation (4). Il y a différentes manières de faire varier \(\Delta\phi\).
- On fixe l'épaisseur \(e\) et l'indice \(n\) de la cavité que l'on éclaire avec une source étendue. Les rayons incidents balayent tout un spectre d'incidence ce qui permet de faire varier \(\Delta\phi\). Les rayons émergeants sont focalisés dans le plan focal d'une lentille convergente. C'est le principe original de l'interféromètre de Fabry-Pérot. On obtient le même type de franges que celles de l'interféromètre de Michelson en configuration « lame d'air » ; la différence tient essentiellement dans la finesse des anneaux d'interférence.
- On peut aussi éclairer la cavité en incidence normale puis faire varier l'épaisseur \(e\) (en montant un des miroirs sur un transducteur piézoélectrique) ou l'indice \(n\) (par exemple en jouant sur la pression du milieu). C'est souvent cette configuration qui est choisie de nos jours.
L'interféromètre de Fabry-Pérot présente une résolution spectrale exceptionnelle ce qui en fait un instrument de choix en spectroscopie haute résolution. Pour mettre en évidence ces qualités, calculons le pouvoir de résolution d'un interféromètre de Fabry-Pérot éclairé en incidence normale. Lorsque l'on fait varier \(ne\), le signal capturé au foyer d'une lentille présente des pics définis par \[ \Delta \phi=2p\pi \quad\text{soit}\quad 2ne=p\lambda \] On observe alors une succession de pics. Si la source est polychromatique, chaque composante produit sa propre série de pics (cf. figure ci-dessus). En vertu du principe de Rayleigh, deux pics sont résolus à condition que leur écart soit supérieur à la demi-largeur d'un pic, lequel est estimé par la largeur à mi-hauteur : \[ \Delta\phi_{\lambda_1}-\Delta\phi_{\lambda_2}> \delta\phi_{1/2} \] En incidence normale, \(\Delta\phi=(4\pi ne)/\lambda\) ce qui donne \[ \Delta\phi_{\lambda_1}-\Delta\phi_{\lambda_2} = \frac{4\pi ne}{\lambda_1\lambda_2}(\lambda_2-\lambda_1) \] Le système permet donc de séparer deux radiations dont les longueurs d'onde diffèrent de \[ (\lambda_2-\lambda_1)>\frac{\overline{\lambda}^2}{4\pi ne}\delta\phi_{1/2}=\delta\lambda_\text{min} \] où l'on a posé \(\overline{\lambda}=\sqrt{\lambda_1\lambda_2}\) quantité qui diffère peu de \(\lambda_1\) et \(\lambda_2\) à la limite de résolution. Sachant que \(2ne\simeq p\overline{\lambda}\) et \(\delta \phi_{1/2}=2\pi/\mathcal{F}\), on trouve un pouvoir de résolution
Pouvoir de résolution d'un Fabry-Pérot
\begin{equation} P_R=\frac{\overline{\lambda}}{\delta\lambda_\text{min}}=p\mathcal{F} \end{equation}
Remarque
Le pouvoir de résolution est aussi appelé facteur de qualité \(Q\) par analogie avec la physique des résonateurs (une cavité Fabry-Pérot est un résonateur optique). Notez que la formule (5) donne un pouvoir de résolution théorique. En pratique, la résolution est limitée par d'autres facteurs : défaut de parallélisme, rugosité des surfaces réfléchissantes, absorption du gaz, etc.
Réflexivité | 0,9 | 0,95 | 0,99 |
---|---|---|---|
Finesse | 30 | 61 | 313 |
Pouvoir de résolution (x106) | 1,2 | 2,4 | 12,5 |
δλmin | 400 fm | 200 fm | 40 fm |
Comme on peut le voir, le pouvoir de résolution est phénoménal. Cette qualité a cependant un revers. En effet, par définition, le nombre de raies que l'on peut résoudre entre deux pics d'ordre \(p\) et \(p+1\) est égal à la finesse \(\mathcal{F}\), ce qui correspond à une étroite fenêtre spectrale (\(\mathcal{F}\delta\lambda_\text{min}\)) qu'on appelle intervalle spectral libre. Par conséquent, le Fabry-Pérot est un spectromètre aux performances exceptionnelles tant que le spectre à étudier est peu étendu sans quoi les différents ordre se mélangent (comme dans un réseau de diffraction).
Cavité optique résonante
On a vu précédemment que la transmission est maximale à chaque fois que \(\Delta\phi=2p\pi\) ce qui, en incidence normale, donne la condition : \[ L=ne=p\frac{\lambda}{2} \] Condition qui rappelle la condition de résonance d'une onde stationnaire dans une cavité. La coïncidence n'est pas fortuite ici puisqu'il s'agit bien d'une cavité dans laquelle deux ondes lumineuses interfèrent à contre courant pour donner une onde stationnaire. Lorsque la « largeur optique » de la cavité est un multiple entier de la demi-longueur d'onde, on dit que la cavité est accordée ou qu'elle est résonante : les ventres de champ électromagnétique deviennent extrêmement intenses à l'instar du champ de pression dans un tube de Kundt résonant.
Les lasers utilisent des cavités optiques de Fabry-Pérot dont les surfaces sont légèrement courbées pour des questions de stabilité optique. Ces cavités transmettent essentiellement les ondes de longueur d'onde \[ \lambda_{p}=\frac{2ne}{p} \] Si la cavité contient un milieu actif amplifiant certaines radiations comprises dans une certaine fenêtre spectrale et si certains modes de la cavité (les radiations résonantes de longueur d'onde \(\lambda_{p}\)) font parti de cette fenêtre, alors l'ensemble cavité-milieu actif va se comporter comme un amplificateur optique produisant un ensemble de raies très fines. C'est cette propriété qui donne aux lasers une très grande cohérence spectrale[3].
Pour en savoir plus...
- Diffusion de particules[en ligne], Sept. 2013. Disponible sur femto-physique.fr
- Diffraction de Fraunhofer[en ligne], 2018. Disponible sur femto-physique.fr
- Introduction à la physique du laser[en ligne], Avril 2015. Disponible sur femto-physique.fr
- Physique générale : Ondes, optique et physique moderneDe Boeck Supérieur, 1993.
- Physics of Light and Optics2015. Disponible sur optics.byu.edu
- Systèmes dispersifs en spectrométrie atomique Techniques de l'ingénieurp.2660, 2002.