Ce premier chapitre rappelle les bases de l'optique géométrique : la notion de rayon lumineux, d'indice de réfraction, les lois de la réflexion, de la réfraction et de la dispersion.
NATURE DE LA LUMIÈRE
La question de la nature de la lumière fut probablement l’une des interrogations les plus fécondes en physique : elle est, en quelque sorte, à l’origine des théories géométrique, ondulatoire, électromagnétique, relativiste et quantique de la lumière.
Aspects historiques
La question de la nature de la lumière remonte à l’antiquité. Pythagore, Démocrite, Aristote et les autres avaient déjà construit une théorie de la lumière et la propagation de la lumière en ligne droite était déjà connue d’Euclide (300 ans av. J.C.). La chute de l’empire romain (475 ap. J.C) a ensuite fortement freiné le développement scientifique et il faudra attendre la fin du XVIe siècle pour voir renaître la physique. C’est à cette période que l’on enregistre de grands progrès en optique, tant du point de vue expérimental que théorique.
Au niveau théorique, deux conceptions s’affrontent. Newton, père de la mécanique classique, défend une description corpusculaire de la lumière. Pour lui, le phénomène de diffraction de la lumière rapporté dans l’ouvrage du père Grimaldi (publié à titre posthume en 1665) s’explique par une inflexion de la lumière par la matière : on voit ici une vision purement mécaniste. À la même époque, Huygens défend une description ondulatoire de la lumière. Mais le succès des Principia Mathematica et le rayonnement de Newton dans le monde scientifique ont certainement freiné le développement de la théorie ondulatoire. Il faudra attendre plus d’un siècle pour que les idées d’Huygens soient reconnues.
La frise chronologique suivante fournit quelques repères historiques relatifs aux progrès en optique géométrique.
Notion de rayon lumineux
Postulat de l'optique géométrique
La lumière (l'énergie lumineuse) est décrite par un ensemble de rayons lumineux indépendants. Ces rayons lumineux sont caractérisés par une direction de propagation \(\overrightarrow{u}\) et une vitesse de propagation \(v\).
Ces rayons lumineux se propagent en ligne droite dans tout milieu homogène à une vitesse qui dépend du milieu. Dans le vide, toute lumière se propage en ligne droite à la vitesse
\[c\simeq3.10^{8}\;\mathrm{m.s^{-1}}\]
L’optique géométrique s’intéresse au trajet qu’empreinte la lumière à partir des propriétés des milieux qu’elle traverse.
Le spectre électromagnétique — Bien que ce cours ne traite pas des aspects ondulatoires de la lumière, il faut toutefois rappeler que la lumière est une vibration électromagnétique qui se caractérise par une longueur d’onde λ – déplacement de l’onde pendant un cycle de vibrations – et par une fréquence \(\nu\) – nombre de cycles par seconde. La fréquence et la longueur d’onde sont liées par la relation \[\lambda=\frac{c}{\nu}\] Le spectre électromagnétique est quasi totalement invisible pour un œil humain, sauf une petite portion dite spectre visible qui s’étend du rouge au violet en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel (communément divisé en rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet).
La couleur de la lumière est avant tout une question de perception par l’œil et d’interprétation par le cerveau. On retiendra que le spectre visible correspond à l’intervalle \[400\;\mathrm{nm}<\lambda_\text{visible}<750\;\mathrm{nm}\]
La lumière est dite polychromatique quand elle est constituée de plusieurs longueurs d'onde, monochromatique quand elle est constituée d'une seule. Les sources monochromatiques au sens strict du terme n'existent pas, mais certains lasers produisent une lumière dont le spectre est très étroit. On les considère donc généralement comme des sources monochromatiques. Ainsi, la très grande majorité, sinon la totalité, des phénomènes lumineux qu'on observe implique une lumière polychromatique.
Limitations des lois de l’optique géométrique — Les lois de l’optique géométrique permettent de traiter la lumière dans un cadre approximatif dans lequel les aspects ondulatoires et quantiques peuvent être négligés. Tant que les propriétés des milieux varient peu à l’échelle de la longueur d’onde λ, l’approximation de l’optique géométrique est valide. La notion de rayon est par exemple purement conceptuelle et toute expérience cherchant à isoler un rayon lumineux est vouée à l’échec à cause du phénomène de diffraction.
Si l’on note \(N\) le nombre de photons mis en jeu dans un phénomène optique, \(D\) la dimension caractéristique des obstacles (miroirs, trous, lentilles...) et λ la longueur d’onde, l’approximation de l’optique géométrique est bonne si \[N\gg 1\quad\text{et}\quad D\gg\lambda\]
Indice de réfraction
Dans le vide, la lumière se propage en ligne droite à la vitesse c. C’est en 1676 que Rømer réussit à estimer cette vitesse grâce aux éclipses de quatre satellites de Jupiter (à différentes périodes de l’année : plus la Terre s'éloigne rapidement de Jupiter, plus la durée entre deux éclipses successives augmente). Il obtint alors environ \(212\,000\;\mathrm{km.s^{-1}}\). Ce résultat astronomique fut confirmé en 1728 par Bradley qui utilisa l’influence de la vitesse de la Terre sur son orbite autour du Soleil (phénomène d’aberration des étoiles qui lui permit, indirectement, d’estimer la vitesse de la lumière). Il obtint alors environ \(280\,000\;\mathrm{km.s^{-1}}\). En 1849 Fizeau obtint environ \(315\,000\;\mathrm{km.s^{-1}}\) en utilisant un système mécanique de miroirs et une roue dentée en rotation (la vitesse de la roue était ajustée pour permettre le passage du rayon lumineux à l’aller, puis au retour après une réflexion sur un miroir). Ensuite, Foucault reprit le même genre d’expérience (la roue dentée fut remplacée par un miroir en rotation) et sa mesure la plus précise, en 1862, s’approcha de la valeur actuelle (avec moins de 1 % de différence : soit environ \(300\,000\;\mathrm{km.s^{-1}}\)). On pourra retenir que cette vitesse correspond à environ 7,5 circonférences de la Terre parcourues en 1 s !
Il a fallut attendre les travaux de Léon Foucault en 1850 pour montrer que la lumière se propage moins vite dans les milieux matériels transparents, comme l'eau. On retiendra
Indice de réfraction
Dans un milieu transparent, homogène et isotrope, la lumière se propage en ligne droite mais à une vitesse \[v=\frac{c}{n}\] où le scalaire \(n\) est une grandeur sans dimension, appelé indice de réfraction.
Il est caractéristique du milieu. Le tableau donne quelques valeurs d’indice. On retiendra que \(n\) est de l’ordre de l’unité pour les milieux transparents les plus courants.
Milieu | air | eau | verre | Polyester | diamant |
---|---|---|---|---|---|
Indice~n | 1,0003 | 1,33 | 1,5 - 1,8 | 1,57 | 2,42 |
LOIS DE SNELL-DESCARTES
Réflexion
Lorsqu’un rayon arrive à l’interface entre deux milieux isotropes et homogènes différents, il donne naissance à un rayon réfléchi et à un rayon transmis (réfracté). On distingue deux types de réflexion :
- La réflexion diffuse est produite par une surface irrégulière. Elle ne produit pas d’image discernable. C’est cependant cette sorte de réflexion qui nous permet de voir le monde qui nous entoure.
- La réflexion spéculaire est produite par une surface très lisse (ex. : miroir ou surface d’eau très calme). Elle produit une image discernable d’un objet.
On s’intéresse ici à la réflexion spéculaire. On définit le plan d’incidence comme le plan contenant le rayon incident et la normale à l’interface. L’angle d’incidence \(i_1\) est l’angle que forme le rayon incident avec la normale.
Lois de la réflexion
- Le rayon réfléchi est dans le plan d’incidence. On définit alors l’angle de réflexion \(i_{1}'\).
- Le rayon réfléchi est symétrique du rayon incident par rapport à la normale : \[i_{1}=i_{1}'\]
Pouvoir Réflecteur — La lumière réfléchie n’emporte pas entièrement l’énergie incidente. On définit le pouvoir réflecteur \(R\) d’une interface comme étant le rapport de l’énergie lumineuse réfléchie sur l’énergie lumineuse incidente. En incidence normale (\(i_1=i_{1}'=0\)), on a \[\mathcal{R}=\left(\frac{n_{1}-n_{2}}{n_{1}+n_{2}}\right)^{2}\] Pour une interface verre-air \(\mathcal{R}\) vaut 4%. En déposant une couche mince métallique sur l’interface on ramène le pouvoir réflecteur très proche de 100% : on parle alors de miroir. On peut aussi déposer une couche mince de \(\mathsf{MgF_2}\) pour réduire le pouvoir réflecteur ; on parle alors de couche anti-reflet [1].
Réfraction
La réfraction est la déviation de la lumière lorsqu’elle traverse l’interface entre deux milieux transparents d’indices optiques différents.
Lois de la réfraction
- Le rayon réfracté est dans le plan d’incidence. On définit alors l’angle de réfraction \(i_2\).
- Le rayon réfracté est tel que : \[n_{1}\sin i_{1}=n_{2}\sin i_{2}\]
Il s’en suit plusieurs conséquences :
- Principe du retour inverse de la lumière. Tout trajet suivi par la lumière dans un sens peut l’être en sens opposé.
- Réflexion totale. Lorsque le milieu 2 est moins réfringent que le milieu 1 (c’est-à-dire \(n_2\lt n_1\)), le rayon réfracté s’éloigne de la normale. Il existe alors un angle limite d’incidence \(i_{\ell}\) tel que \[\sin i_{\ell}=\frac{n_{2}}{n_{1}}\] de sorte que si \(i>i_{\ell}\) le rayon réfracté disparaît ; seul le rayon réfléchi existe : on parle alors de réflexion totale car toute l’énergie se retrouve dans le rayon réfléchi.
Dispersion
En 1660, Newton réalisa ses fameuses expériences autour de la décomposition de la lumière par un prisme. Lorsque l’on envoie un pinceau de lumière blanche à travers un prisme, on voit apparaître en sortie du prisme un faisceau divergeant et . Chaque composante spectrale est déviée différemment ; on dit qu’il y a dispersion.
Ce phénomène provient du fait que l’indice de réfraction dépend de la longueur d’onde de la lumière. La relation \(n(\lambda)\) s’appelle relation de dispersion. Dans la plupart des milieux transparents, dans le domaine visible, l’indice suit la loi de Cauchy : \[n(\lambda)=A+\frac{B}{\lambda^{2}}\] avec \(A\) et \(B\) des paramètres propres à chaque matériau. En général, ces paramètres sont tous les deux positifs ; la lumière rouge est alors plus rapide que la lumière bleue : on parle de dispersion normale.
Application : le phénomène d'arc-en-ciel — L’observation d’un arc-en-ciel est possible quand le Soleil éclaire une zone humide constituée par un ensemble de fines gouttelettes d’eau et que l’observateur se situe entre le Soleil et la zone humide. C’est Descartes qui, le premier, a donné une explication satisfaisante du phénomène en s’appuyant sur les lois de l’optique géométrique. Lorsqu’un rayon lumineux arrive sur une gouttelette, une partie de l’énergie lumineuse (98%) y pénètre puis en sort, soit directement (98%), soit après avoir subit une réflexion interne (2%). On montre alors que chaque goutte se comporte comme un réflecteur déviant la lumière d’un angle \(D\) fonction de l’incidence et de l’indice de réfraction mais indépendant de la taille des gouttes. Si l’on effectue un lancer de rayons sur une goutte d’eau, la lumière diffusée se répartie essentiellement le long d’un arc. Le phénomène de dispersion donne alors naissance à des arcs irisés comme le montre la simulation ci-dessous. Un observateur attentif remarquera la présence d’un arc secondaire moins intense dont les couleurs sont inversées par rapport à l’arc primaire : cet arc provient d’une double réflexion à l’intérieur des gouttes d'eau.
Pour en savoir plus...
- Interférence à deux ondes[en ligne], 2017. Disponible sur femto-physique.fr