De nombreuses expériences de la vie quotidienne ne peuvent pas trouver d'explication avec les lois vues jusqu'ici. C'est en tenant compte des propriétés des interfaces que l'on peut les justifier notamment grâce au concept de tension superficielle. La capillarité est la science qui s'intéresse à ces phénomènes et qui joue un rôle majeur dans de nombreux domaines scientifiques (climat, chimie de formulation, industrie du verre etc.). On propose ici une présentation classique de la capillarité ; pour les aspects dynamiques et une vision plus moderne de cette science voir [1].
Énergie de surface
Notion de tension de surface
Jusqu'ici nous avons considéré le fluide comme un milieu continu contraint par des conditions aux limites que l'on a traité de façon simpliste (continuité de la vitesse et des contraintes pour un fluide visqueux). En réalité, pour décrire correctement la physique aux interfaces il faut tenir compte des interactions moléculaires à courte portée qui s'exercent de part et d'autre de l'interface. La théorie classique de la capillarité consiste à modéliser une interface comme une surface mathématique auquel on associe une certaine élasticité représentée par la propriété physique que nous appellerons tension superficielle.
Essayons de justifier cette notion par un modèle simple (voire simpliste). Considérons un liquide \(\mathcal{F}_1\) en contact avec sa vapeur \(\mathcal{F}_2\). Au sein de chaque fluide les molécules subissent des interactions de très courte portée (interaction de van der Waals attractives). Ainsi, dans \(\mathcal{F}_1\), chaque molécule possède une énergie d'interaction \(\epsilon_1<0\) résultat de l'interaction attractive avec son voisinage immédiat. De même on définira une énergie d'interaction \(\epsilon_2\) au sein du fluide \(\mathcal{F}_2\). Par contre, il existe une couche de fluide dans laquelle les molécules sont soumises à l'action des deux fluides. L'épaisseur de ce film moléculaire est de l'ordre de la dimension \(a\) d'une molécule. Appelons alors \(\epsilon_{12}\) l'énergie d'interaction d'une "molécule interfaciale". Bien entendu, on a \(|\epsilon_{12}|\) compris entre \(|\epsilon_1|\) et \(|\epsilon_2|\). Si \(N\) est le nombre de molécules et \(N_{s}\) le nombre de molécules à l'interface, l'énergie du liquide \(\mathcal{F}_{1}\) vaut \[ E_{1}=(N-N_{s})\epsilon_{1}+N_{s}\epsilon_{12}=N\epsilon_{1}+E_{s} \] où \(E_{s}=N_{s}(\epsilon_{12}-\epsilon_{1})\) représente l'énergie de l'interface. On voit donc que l'on peut associer à l'interface une énergie liée à l'anisotropie des forces d'interaction moléculaire. Le terme d'anisotropie \(\epsilon_{12}-\epsilon_{1}\) est positif. Enfin le nombre de molécules à l'interface est proportionnel à l'aire \(\mathcal{S}\) de l'interface. On a approximativement \(N_s\simeq \mathcal{S}/a^2\) de sorte que l'on peut écrire \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle E_{s}=\gamma \mathcal{S} \quad\text{avec}\quad \gamma\simeq \frac{\epsilon_{12}-\epsilon_{1}}{a^2} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \] où \(\gamma\) est par définition la tension superficielle.
La tension superficielle est une grandeur positive qui caractérise une interface. Ainsi la tension de surface de l'interface eau-air n'est pas la même que celle de l'interface eau-huile. Elle s'exprime en \(\mathrm{J.m^{-2}}\).
Conséquences expérimentales
Forme des bulles et gouttes — Augmenter la surface d'un liquide coûte donc de l'énergie. Ainsi un liquide adoptera une forme qui minimise la surface compte tenu des contraintes. On montre que pour un volume donné la surface qui minimise l'énergie est une sphère. Par exemple une goutte d'huile dans un mélange eau-alcool de densité identique sera sphérique. De la même manière, les bulles de gaz carbonique dans le champagne sont sphériques.
Coalescence — On montre aussi que deux gouttes sphériques auront intérêt à former une goutte plus grosse. Ainsi quand on agite énergiquement un mélange eau-huile on obtient une émulsion de petites gouttes d'huile dans l'eau. Cette émulsion est instable : les petites gouttes coalescent (on parle du phénomène de coalescence) et l'on obtient après un certain temps de l'huile avec de l'eau au dessous.
Exercice
Considérons deux gouttes d'eau sphériques de rayon \(r\) qui coalescent pour ne former qu'une seule goutte de rayon \(r'\). Montrer que cette transformation s'accompagne d'un gain d'énergie.
Rép. — Le volume des deux gouttes vaut \(\mathcal{V}=8/3\pi r^3\) et l'interface eau-air possède une aire totale \(S=8\pi r^2\). Le volume se conservant, le rayon de la goutte obtenu après coalescence vaut \(r'=\sqrt[3]{2}r\) et son interface mesure \(S'=4\left(\sqrt[3]{2}\right)^2\pi r^2\simeq 6,3\pi r^2 <S\). La transformation s'accompagne donc d'un gain d'énergie.
Retard des changements d'état — Lorsque l'on détend un liquide de façon isotherme, la thermodynamique prévoit qu'en dessous d'une pression dite pression de vapeur saturante, le liquide change de phase pour se vaporiser. Cependant la formation de la première bulle de vapeur coute de l'énergie de sorte que le liquide peut exister dans une phase métastable en dessous de la pression de vapeur saturante. On parle de retard à la vaporisation. Une simple perturbation locale peut suffire à déclencher la formation d'une première bulle de vapeur. C'est ce phénomène qui fut employé dans les détecteurs de particules du milieu du XXe siècle (chambres à bulles).
De manière analogue, il y a retard à la liquéfaction pour la vapeur sursaturante (phénomène utilisé dans un autre détecteur de particule : la chambre à Wilson).
Rôle des tensio-actifs
Les tensioactifs sont constituées de molécules amphiphiles c'est-à-dire munies d'un pôle hydrophile et d’une longue chaîne hydrophobe. Lorsqu’un tensioactif est ajouté à de l’eau il vient se placer immédiatement à la surface, avec la queue hydrophobe pointant à l’extérieur de la surface. Ce processus s'accompagne d'une stabilisation de la surface et donc d'une chute de la tension superficielle. Ce n’est qu’une fois la surface saturée, et n’offrant plus d’espace disponible à de nouvelles molécules amphiphiles, que les tensioactifs vont former des structures organisées au sein du liquide : ce sont les micelles. Les micelles sont des structures sphériques ou ellipsoïdales dont la surface est constituée des têtes hydrophiles des tensioactifs, alors que les queues hydrophobes de ces derniers sont regroupées à l’intérieur. L’effet nettoyant des tensioactifs découle du fait que les substances hydrophobes, telles que les matières grasses, peuvent être contenues à l’intérieur des micelles. La concentration de tensioactifs au-dessus de laquelle les micelles commencent à se former est connue comme la concentration micellaire critique (CMC). Elle s'obtient en déterminant la concentration à partir de laquelle la tension superficielle cesse de chuter.
Forces capillaires
Mise en évidence
Expériences — Plongeons un contour métallique dans de l'eau savonneuse puis retirons le. Il se forme alors une membrane liquide plane qui s'appuie sur le contour. Auparavant, nous avons pris soin de fixer un fil souple formant une boucle qui adopte une forme quelconque. Lorsque l'on crève au moyen d'une aiguille la membrane située dans la boucle, celle-ci adopte aussitôt une géométrie circulaire (Fig.4). Cette expérience montre que la boucle est soumise à des forces dites forces capillaires aux propriétés suivantes :
- Ces forces sont perpendiculaires en chaque point du contour et tendent à minimiser l'aire du film d'eau savonneuse.
- Ces forces sont tangentes à l'interface.
- Elles sont réparties de façon uniforme. On peut donc définir une densité linéique de force \(\text{d}f/\text{d}\ell\).
De la même façon, si l'on forme une lame d'eau savonneuse sur un cadre rectangulaire dont un des coté est mobile, le liquide cherchant à minimiser sa surface, il faut exercer une force sur la tige mobile pour maintenir la surface constante. On peut obtenir l'expression de cette force à l'aide d'un raisonnement énergétique (méthode des travaux virtuels) : Supposons qu'un opérateur déplace de façon quasi-statique la tige de longueur \(\ell\) en produisant une force \(F_\text{op}\). Si l'on note \(\text{d}x\) le déplacement, le théorème de l'énergie cinétique appliqué à la tige donne \[ \text{d} E_c=0=\delta W=F_{\text{op}}\,\text{d}x+\delta W_{s} \] où \(\delta W_{s}\) est le travail résistant des forces capillaires. Or ces forces dérivent d'une énergie potentielle : \[ \delta W_s=-\text{d}E_S=-2\gamma \ell\, \text{d}x \quad\text{donc}\quad F_\text{op}=2\gamma\ell \] D'après le principe des actions réciproques (troisième loi de Newton), cette force s'identifie à la résultante des forces capillaires s'exerçant sur la tige.
À retenir
De façon général, on peut traiter une interface comme une membrane tendue : chaque portion de surface est le siège de forces capillaires réparties sur le contour \(\mathcal{C}\) délimitant la portion de surface. Ces forces sont tangentes à l'interface, perpendiculaires en tout point de \(\mathcal{C}\) et données par la relation \[ \overrightarrow{\text{d}f}=\gamma \text{d}\ell\,\overrightarrow{n} \]
Lorsque que l'on traite une membrane d'eau savonneuse, il ne faut pas oublier qu'il y a deux interfaces liquide-gaz ce qui explique la présence du facteur deux dans l'expression des forces capillaires.
Finalement, la tension superficielle est une force par unité de longueur, c'est pourquoi on l'exprime couramment en \(\mathrm{N.m^{-1}}\).
Mesure de la tension superficielle
Méthode de l'anneau — Historiquement la méthode de l’anneau a été la première à être développée. Il s'agit de plonger un anneau (en platine en général) dans le liquide à étudier puis de le remonter délicatement de façon à étirer un film au-dessous de l’anneau.
Au cours de l’étirement du film de liquide la force exercée sur l'anneau est mesurée à l'aide d'un dynamomètre et le système passe par un seuil où la force est maximale : dans ce cas les forces capillaires sont verticales. Si l'on note \(r_1\) le rayon intérieur de l'anneau et \(r_2\) son rayon extérieur, on a la relation. \[ F_{\text{max}}=2\pi(r_{1}+r_{2})\gamma\simeq 4\pi r\gamma\quad \text{si}\quad r_{1}\simeq r_{2} \] Sa mesure permet donc de déterminer la tension superficielle du liquide.
Ordre de grandeur — À température ordinaire, pour les liquides, la tension superficielle vaut quelques \(\mathrm{mN.m^{-1}}\). La tension superficielle varie avec la température ; \(\gamma\) diminue quand la température augmente jusqu'à s'annuler à la température critique.
Liquide | Température | Tension superficielle mN/m |
---|---|---|
Mercure | 18°C | 475 |
Eau | 20°C | 73 |
Eau | 80°C | 62 |
Huile d'olive | 20°C | 32 |
Théorème de Laplace
Un petit contour circulaire pris dans la surface libre plane d'un liquide en équilibre est soumis à des forces de tension superficielle situées dans son plan et dont la résultante est nulle. Par contre, pour une surface sphérique, les forces exercées sur ce même contour ont une résultante orientée vers l'intérieur de la sphère ; il faut donc une surpression \(\Delta p\) pour que l'équilibre existe. On voit immédiatement que plus la courbure est importante et plus \(\Delta p\) sera grand.
On peut facilement obtenir l'expression de la différence de pression à l'aide d'un raisonnement énergétique. Considérons une bulle de gaz contenue dans un liquide et appelons \(\gamma\) la tension superficielle de l'interface gaz-liquide. Supposons que l'on fasse subir à la bulle une transformation quasi statique en augmentant son rayon de d\(R\). L'aire de l'interface augmente donc de \(\text{d}\mathcal{S}=8\pi R\text{d}R\) et le volume de la bulle de \(\text{d}\mathcal{V}=4\pi R^2\text{d}R\). Appliquons le théorème de l'énergie cinétique en choisissant comme système l'interface : \[ \text{d}E_{\text{c}}=0=\delta W_{\text{ext}}+\delta W_\text{int} \] Les forces extérieures sont les forces de pression \(p_\text{int}\) et \(p_{\text{ext}}\) de sorte que \[ \delta W_\text{ext}=-p_{\text{ext}}\text{d}\mathcal{V}+p_{\text{int}}\text{d}\mathcal{V} \] Par ailleurs, les forces internes sont les forces de tension superficielles qui dérivent d'une énergie potentielle : \[ \text{d}W_{\text{int}}=-\gamma \text{d}S=-8\gamma \pi R\text{d}R \] On a donc \[ \Delta p 4\pi R^2\,\text{d}R-8\gamma\pi R\,\text{d}R=0 \quad\Rightarrow\quad \Delta p=p_{\text{int}}-p_{\text{ext}}=\frac{2\gamma}{R} \] De la même manière, à l'intérieur d'une bulle de savon, il règne une surpression \[ \Delta p=p_{\text{int}}-p_{\text{ext}}=\frac{4\gamma}{R} \] où le facteur 4 est dû au fait que la bulle de savon présente deux interfaces liquide-gaz. Ainsi la surpression est d'autant plus importante que la courbure moyenne \(C=2/R\) est importante. La généralisation à une géométrie quelconque est donnée par la loi de Laplace-Young :
Loi de Laplace-Young
La différence de pression entre deux milieux non miscibles séparés par une interface de tension superficielle \(\gamma\), est donnée par \[ p_1-p_2=\gamma\left(\frac{1}{R_{1}}+\frac{1}{R_{2}}\right) \] où \( R_{1} \) et \( R_{2} \) sont les rayons de courbure principaux de la membrane au point considéré. Ces rayons sont définis positifs quand le rayon de courbure est du coté du milieu 1. Dans le cas d'une interface sphérique, ces deux rayons de courbure s'identifient au rayon de la sphère.
Ordre de grandeur — Pour une bulle de savon de rayon \(R\simeq 1\,\mathrm{cm}\) et \(\gamma\simeq 25.10^{-3}\mathrm{N.m^{-1}}\) on obtient \(\Delta p\simeq 10\,\mathrm{Pa}\). Pour faire des grosses bulles il faut fournir beaucoup d'énergie (surface importante) et générer une faible surpression ; il faut donc souffler tout doucement et longtemps.
Mûrissement d'une mousse — Dans une mousse humide (mousse à raser, mousse de bière, etc.), du gaz est enfermé dans des bulles sphériques séparées par un film liquide pouvant plus ou moins laisser diffuser le gaz selon l'épaisseur de la membrane et la taille des molécules gazeuses. Le gaz emprisonné est en surpression par rapport au liquide en vertu de la loi de Laplace-Young \[ \Delta p=\frac{2\gamma}{R} \] Ainsi la pression est plus importante dans les petites bulles. C'est ce qui explique le phénomène de mûrissement d'une mousse: Le gaz contenu dans les petites bulles traversent la membrane liquide par diffusion pour se diriger dans les zones de moins grande pression, c'est-à-dire, dans les grosses bulles. Les petites bulles se vident donc dans les grosses et la mousse s'enrichit en grosses bulles.
Surface minimale — Lorsque l'on trempe une structure métallique dans une eau de savon, on obtient une surface minimale (l'interface va chercher a minimiser l'énergie superficielle) qui a la propriété suivante : si la surface est ouverte, \(\Delta p=0\) et donc \[ \frac{1}{R_{1}}+\frac{1}{R_{2}}=0 \] On dit que la courbure moyenne est nulle. Dans la plupart des cas on obtient des lames planes qui forment une surface minimale \((R_{1},R_{2}\rightarrow\infty)\). On peut aussi obtenir des lames avec deux rayons de courbures opposées comme sur la Fig. 8 montrant une caténoïde.
Mouillage
Angle de contact
Équilibre au contact de trois fluides — Déposons une petite quantité de liquide 2 sur un autre liquide 1 plus dense. L'ensemble des points en contact avec les deux liquides et l'air forme une ligne, dite ligne triple. Intéressons nous aux forces capillaires s'exerçant sur cette ligne triple. L'équilibre n'est possible que si la résultante des forces capillaires peut s'annuler ce qui définit l'angle de contact \(\theta\) : \[ \overrightarrow{\gamma}_{12}+\overrightarrow{\gamma}_{23}+\overrightarrow{\gamma}_{31}=\overrightarrow{0} \] où le vecteur \(\overrightarrow{\gamma}_{ij}=\frac{\text{d}\overrightarrow{f}_{ij}}{\text{d}\ell}\) désigne la densité linéique de force capillaire. Cet équilibre suppose que l'on puisse former un triangle (dit triangle de Neumann) avec les trois vecteurs \(\overrightarrow{\gamma}_{ij}\) ce qui n'est possible qu'à condition que chaque tension de surface soit inférieure à la somme des deux autres. Dans le cas contraire, le liquide 2 s'étale sur le liquide 1 : on dit qu'il y a mouillage total.
Exercice
Déposons une goutte d'huile d'olive sur de l'eau. Sachant que \(\gamma_{\text{eau-air}}=73\;\mathrm{mN.m^{-1}}\), \(\gamma_{\text{huile-air}}=32\;\mathrm{mN.m^{-1}}\) et \(\gamma_{\text{huile-eau}}=18\;\mathrm{mN.m^{-1}}\), dire s'il y a étalement ou non.
Rép. — Comme \(73>18+32\), la condition d'équilibre n'est pas respectée et l'huile d'olive s'étale.
Équilibre d'un liquide au contact d'un solide — Déposons une goutte de liquide sur un support plan. En général, le liquide adopte la forme décrite sur la figure ci-contre, résultat d'un compromis entre le poids qui tends à diminuer la position du centre de gravité de la goutte et des forces capillaires qui tendent à minimiser l'aire de la surface libre. À l'équilibre, la résultante des forces capillaires en un point de la ligne triple s'annule. En projection sur le plan de la surface solide, on a donc \[ \gamma_{SL}+\gamma_{LV}\cos\theta=\gamma_{SV} \] Cette relation trouvée par Young en 1805 définit l'angle de contact \(\theta\).
On distingue trois cas de figure :
- \(\theta>\pi/2\) : le liquide est non mouillant (exemple : verre-mercure-air)
- \(\theta \in [0,\pi/2]\) : il y a mouillage partiel (exemple : verre-eau-air)
- Lorsque l'angle de contact n'est pas défini, il y a mouillage complet du liquide sur le substrat solide.
Remarque
Dans la direction perpendiculaire à la surface solide, les forces capillaires ne se compensent pas ce qui signifie que le solide se déforme. On peut montrer que pour les solides courants, cette déformation est plus petite que la taille d'un atome et donc négligeable.
Ascension capillaire
Quand on plonge un capillaire propre (tube étroit de rayon \(r\)) dans de l'eau, on observe l'ascension d'une colonne d'eau dans le capillaire malgré la pesanteur. Cette ascension est d'autant plus importante que le rayon est petit. \[ h= \frac{\mathrm{C^{te}}}{r}\quad\text{Loi de Jurin} \] où la constante dépend du liquide et de l'angle de contact.
On peut utiliser la loi de Laplace-Young pour démontrer la loi de Jurin. En effet, considérons l'interface liquide raccordée à la paroi du tube avec un angle \(\theta\) et supposons que le ménisque est sphérique de rayon \(R\). L'air étant à la pression \(p_0\), la pression qui règne dans le liquide au voisinage du ménisque vaut \(p_0-\Delta p\) avec \(\Delta p=2\gamma/R\) en vertu de la loi de Laplace-Young. Le rayon de courbure vaut \(R=r/\cos\theta\) d'où \[ p_h=p_0-\frac{2\gamma \cos\theta}{r} \] Or si l'on applique les lois de l'hydrostatique au niveau de la surface libre du récipient dans lequel plonge le tube, on trouve \[ p_0=p_0-\frac{2\gamma \cos\theta}{r}+\rho g h \quad \Rightarrow\quad h=\frac{2\gamma\cos\theta}{\rho g}\frac{1}{r} \] Il y a donc ascension capillaire si le liquide mouille la paroi (\(\theta <\pi/2\)). Par contre pour un liquide non mouillant il y a descente capillaire (cas du mercure dans un capillaire en verre).
Exemple
Pour l'eau dans un tube de verre propre l'angle de raccordement vaut 0 (l'eau mouille le tube). Si \(r=0,01\;\mathrm{mm}\) on obtient \[ h=\frac{2\gamma}{\rho g}\frac{1}{r}=1,5\,\mathrm{m} \] l'ascension peut donc être très importante. C'est ce qui explique par exemple les remontées d'humidité par capillarité que l'on peut observer dans des milieux poreux notamment dans certains bâtiments.
Remarque
la loi de Jurin suppose que le ménisque est sphérique et donc que la pression sous le ménisque est uniforme. Or rigoureusement, comme les bords du ménisque sont plus haut que le centre, cette pression ne peut pas être uniforme. Elle ne peut l'être qu'approximativement à condition que l'élévation du ménisque soit négligeable devant la hauteur d'ascension \(h\). Il est facile de montrer que cette condition se traduit par \[ r\ll \frac{\cos\theta}{\sqrt{1-\sin\theta}}\sqrt{\frac{\gamma}{\rho g}} \] Pour les petits angles cela donne \[ r\ll \sqrt{\frac{\gamma}{\rho g}}\simeq 2,7\;\mathrm{mm}\quad \text{pour l'eau} \]
Pour en savoir plus...
- Gouttes, bulles, perles et ondesBelin, 2002.
- Mécanique Physique1961.
- Les surfaces superhydrophobes Images de la physique - CNRSp.239-244, 2005.
- L'étalement d'une goutte sur un solide. rôle des forces à longue portée Images de la physique - CNRSp.74-79, 1989.
- La coalescence Bulletin de la SFP№115, 1998.