F

MENUCours de Physique statistique

Un gaz peut, en première approximation, être décrit comme un ensemble de particules libres enfermées dans une boîte. Lorsque les interactions se résument aux seules collisions avec les parois, on dit que le gaz est parfait. Il s’agit d’une part d’établir les lois macroscopiques des gaz parfaits et d’autre part d’aborder la théorie cinétique des gaz.

Gaz parfait monoatomique

Nous décrivons ici, à l'aide des lois de la physique statistique, les propriétés d'un gaz parfait en équilibre avec un thermostat de température \(T\) et constitué de \(N\gg1\) atomes ponctuels (trois degrés de liberté), indépendants (pas d'interaction inter-atomique) et indiscernables (états de translations délocalisés).

Approximation de Maxwell-Boltzmann

Dans un gaz parfait de particules identiques, les états sont indiscernables et le résultat est différent suivant qu’on traite un gaz de bosons ou un gaz de fermions. C’est pourquoi un gaz de photons (rayonnement du corps noir) n’obéit pas aux mêmes lois qu’un gaz d’électrons (les électrons de conduction). Par contre, nous constatons tous les jours que dans les conditions ordinaires, les lois sur les gaz moléculaires ne dépendent pas de la nature (bosons ou fermions) des particules. La raison est liée au fait que la probabilité que deux molécules occupent le même état est complètement négligeable. En d’autres termes, le principe de Pauli est de facto respecté fermion ou pas ! On montre alors que pour calculer \(Z\) il suffit de considérer le système constitué de \(N\) particules discernables puis de diviser par les \(N!\) permutations  (voir [5]):

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle Z_{\text{MB}}=\frac{z^{N}}{N!} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

Il s’agit de l’approximation de Maxwell-Boltzmann valable pour un gaz moléculaire (non valide pour un gaz d’électrons à température ambiante).

Calcul de \(Z_{\rm MB}\)

La fonction de partition individuelle \(z\) est déterminée dans la cadre de la mécanique quantique. On fera le calcul en considérant une particule de masse \(m\) enfermée dans une boîte cubique d’arête \(a\) et on admettra que le résultat est valide pour un volume quelconque. Dans un cube d’arête \(a\), l’énergie cinétique des atomes est quantifiée et obéit à la loi \[ \varepsilon_{n_{x},\, n_{y},\, n_{z}}=\frac{h^{2}}{8ma^{2}}(n_{x}^{2}+n_{y}^{2}+n_{z}^{2}) \quad\text{avec}\quad (n_{x},\, n_{y},\, n_{z})\in \mathbb{N}^{*3} \] d’où \[ z=\sum_{n_{x}=1}^{\infty}\sum_{n_{y}=1}^{\infty}\sum_{n_{z}=1}^{\infty} \mathrm{e}^{-\beta\varepsilon_0(n_{x}^{2}+n_{y}^{2}+n_{z}^{2})} \quad\text{où}\quad \varepsilon_0=\frac{h^{2}}{8ma^{2}} \qquad\text{et}\qquad \beta=1/k_BT \]

La somme se ramène donc à un produit de trois termes identiques. \[ z=\left(\sum_{n=1}^{\infty}\mathrm{e}^{-\beta \varepsilon_0 n^{2}}\right)^{3} \] La fonction à sommer varie lentement avec \(n\). On peut l’approcher par une intégrale : \[ \sum_{n=1}^{\infty}\mathrm{e}^{-\beta \varepsilon_0 n^{2}} \simeq \int_{0}^{\infty}\mathrm{e}^{-\beta \varepsilon_0x^{2}}\,\text{d}x= \frac{1}{2}\sqrt{\frac{\pi}{\beta \varepsilon_0}}=\sqrt{2\pi m\,k_{B}T}\frac{a}{h} \]

Calcul de la fonction de partition
La somme \(\sum_{n=1}^{\infty}\mathrm{e}^{-\alpha n^{2}}\) peut s'approcher par l'intégrale \(\int_0^\infty \mathrm{e}^{-\alpha x^{2}}\,\text{d}x\) si \(\alpha \ll 1\).

Ainsi, si l’on note \(V=a^{3}\) le volume de la boîte, on obtient : \[ z=\frac{V}{h^{3}}\left(2\pi m\,k_{B}T\right)^{3/2} \] Finalement, la fonction de partition d’un gaz parfait monoatomique dans l’approximation de Maxwell-Boltzmann s’écrit

\begin{equation} Z_{\text{MB}}(T,V,N)= \frac{1}{N!}\left(\frac{V}{h^{3}}\right)^{N}\left(2\pi m\,k_{B}T\right)^{3N/2} \end{equation}

Équation d’état

Cherchons la relation \(f(\overline{p},V,T,N)=0\) qui relie pression moyenne, volume, température et quantité de matière pour un gaz parfait monoatomique. La pression moyenne est obtenue par exemple grâce à l’énergie libre : \[ F(T,V,N)=-k_{B}T\ln Z_{\text{MB}}(T,V,N) \quad\text{et}\quad \text{d}F=-S\text{d}T-\overline{p}\text{d}V+\mu\text{d}N \] La pression moyenne \(\overline{p}\) s’interprète donc comme une dérivée partielle de \(F\) : \[ \overline{p}=\left.-\frac{\partial F}{\partial V}\right|_{N,T}=k_{B}T\left.\frac{\partial \ln Z_{\rm MB}}{\partial V}\right|_{N,T} \] D’après la relation (1) , \(\left.\dfrac{\partial \ln Z_{\rm MB}}{\partial V}\right|_{N,T}=\dfrac{N}{V}\) de sorte que l’équation d’état du gaz parfait s’écrit

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \overline{p}V=Nk_{B}T \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

On notera la disparition de la constante de Planck dans l’équation d’état ce qui signifie que l’on peut retrouver ce résultat à l’aide d’un raisonnement classique.

Par définition de la température thermodynamique on a, pour un gaz réel : \[ R\,T=\lim_{p\to 0}\frac{pV}{n} \] où \(R\) est une constante universelle et \(n\) le nombre de mole. On voit alors que notre définition de la température coïncide avec la définition de la température thermodynamique à condition que \[ k_{B}=\frac{R}{N_\text{A}} \] Depuis le 20 mai 2019, le kelvin est défini en fixant la valeur de la constante de Boltzmann. On a \[ k_{B}=1,380 649\cdot10^{-23}\,\mathrm{J.K^{-1}} \]

Energie interne

L’énergie interne du gaz vaut \[ U=\left.-\frac{\partial\ln Z_{MB}}{\partial\beta}\right|_{N,V} = -N\left.\frac{\partial\ln z}{\partial\beta}\right|_{V}=N\frac{3}{2\beta} \] c’est-à-dire,

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle U=\frac{3}{2}Nk_{B}T=\frac{3}{2}nRT \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

où \(n\) est le nombre de moles et \(R\) la constante des gaz parfaits. On trouve ici une interprétation simple de la température : si l’on calcule l’énergie cinétique moyenne de chaque atome on trouve \[ \overline{e_{c}}=3/2k_BT=\overline{1/2mv_x^2}+\overline{1/2mv_y^2}+\overline{1/2mv_z^2} \] Comme les trois directions sont équivalentes, on a

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \overline{1/2mv_x^2}=\frac{1}{2}k_BT \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

La température est proportionnelle à l’énergie moyenne de translation ; on parle d’énergie d’agitation thermique. De plus l’énergie se répartit en terme égal entre les trois degrés de liberté. Il s’agit d’une conséquence du théorème d’équipartition de l’énergie :

Théorème de l’équipartition de l’énergie

Dans un système classique en équilibre à la température T, chaque degré de liberté intervenant de façon quadratique dans l’énergie, contribue pour \(\frac12 k_BT\) à l’énergie totale.

Un système est dit classique quand les effets quantiques sont négligeables. Ceci est réalisé quand l’énergie thermique \(1/2k_B T\) est beaucoup plus grande que l’écart entre deux niveaux d’énergie consécutifs.

Capacité thermique

On en déduit la capacité calorifique à volume constant \[ C_{v,\text{m}}=\frac{1}{n}\left.\frac{\partial U}{\partial T}\right|_{N,V}=\frac{3}{2}R \]

Exemple

Pour l’argon (\(M=40\;\mathrm{g.mol^{-1}}\)), on a une capacité thermique \[ C_{v,\text{m}}=\frac{3}{2}R=12,5\;\mathrm{J.K^{-1}.mol^{-1}} \quad\Rightarrow\quad c_\text{v}=0,31\;\mathrm{J.K^{-1}.g^{-1}} \] quatorze fois plus faible que celle de l’eau à masse égale (\(c_\text{v}=4,18\;\mathrm{J.K^{-1}.g^{-1}}\)).

Formule de Sackur-Tetrode

Calculons maintenant l’entropie d’un gaz parfait monoatomique. On peut l’obtenir soit à partir de la définition de \(F\) soit à partir de l'une de ses dérivées partielles : \[ S=-\left.\frac{\partial F}{\partial T}\right|_{N,V} \qquad\text{ou}\qquad S=\frac{U-F}{T} \] L’énergie libre s’obtient à partir de \(Z_{\text{MB}}\) et de l’approximation de Stirling : \[ F=-k_{B}T\ln Z_{\text{MB}}= -Nk_{B}T\left[\ln\left(\frac{V}{N}\right)+\frac{3}{2}\ln\left(\frac{2\pi m\,k_{B}\,T}{h^{2}}\right)+1\right] \] Notez que l’énergie libre est une fonction d’état extensive. La présence du terme \(1/N!\) dans la fonction de partition –et donc l’indiscernabilité– est essentielle pour assurer l’extensivité de l’énergie libre et de l’entropie. On déduit l’entropie \[ S= Nk_{B}\left[\ln\left(\frac{V}{N}\right)+\frac{3}{2}\ln\left(\frac{2\pi m\,k_{B}\,T}{h^{2}}\right)+\frac{5}{2}\right] \]

Paradoxe de Gibbs

Plaçons deux gaz parfaits dans une boîte séparée en deux parties par une cloison diatherme et mobile puis attendons l'équilibre thermique et mécanique. Les gaz sont alors à la même température et à la même pression. Enlevons la cloison. Deux cas de figure se présentent :

On doit donc avoir \(2S(T,N,V)=S(T,2N,2V)\). Or sans l'hypothèse de l'indiscernabilité, l'entropie n'est pas extensive et cette propriété est alors violée. On arrive alors à un paradoxe puisque dans ce cas on prévoit une variation d'entropie alors que l'état initial et final sont identiques. Ce problème pointé par Willard Gibbs en 1861 porte le nom de paradoxe de Gibbs. On le résout en postulant l'indiscernabilité des molécules dans un gaz.

Lorsque l’on exprime la pression en pascal, la température en kelvin et masse molaire \(M\) en g/mol, on obtient \[ S=nR\left[\ln\left(\frac{T^{5/2}}{\overline{p}}\right)+\frac{3}{2}\ln M-1,1646\right] \] Ce résultat est connu sous le nom de relation de .

Entropies molaires des gaz rares à 298 K et 1 atm
Élement Entropie semi-empirique (J.K-1.mol-1) Entropie statistique (J.K-1.mol-1)
Ne \(146,5\pm0,5\) 146,2
Ar \(154,6\pm0,5\) 154,8
Kr \(163,9\pm0,5\) 164
Xe \(170\pm 1\) 169,6

Le tableau-1 compare les valeurs théoriques (relation de Sackur-Tetrode) avec les valeurs expérimentales déduites des coefficients calorimétriques par la relation \[ S=\int_{0}^{T}\frac{nC_{p,\text{m}}(T)}{T}dT+\sum\frac{nL_{i}}{T_{i}} \] où le dernier terme représente la variation d’entropie lors des changements d’état. On voit que l’accord est excellent compte tenu des incertitudes expérimentales.

Remarque

On notera la présence dans l’entropie statistique d’une constante issue de la mécanique quantique : la constante de Planck. Ainsi il est possible de mesurer la constante de Planck à partir de mesures thermodynamiques. Cependant la précision limitée des données thermodynamiques est très loin de surpasser celle de la physique atomique. Par ailleurs, le modèle que nous venons de voir s’applique bien au cas des gaz rares mais est incomplet dans les autres cas (cf. section suivante).

Gaz parfait de particules composites

Généralités

En réalité, l’atome ou la molécule sont des structures composites. On ne peut pas les réduire à des points matériels à trois degrés de liberté. Par contre on montre que l’on peut découpler deux mouvements :

  1. Le mouvement du centre d’inertie G auquel on associe les trois degrés de translation.
  2. Le mouvement interne auquel on associe les degrés de liberté internes.

L’énergie d’une molécule s’écrit alors \[ \epsilon_{n_x,n_y,n_z,\lambda}=\frac{h^2}{8ma^2}(n_x^2+n_y^2+n_z^2)+\epsilon_{\lambda} \] où \(\epsilon_{\lambda}\) désigne l’énergie associée aux degrés de liberté internes (\(\lambda\) désigne l’ensemble des nombres quantiques associés à ces états internes). On admet que les degrés de liberté internes sont indépendants des degrés de liberté de translation de sorte que l’on peut écrire \[ z=z_{\text{tr}}\times z_{\text{int}} \] où \(z_{\rm tr}\) et \(z_{\rm int}\) désignent respectivement la fonction de partition individuelle associée aux états de translation du centre d’inertie et aux états internes à l’atome ou la molécule.

Dans un premier temps, on peut considérer qu’une molécule est un système constitué de \(p\) atomes ponctuels et donc sans structure interne. Dans ce cas, la molécule présente \(3p\) degrés de liberté qui se répartissent en :

En réalité il faut aussi tenir compte des différents états électroniques du cortège électronique de la . Si l’on admet que tous les degrés de liberté sont indépendants, on peut écrire

Fonction de partition d'un gaz polyatomique

\[ z=z_{\text{tr}}\times z_{\text{el}}\times z_{\text{rot}}\times z_{\text{vib}} \quad\text{et}\quad Z_{\text{MB}}=\frac{1}{N!}(z)^{N} \]

Notons tout de suite que la fonction de partition \(z_{\text{int}}\) est indépendante du volume \(V\) de l’enceinte, de sorte que la pression \(\overline{p}=k_{B}T\left.\frac{\partial \ln Z_{\rm MB}}{\partial V}\right|_{N,T}\) prend la même valeur que dans le cas du gaz parfait monoatomique. Ainsi,

Loi des gaz parfaits II

Tout gaz parfait, quelle que soit son atomiticité, vérifie l'équation d'état \(\overline{p}V=nRT\).

Les états de rotation

On se limite aux molécules linéaires (ex : O2, CO, CO2, etc.) et l’on se place dans l’approximation du rotateur rigide, c’est-à-dire que la distance inter-atomique est supposée fixée à sa valeur d’équilibre. Dans ce cas, il n’y a que deux degrés de liberté interne qui correspondent aux deux angles de rotation autour des deux axes perpendiculaires à l’axe internucléaire. Une molécule linéaire rigide de moment d’inertie \(I_{G}\) par rapport à son centre d’inertie et en rotation à la vitesse angulaire \(\omega\) autour de G possède une énergie cinétique barycentrique : \[ \epsilon_{\rm{rot}}=\frac{1}{2}I_{\text{G}}\omega^{2}= \frac{1}{2}\frac{L^{2}}{I_{G}} \] où \(L\) représente le moment cinétique barycentrique de la molécule. Or, la mécanique quantique stipule que le moment cinétique est quantifié : \[\left\{\begin{array}{rcl} L^{2} &=&\ell(\ell+1)\hbar^{2}\\ L_z &=& m\hbar \end{array}\right. \quad\text{avec}\quad \left\{\begin{array}{rcl} \ell &=& 0,1,\ldots \\ m &=& -\ell,-\ell+1,\ldots,\ell \end{array}\right.\] Ainsi, les niveaux de rotation s’écrivent \[\epsilon_{\ell}=\ell(\ell+1)\epsilon \quad\text{avec}\quad \varepsilon=\frac{\hbar^{2}}{2I_{G}} \] chaque niveau \(\epsilon_{\ell}\) étant dégénéré d’ordre \(g=2\ell+1\).

En thermodynamique statistique, on exprime souvent l’énergie en terme de température, c’est pourquoi on définit la température caractéristique \(\Theta_{\text{rot}}\) telle que

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \Theta_{\rm rot}=\frac{\varepsilon}{k_{B}} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]
Températures caractéristiques \(\Theta_{\rm rot}\)
Molécule \(\Theta_{\text{rot}} (K)\) Molécule \(\Theta_{\text{rot}} (K)\)
H2 88,6 N2 2,9
HD 66,5 F2 1,27
D2 44,3 Cl2 0,17
HCl 15,3 Br2 0,06
HBr 12,3 I2 0,027
HI 9,5 CO 2,8
O2 2,1 CO2 0,57

Calculons la fonction de partition associée aux états de rotation \[ z_{\text{rot}}=\sum_{\ell=0}^{\infty}(2\ell+1)\text{e}^{-\frac{\ell(\ell+1)\Theta_{rot}}{T}} \] Trois cas de figure se présentent :

Capacité thermique

L’énergie interne de rotation qu’il faut ajouter à l’énergie de translation pour tenir compte des deux degrés de rotation, vaut \[ U_{\text{rot}}=-N\frac{\partial\ln z_{\text{rot}}}{\partial\beta}=Nk_{B}T=nRT \quad\Rightarrow\quad \overline{\epsilon_{\rm rot}}=k_{B}T \]

Évolution de la capacité thermisuqe molaire en fonction de la température
Evolution de \(C_{v,\text{m}}\) en fonction de la température lorsque l'on tient compte des niveaux de rotation.

On retrouve les conclusions du théorème de l’équipartition : Chaque degré de rotation contribue, dans l’approximation classique, pour \(1/2k_BT\) dans l’énergie interne. Ainsi l’énergie d’un gaz parfait diatomique de température \(T\gg\Theta_{\text{rot}}\) vaut \[ U=U_{\text{tr}}+U_{\text{rot}}=\frac{5}{2}nRT \quad\Rightarrow\quad C_{v,\text{m}}=\frac{5}{2}R \] A basse température c’est-à-dire si \(T\ll\Theta_{\text{rot}}\), les états de rotations sont gelés et \(z_{\text{rot}}\simeq 1\). Ainsi \(U_{\text{rot}}=0\) et \(C_{v,\text{m}}=3/2R\). La figure ci-contre illustre l’évolution de \(C_{v,\text{m}}\) en fonction de la température adimensionné \(T/\Theta_{\rm rot}\). On remarque notamment que le domaine classique est atteint dès que \(T>2\Theta_{\rm rot}\).

Remarque

Pour les molécules linéaires centro-symétriques (A-A), le calcul précédent comptabilise deux fois trop d'état. Dans l'approximation classique on a \[ z_{\text{rot}}=\frac{T}{2\Theta_{\text{rot}}} \]

Les états de vibration

En réalité les molécules ne sont pas rigides et la liaison moléculaire présente une certaine élasticité que l’on modélise, en première approximation, à l’aide du modèle de l’oscillateur harmonique. Là encore nous restreignons l’étude au cas des molécules diatomiques.

Une molécule A-B dont la cohésion est assurée par une liaison chimique peut être décrite dans le référentiel barycentrique par un oscillateur de raideur \(k\), de masse \(\mu\) (masse réduite) et de fréquence propre \(\nu_{0}\) telles que \[ \nu_{0}=\frac{1}{2\pi}\sqrt{\frac{k}{\mu}} \quad\text{avec}\quad \mu=\frac{m_{\text{A}}m_{\text{B}}}{m_{\text{A}}+m_{\text{B}}} \] La mécanique quantique montre alors que les états sont quantifiés et décrit à l’aide d’un nombre quantique \(n\) associé à l’énergie. En prenant l’origine des énergies au niveau fondamental \(n=0\) on a \[ \varepsilon_{n}=nh\nu_{0} \quad\text{avec}\quad n\in\mathbb{N} \] Là encore, on peut définir une température caractéristique \(\Theta_{\text{vib}}\)

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \Theta_{\text{vib}}=\frac{h\nu_{0}}{k_{B}} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

Dont quelques valeurs sont données dans le tableau-3. On remarque que \(\Theta_{\text{vib}}\) est, à quelques exceptions près, supérieur à \(1000\, \mathrm{K}\), ce qui signifie qu’à la température ambiante, les niveaux de vibrations ne sont que partiellement peuplés (on est loin de l’approximation classique) ; les états de vibration sont “quasiment gelés”.

Températures caractéristiques \(\Theta_{\rm vib}\)
Molécule\(\Theta_{\text{vib}} (K)\)Molécule\(\Theta_{\text{vib}} (K)\)
H26210N23340
HD5380F21284
D24390Cl2810
HCl4140Br2470
HBr3700I2310
HI3200CO3070
O22230CO2960,960,1850,3380

La fonction de partition associée aux états de vibration se calcule aisément à l’aide de l’identité \(\sum_{n=0}^{\infty}a^{n}=1/(1-a)\) (si \(|a|<1\)) : \[ z_{\text{vib}}= \sum_{n=0}^{\infty}\left(\text{e}^{-\frac{h\nu_{0}}{k_{B}T}}\right)^{n}= \frac{1}{1-\text{e}^{-\frac{\Theta_{\text{vib}}}{T}}} \] On en déduit l’énergie de vibration \[ U_{\text{vib}} = -N\frac{\partial\ln z_{\text{vib}}}{\partial\beta} = Nk_B T^2\frac{\partial\ln z_{\text{vib}}}{\partial T} = nRT\left[\frac{x}{\exp x-1}\right] \quad\text{avec}\quad x=\frac{\Theta_{\text{vib}}}{T} \] Le calcul de la capacité thermique associée aux degrés de vibration ne pose pas de problème : \[ C_{v,\text{m}}^\text{vib}= \left.\frac{\partial U_{\rm vib}}{\partial T}\right|_{V,n=1} = R\frac{x^2e^x}{(e^x-1)^2} \]

On voit que dans l’approximation classique, c’est-à-dire lorsque \(T\gg\Theta_{\text{vib}}\), on obtient \(U_{\text{vib}}=nRT\) ce qui est bien compatible avec le théorème de l’équipartition de l’énergie. En effet, l’énergie vibrationnelle est de nature cinétique et élastique : \(\epsilon=1/2kx^2+1/2\mu\dot x^2\). Chacun des termes contribuera pour \(1/2k_BT\) à l’énergie moyenne ce qui donne bien \(nRT\) pour \(n\) moles. Il faut alors ajouter une contribution vibrationnelle à la capacité thermique

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle C_{v,\text{m}}=\frac{5}{2}R+C_{v,\text{m}}^\text{vib} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]
Évolution de la capacité thermique en tenant compte des degrés de vibration
Évolution de la capacité thermique du di-hydrogène deutéré (HD).

On notera également qu’à suffisamment basse température, les états de vibration sont gelés et \(U_{\text{vib}}\to 0\). Pour résumer, la capacité thermique molaire d’un gaz parfait diatomique passe de la valeur \(3/2R\) à basse température à la valeur \(7/2R\) à haute température lorsque degrés de rotation et vibrations sont "dégelés". La figure suivante illustre cette évolution sur l’exemple du di-hydrogène deutéré.

Les états électroniques

Notons \(\varepsilon_{n}\) et \(g_{n}\), les niveaux d'énergie électroniques et leur dégénérescence associée. On fixe l'origine des énergies au niveau fondamental. La fonction de partition associée aux états électroniques s'écrit \[ z_{\rm el}=\sum_i g_i\mathrm{e}^{-\varepsilon_i/k_BT} \] Pour les atomes de gaz rare et les molécules à couches complètes, le niveau fondamental est non dégénéré (\(g_{0}=1\)) et le premier niveau excité est, à température modéré, inaccessible si bien que \(z_{el}\approx 1\) et la loi du gaz parfait ainsi que la formule de Sackur-Tetrode décrit correctement le gaz.

En revanche, pour les molécules à couches incomplètes (comme \(\mathrm{O_2}\), les radicaux libres), le niveau fondamental est souvent dégénéré. Dans ce cas il faut ajouter à la formule de Sackur-Tetrode le terme \(nR\ln g_{0}\).

Il arrive parfois que les premiers niveaux excités soient proches à cause du couplage spin-orbite (c'est en fait le couplage spin-orbite qui lève la dégénérescence du premier niveau excité). Dans la littérature, on donne souvent la température caractéristique des différents niveaux excités au lieu de donner les énergies. Le lien entre énergie et température est \[ \theta_{n}=\frac{\varepsilon_{n}}{k_{B}} \] Dans ce cas on approche \(z_{\rm el}\) par \[ z_{\text{el}}\simeq g_{0}+g_{1}\text{e}^{-\theta_{1}/T} \] si le premier niveau excité est partiellement peuplé (facteur de Boltzmann non négligeable).

Exemple

Le terme spectroscopique fondamental du monoxyde d'azote NO est \(^2\Pi\) (\(S=1/2\) et \(L=1\)). Par couplage spin orbite ce niveau se dédouble en deux sous niveaux : le niveau fondamental \(^2\Pi_{1/2}\) dégénéré 2 fois et le premier niveau excité \(^2\Pi_{3/2}\) dégénéré 4 fois dont la température caractéristique vaut \(\theta_1=172\;\mathrm{K}\). Ainsi, la fonction de partition électronique de la molécule vaut, à température modérée \[ z_{\rm el}=2+4\,\mathrm{e}^{-172/T} \]

Évolution du facteur calorimétrique

Par définition le facteur calorimétrique \(\gamma\) est le rapport des capacités thermiques isobare et isochore :

facteur calorimétrique

\[ \gamma\stackrel{\text{def}}=\frac{C_p}{C_v} \quad\text{avec}\quad \left\{\begin{array}{ccc} C_v &=&\dfrac{\eth Q_{\text{v}}}{\text{d}T} \\[3mm] C_p &=&\dfrac{\eth Q_{\text{p}}}{\text{d}T} \end{array}\right. \]

Rappelons que pour une transformation isochore on a \[ \eth Q_{\text{v}}=\text{d}U \quad\Rightarrow\quad C_v=\left.\frac{\partial U}{\partial T}\right|_{V,N,x} \] et pour une transformation isobare \[ \eth Q_{\text{p}}=\text{d}H \quad\Rightarrow\quad C_p=\left.\frac{\partial H}{\partial T}\right|_{\overline{p},N,x} \] où \(H=U+\overline{p}V\) désigne l’enthalpie.

Pour un gaz parfait, on a les propriétés suivantes.

  1. On a la relation évidente \(H=U+nRT\) de sorte que les capacités thermiques molaires sont reliés simplement par la formule de Mayer : \[C_{p,\text{m}}-C_{v,\text{m}}=R\]
  2. L’énergie interne molaire ne dépend que de la température. C’est donc aussi le cas de l’enthalpie molaire. Par conséquent le facteur \(\gamma\) ne dépend que de la température et de la nature du gaz.
Quelques valeurs expérimentales pour deux gaz rares.
GazTempérature\(\gamma\)
Argon15°C1,65
Hélium18°C1,66

Cas des gaz monoatomiques — Pour des températures inférieures à \(10000\,\mathrm{K}\), les états électroniques sont gelés et l’on a \(U=U_{\text{tr}}=\frac32 nRT\) ce qui donne

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle C_{v,\text{m}}=\frac{3}{2}R\quad\Rightarrow\quad C_{p,\text{m}}=\frac{5}{2}R\quad\Rightarrow\quad\gamma=\frac{5}{3} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

Cas des gaz diatomiques — Contrairement au cas du gaz monoatomique, \(\gamma\) varie au cours de la température car les états de rotations se “dégèlent” lorsque \(T>2\Theta_{\text{rot}}\) ainsi que les états de vibration lorsque \(T>\Theta_{\text{vib}}\). La figure ci-dessous illustre cette évolution dans le cas du di-hydrogène deutéré.

Influence de la température sur le facteur gamma
Influence de la température sur le facteur \(\gamma\) de l'hydrogène deutéré.
Valeurs expérimentales pour quelques gaz diatomiques.
GazTempérature (°C)\(\gamma\)
Diazote0-2001,41
Dihydrogène161,41
Dioxygène13-2071,40
Air0-1001,40

On distingue trois domaines : \[ \begin{cases} C_{v,\text{m}}=\frac{3}{2}R\quad\Rightarrow\quad \gamma=\frac{5}{3} & \text{si}\quad T\ll \Theta_{\text{rot}} \\ C_{v,\text{m}}=\frac{5}{2}R\quad\Rightarrow\quad \gamma=\frac{7}{5} & \text{si}\quad \Theta_{\text{rot}}\ll T\ll \Theta_{\text{vib}}\\ C_{v,\text{m}}=\frac{7}{2}R\quad\Rightarrow\quad \gamma=\frac{9}{7} & \text{si}\quad \Theta_{\text{vib}}\ll T\ll 10000\;\mathrm{K} \end{cases} \] On retiendra qu’en général à température ambiante, \(\gamma =\frac75\) pour un gaz diatomique comme le confirme le tableau-5.

Cas des molécules complexes — Dans le cas des molécules formées de \(n\) atomes, les \(3n\) degrés de liberté se distribuent ainsi :

Valeurs expérimentales pour quelques gaz diatomiques.
GazTempérature (°C)\(\gamma\)
CO2201,29
H201001,33

La plupart du temps les degrés de vibration sont gelés à température ambiante de sorte que l’on a \[ \begin{cases} C_{v,\text{m}}=\frac{5}{2}R\quad\Rightarrow\quad \gamma=\frac{7}{5} & \text{si la molécule est linéaire}\\ C_{v,\text{m}}=3R\quad\Rightarrow\quad \gamma=\frac{4}{3} & \text{sinon}. \end{cases} \] C’est le cas de l’eau à température ambiante comme le montre le tableau-6. Par contre, pour le dioxyde de carbone, il y a deux modes de vibrations qui sont partiellement excités à température ambiante (\(\theta_{\rm vib}=960\;\mathrm{K}\)) ce qui explique que \(\frac{11}{9}<\gamma_{\mathrm{CO_2}}<\frac75\)

Théorie cinétique des gaz (1859)

Il s’agit ici de déterminer la distribution des vitesses des molécules d’un gaz parfait thermalisé à la température \(T\). Nous ferons le calcul pour un gaz parfait constitué d’atomes sans degrés de liberté interne. Cependant le résultat sera général puisque les degrés de liberté internes sont indépendants de la vitesse des molécules (degrés de translation).

Densité d’état en énergie

Considérons un atome libre de se mouvoir dans une boîte cubique d’arête \(a\) et cherchons à calculer le nombre de micro-états accessibles lorsque l’énergie de la particule est comprise entre \(E\) et \(E+\text{d}E\). Ici, il est judicieux de calculer le nombre \(\Phi(E,N,V)\) de micro-états tel que \(E_{\ell}<E\).

On sait que l’énergie d’un atome dans une boîte cubique d’arête \(a\) fait intervenir trois nombres quantiques : \[ E_{\ell}=\epsilon_{0}(n_{x}^{2}+n_{y}^{2}+n_{z}^{2}) \quad \text{avec}\quad \epsilon_{0}=\frac{h^{2}}{8ma^{2}} \] Le nombre \(\Phi\) de micro-états pour lesquels l’énergie \(E_{\ell}<E\) correspond donc au nombre de triplets \((n_{x},n_{y},n_{z})\) tel que \[ (n_{x}^{2}+n_{y}^{2}+n_{z}^{2})\leq E/\epsilon_{0} \] Si l’on raisonne dans l’espace des états (cf. figure), \(\Phi\) s’interprète comme le nombre de nœuds d’un réseau cubique d’arête \(a_{0}=1\) compris dans \(\frac18\)ème de sphère de rayon \(R=\sqrt{E/\epsilon_{0}}\).

Espace des états : chaque état est représenté par un nœud du réseau
Espace des états : chaque état est représenté par un nœud du réseau

Puisque \(R\gg 1\), on peut approcher \(\Phi\) en divisant le volume de la portion de sphère par le volume d’une maille du réseau (cube d’arête 1) : \[ \begin{array}{rcl} \Phi &=& \dfrac{1}{8}\dfrac{4/3\pi R^{3}}{a_{0}^3}\\ &=&\dfrac{1}{6}\pi\left(\dfrac{E}{\epsilon_{0}}\right)^{3/2} \\ \Phi &=&\dfrac{4}{3}\pi\dfrac{V(2mE)^{3/2}}{h^{3}} \end{array} \] Le nombre de micro-états dont l’énergie est comprise entre \(E\) et \(E+\text{d}E\) est donné par \[ \Omega=\Phi(E+\text{d}E,N,V)-\Phi(E,N,V)\simeq\frac{\partial \Phi}{\partial E}\text{d}E \] Par définition, la densité d’état en énergie \(\rho_{\text{e}}\) est le nombre de micro-états par unité d’énergie et vaut \[ \rho_{\text{e}} \stackrel{\text{def}}= \frac{\partial \Phi}{\partial E} \quad \Rightarrow \quad \Omega=\rho_{\text{e}}\;\text{d}E \]

À partir de \(\Phi=4\pi V\,(2mE)^{3/2}/(3h^{3})\), on obtient

\begin{equation} \Omega(E,V)=\dfrac{V}{h^{3}}4\pi m\sqrt{2mE}\;\text{d}E \end{equation}

Exercice

Calculer l'ordre de grandeur de \(\Omega\) en prenant \(V\sim 1\;\mathrm{m^{3}}\), \(m\sim 10^{-27}\;\mathrm{kg}\), \(E\sim 1\;\)J, \(h\sim 10^{-35}\;\mathrm{J.s}\) et \(\text{d}E\sim 10^{-10}\;\)J.

Rép. — La formule (2) donne \[ \Omega=\dfrac{1}{(10^{-33})^3}4\pi\times 10^{-27}\sqrt{2\times 10^{-27}\times 1}\times 10^{-10}\sim 10^{50} \]

Distribution des vitesses

Distribution des vitesses dans un gaz
Distribution des vitesses dans un gaz. Lorsque la température est multipliée par quatre, la vitesse la plus probable est multipliée par deux.

Dans un gaz parfait, on peut considérer que chaque atome est thermalisé avec le reste du . D’après la loi de Boltzmann, la probabilité \(\text{d}P(\epsilon)\) de trouver l’atome avec une énergie \(\epsilon\) à \(\mathrm{d}\epsilon>0\) près s’écrit \[ \text{d}P(\epsilon)=\frac{\text{e}^{-\epsilon/k_BT}}{z}\rho_{e}\,\text{d}\epsilon \quad\text{avec}\quad z=\frac{V}{h^{3}}(2\pi\,m\,k_{B}\,T)^{3/2} \] où \(z\) est la fonction de partition individuelle que nous avons déjà calculée. Par ailleurs, l’énergie des atomes étant uniquement cinétique, on a \[ \epsilon=\frac{1}{2}mv^{2}\quad\Rightarrow\quad \mathrm{d}\epsilon=mv\,\text{d}v \] Ainsi, la probabilité de trouver une molécule avec une vitesse \(v\) à \(\text{d}v\) près s’écrit \[ \text{d}P(v)= \left(\frac{m}{2\pi k_{B}T}\right)^{3/2}\text{e}^{-\frac{mv^{2}}{2k_{B}T}}4\pi v^{2}\,\text{d}v \] Il s’agit de la loi de Maxwell-Boltzmann concernant la répartition des vitesses (1859).

Cherchons maintenant la probabilité \(\text{d}P(\overrightarrow{v})\) qu’une molécule ait une vitesse \(\overrightarrow{v}=(v_{x},v_{y},v_{z})\) à \(\text{d}\overrightarrow{v}=(\text{d}v_{x},\text{d}v_{y},\text{d}v_{z})\) près. Dans l’espace des vitesses (O,\(v_{x}\),\(v_{y}\),\(v_{z}\)), \(\text{d}P(v)\) représente la probabilité que le vecteur vitesse \(\overrightarrow{v}\) ait son extrémité dans une coquille sphérique de rayon \(v\), d’épaisseur \(\text{d}v\) et donc de volume \(\text{d}\tau=4\pi v^{2}\text{d}v\). Quant à la probabilité \(\text{d}P(\overrightarrow{v})\), il s’agit de la probabilité que le vecteur vitesse pointe dans un petit volume \(\text{d}^{3}\tau=\text{d}v_{x}\text{d}v_{y}\text{d}v_{z}\). Par isotropie, tous les points de la sphère de rayon \(v\) sont visités avec la même probabilité de telle sorte que le rapport \(\text{d}P(\overrightarrow{v})/\text{d}P(v)\) représente le rapport des volumes \(\text{d}^{3}\tau/\text{d}\tau\) : \[ \frac{\text{d}P(\overrightarrow{v})}{\text{d}P(v)}= \frac{\text{d}^{3}\tau}{\text{d}\tau} \quad\Rightarrow\quad \text{d}P(\overrightarrow{v})= \left(\frac{m}{2\pi k_{B}T}\right)^{3/2}\text{e}^{-\frac{mv^{2}}{2k_{B}T}}\;\text{d}v_{x}\text{d}v_{y}\text{d}v_{z} \] On retiendra que la probabilité qu’un atome se déplace avec une vitesse \(\overrightarrow{v}\) à \(\mathrm{d} \overrightarrow{v}\) près, se met sous la forme

Loi de distribution des vitesses

\[ \text{d}P(\overrightarrow{v})=A\,\text{e}^{-\frac{mv^{2}}{2k_{B}T}}\;\text{d}v_{x}\text{d}v_{y}\text{d}v_{z} \]

Vitesses caractéristiques

On peut définir trois vitesses caractéristiques du chaos moléculaire qui règne dans un gaz thermalisé : la vitesse moyenne, la vitesse la plus probable ainsi que la vitesse quadratique.

Vitesse la plus probable — Toutes les vitesses n’ont pas la même chance d’être observées. Il existe en effet une vitesse \(\tilde v\) qui rend maximum la densité de probabilité \(\text{d}P/\text{d}v\) et qui ne dépend que de la température et de la nature du gaz. La densité de probabilité passe par un maximum lorsque \[ \frac{\text{d}}{\text{d}v}v^2\mathrm{e}^{-\frac{mv^2}{2k_B T}}= \left(2v-\frac{mv^3}{k_B T}\right)\mathrm{e}^{-\frac{mv^2}{2k_B T}}=0 \quad\Rightarrow\quad \tilde v=\sqrt{\frac{2k_B T}{m}}=\sqrt{\frac{2R T}{M}} \]

Vitesse moyenne — La vitesse moyenne \(\overline{v}\) est la moyenne de la norme du vecteur vitesse, c’est-à-dire \[ \overline{v} = \int v\,\text{d}P(v) = \int_{0}^{\infty}\left(\frac{m}{2\pi k_{B}T}\right)^{\frac32}\mathrm{e}^{-av^2}\,4\pi v^{3}\;\text{d}v \quad\text{avec}\quad a={\frac{m}{2k_{B}T}} \] Comme \(I_{3}=-\partial I_{1}/\partial a=1/(2a^{2})\) on obtient \[ \overline{v}= \left(\frac{m}{2\pi k_{B}T}\right)^{\frac{3}{2}}4\pi\frac{(2k_{B}T)^{2}}{2m^{2}}= \sqrt{\frac{8k_{B}T}{\pi m}}=\sqrt{\frac{8RT}{\pi M}} \] Cette vitesse est légèrement supérieure à la vitesse \(\tilde v\).

Vitesse quadratique — La vitesse quadratique \(v_{q}\) est l’écart-type du vecteur vitesse, c’est-à-dire la . \[ v_{q}^{2} = \overline{v^2}=\int v^{2}\;\text{d}P(v) = \int_{0}^{\infty}\left(\frac{m}{2\pi k_{B}T}\right)^{\frac32}\mathrm{e}^{-av^2}\,4\pi v^{4}\;\text{d}v \] expression qui fait intervenir l’intégrale \(I_{4} =\partial^{2}I_{0}/\partial a^{2} =3\sqrt{\pi}/(8a^{5/2})\) \[ v_{q}^{2}=\left(\frac{m}{2\pi k_BT}\right)^{\frac32}4\pi\frac{3\sqrt{\pi}}{8}\left(\frac{m}{2k_{B}T}\right)^{-\frac52} = \frac{3k_{B}T}{m} \] d’où

Vitesse quadratique

\[ v_{q}=\sqrt{\frac{3RT}{M}} \]

On notera que \(v_{q}\neq\overline{v}\). La vitesse quadratique est liée à l’énergie interne du gaz puisque \[ U_{\text{tr}}=\overline{\sum\frac{1}{2}mv_{i}^{2}}=N\frac{1}{2}mv_{q}^{2} \] La vitesse quadratique est donc la vitesse qui, dans l’hypothèse où toutes les molécules se déplaçaient à la même vitesse, donnerait un gaz de même énergie interne.

Ces trois vitesses ne dépendent que de la température et de la masse des molécules. Elles varient toutes comme \(\sqrt{T/m}\) : elles augmentent avec la température et sont d’autant plus importante que la molécule est légère. La hiérarchie des vitese se présente ainsi \[ \tilde{v}\leq\overline{v}\leq v_q \]

Vitesses moléculaires caractéristiques à 25°C pour différents gaz.
GazHeO2N2Ar
Vitesse \(\tilde v\;(\mathrm{m.s^{-1}})\)1113393421352
Vitesse \(\overline{v}\;(\mathrm{m.s^{-1}})\)1256444475397
Vitesse quadratique \(v_q\;(\mathrm{m.s^{-1}})\)1363482515431

Interprétation cinétique de la pression

collisions de particules sur la paraoi

La pression exercée par un gaz se mesure par la force qu’exerce ce gaz sur les parois par unité de surface. Pour un gaz parfait, ce sont les chocs incessants des molécules sur la paroi qui provoquent l’apparition d’une force de pression dirigée vers l’extérieur. On comprend dès lors que la pression moyenne est liée à l’agitation moléculaire.

Cherchons à exprimer la quantité de mouvement transférée à la paroi en moyenne et par unité de surface et de temps. Notons \(\text{d}N\) le nombre de molécules frappant l’aire infinitésimale \(\mathrm{d}S\) pendant \(\mathrm{d}t\) et ayant la vitesse \(\overrightarrow{v}\) à \(\mathrm{d}\overrightarrow{v}\) près. Ces molécules se trouvent dans l’espace représenté ci-contre dont le volume mesure \(v_x\text{d}t\times\text{d}S\). Dans ce volume, la concentration de molécules ayant effectivement une vitesse comprise entre \(\overrightarrow{v}\) et \(\overrightarrow{v}+\text{d}\overrightarrow{v}\) vaut \(\frac{N}{V}\text{d} P(\overrightarrow{v})\) de sorte que \(\mathrm{d}N\) s’écrit \[ \text{d}N=v_{x}\text{d}t\text{d} S\frac{N}{V}\text{d} P(\overrightarrow{v}) \] Ces molécules sont adsorbées à la surface puis désorbées. Pendant ce processus, la paroi reçoit une quantité de mouvement de la part de chaque molécule égal à \(2m\,v_x\). En vertu du principe fondamental de la dynamique, la paroi ressent donc une force \[ \text{d}F_x=\frac{2m\,v_x\times \text{d}N}{\text{d} t} = \frac{2mN}{V}\text{d}S\,v_{x}^2\text{d}\,P(\overrightarrow{v}) \] Ainsi, en sommant sur toutes les vitesses (à condition que \(v_x> 0\)), on obtient la force moyenne \[ \overline{F_x}= \frac{2mN}{V}\text{d}S\,\int_{v_{x}>0}\int_{v_{y}}\int_{v_{z}}v_{x}^2\,\text{d}P(\overrightarrow{v}) = \frac{mN}{V}\text{d} S\,\overline{v_{x}^{2}} \] Or, l’isotropie du gaz implique \[ \overline{v_{x}^2}=\frac{1}{3}\overline{v^{2}} \qquad\Longrightarrow\qquad \overline{F_x} = \frac23 \frac{N}{V}\text{d} S\,\overline{\frac12 mv^{2}} \] On constate que cette force est proportionnelle à l’aire de la portion de surface et qu’elle est dirigée perpendiculairement à celle-ci. Par définition, la pression cinétique \(p_{\rm c}\), es la force par unité de surface résultante des collisions moléculaire sur la paroi. On a \[ p_{\rm c}=\frac23 \frac{N}{V}\overline{\frac12 mv^{2}} \quad\text{ou encore}\quad p_{\rm c}V=\frac{2}{3}U \] La pression cinétique est donc proportionnelle à la densité volumique d’énergie liée à l’agitation thermique. Si on se rappelle que \(\overline{1/2 mv^{2}}=3/2 k_B T\), alors on obtient \[ p_{\rm c}V=Nk_B T \] Autrement dit, la pression d’un gaz parfait s'identifie à la pression cinétique.

Remarque

Dans un liquide, la pression \(p\) est le résultat des collisions et des interactions moléculaires de sorte que l'on peut écrire \[ p=p_{\rm c}+p_{\rm m} \] où \(p_{\rm m}\) désigne la pression moléculaire. Dans les conditions normales, cette pression moléculaire est négative et dépend de la densité et de la température.

Pour en savoir plus...

  1. B. Diu et al. Physique statistiqueHermann, 1989.
  2. C. Chahine et al. Thermodynamique statistique - résumés de cours et problèmes résolusParis, Dunod, 1976.
  3. F. Reif Berkeley : cours de physique, volume 5Paris, Dunod, 1976.
  4. E.G.D. Cohen Kinetic theory : understanding nature through collisions Am. J. Physvol.61, p.524, juin 1993.
  5. J. Roussel L'approximation de Maxwell-Boltzmann[en ligne], 2017. Disponible sur femto-physique.fr