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MENUCours d'Optique

Dans une première partie, nous avons vu comment une théorie géométrique de la lumière, essentiellement basée sur le concept de rayon lumineux, permet d'interpréter simplement la formation des images à l'aide de lentilles et/ou miroirs. Cette théorie approximative ne rend pas compte de l'aspect ondulatoire de la lumière. Or, on sait depuis la théorie électromagnétique de Maxwell et de sa confirmation par Hertz, que la lumière est une onde électromagnétique. Dès lors, certains phénomènes optiques ne peuvent pas s'interpréter sans tenir compte de ces aspects ondulatoires. Nous proposons dans ce chapitre une théorie ondulatoire de la lumière moins complète que la théorie de Maxwell mais suffisante dans de nombreux cas. Ceci étant dit, nous rappelons quelques résultats de la théorie électromagnétique afin que le lecteur garde à l'esprit la nature vectorielle et transversale de la lumière, laquelle permet d'expliquer certains phénomènes qui échappent à la théorie scalaire.

Nature électromagnétique de la lumière

En 1865, le physicien écossais James Clerk Maxwell publie son troisième et dernier article autour des phénomènes électriques et magnétiques et perce le secret de la lumière. D'une part, il réussit le tour de force d'unifier les phénomènes électriques et magnétiques en inventant le concept de champ électromagnétique pour lequel il donne . D'autre part, sur la base de ces équations, Maxwell prédit l'existence d'ondes électromagnétiques et calcule leur vitesse dans le vide. La valeur qu'il trouve est si proche de celle de la que la coïncidence lui semble peu probable. Il écrira :

The agreement of the results seems to show that light and magnetism are affections of the same substance, and that light is an electromagnetic disturbance propagated through the field according to electromagnetic laws.

J.C Maxwell

Neuf ans après la mort de Maxwell, en 1888, Heindrich Hertz confirme l'existence de telles ondes en découvrant les ondes radio. Il devient alors très clair que la lumière visible en est un cas particulier, avec des fréquences trop grandes pour être directement accessible.

Dans la suite, nous rappelons quelques résultats concernant les ondes électromagnétiques. Pour plus de précision, on renvoie le lecteur à un cours d'électromagnétisme[1].

Propagation dans le vide

Dans le vide, d'après les équations de Maxwell, le champ électromagnétique (\(\overrightarrow{E},\overrightarrow{B}\)) obéit à l'équation d'onde \[ \triangle\overrightarrow{E}-\frac{1}{{c}^2}\frac{\partial^2\overrightarrow{E}}{\partial t^{2}}=\overrightarrow{0} \quad\text{et}\quad \triangle\overrightarrow{B}-\frac{1}{{c}^2}\frac{\partial^2\overrightarrow{B}}{\partial t^{2}}=\overrightarrow{0} \quad\text{avec}\quad c=\frac{1}{\sqrt{\mu_0 \epsilon_0}} \] où \(\triangle\) désigne l'opérateur laplacien vectoriel. La constante \(c\), homogène à une vitesse, représente la vitesse de propagation des ondes électromagnétiques. Numériquement, on trouve \[ c=\frac{1}{\sqrt{\mu_{0}\epsilon_{0}}}\simeq 3\cdot 10^{8}\,\mathrm{m.s^{-1}} \] C'est Kohlrausch et Weber qui déterminèrent les premiers cette vitesse à partir des constantes électrique et magnétique. Le bon accord avec la vitesse de la lumière permit à Maxwell de conjecturer la nature électromagnétique de la lumière.

Intéressons-nous à une solution particulière qui joue un rôle important en optique : l'onde plane progressive harmonique. Il est facile de vérifier qu'un champ électrique de la forme

\[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle \overrightarrow{E}(\overrightarrow{r},t)=E_0\cos\left(\omega t-\overrightarrow{k}\cdot \overrightarrow{r}\right)\,\overrightarrow{u} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

est solution de l'équation d'onde. Cette solution est caractérisée par les paramètres suivants.

Enfin, on peut montrer que le champ magnétique \(\overrightarrow{B}\) forme avec \(\overrightarrow{E}\) et \(\overrightarrow{k}\) une trièdre \((\overrightarrow{E},\overrightarrow{B},\overrightarrow{k})\) orthogonal direct et que son amplitude vaut \(B_0=E_0/c\), ce qui se résume par \[ \overrightarrow{B}=(\frac{\overrightarrow{k}}{\omega})\wedge\overrightarrow{E} \]

Simulation

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Le spectre électromagnétique est quasi totalement invisible par un œil humain, sauf une petite portion dite spectre visible qui s'étend du rouge (longueur d'onde de 750 nm) au violet (longueur d'onde de 400 nm) en passant par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel (communément divisé en rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet). La lumière peut être polychromatique, elle est alors constituée de plusieurs longueurs d'onde, ou monochromatique, elle est alors constituée d'une seule longueur d'onde. Les sources monochromatiques au sens strict du terme n'existent pas, mais certains lasers produisent une lumière dont le spectre est très étroit. On les considère donc généralement comme des sources monochromatiques.

spectre électromagnétique
Spectre électromagnétique.

Transport de l'énergie

Dans le vide, une onde électromagnétique transporte de l'énergie sous forme électrique et magnétique à la vitesse \(c\). Ce mode de propagation de l'énergie est appelé transport radiatif et permet notamment au Soleil de chauffer notre belle planète. Le flux radiatif correspondant est décrit par le vecteur de Poynting \[ \overrightarrow{\Pi}\stackrel{\text{def}}= \frac{\overrightarrow{E}\wedge \overrightarrow{B}}{\mu_0}\quad[\mathrm{W.m^{-2}}] \] Le flux d'énergie électromagnétique \(\phi_\text{em}\) (en watt) rayonnée à travers une surface \((S)\) s'écrit \[ \phi_\text{em}=\iint_{(S)}\overrightarrow{\Pi}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{S} \]

Intéressons-nous au cas d'une onde plane harmonique se propageant dans le vide. Sachant que \(\overrightarrow{B}=(\overrightarrow{k}/\omega)\wedge\overrightarrow{E}\), il vient \[ \overrightarrow{\Pi}=\dfrac{\overrightarrow{E}\wedge \overrightarrow{B}}{\mu_0}= \dfrac{1}{\omega\mu_0}\overrightarrow{E}\wedge\left(\overrightarrow{k}\wedge \overrightarrow{E}\right)= \dfrac{1}{\omega\mu_0}E^2 \, \overrightarrow{k} \] On peut retenir que, dans le vide, le transport de l'énergie suit la direction de propagation. Le flux d'énergie reçue sur un capteur d'aire \(S\) situé perpendiculairement à la direction de propagation s'écrit donc \[ \phi_\text{em}=\iint_{(S)}\overrightarrow{\Pi}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{S} =\dfrac{S}{\mu_0\, c}\,E^2(\overrightarrow{r},t) \] Or, pour de la lumière, le champ électrique varie au cours du temps à une fréquence supérieure à \(10^{14}\)~Hz. Ces variations sont inaccessibles, compte tenu du temps de réponse limité des capteurs photométriques. C'est pourquoi la réponse des détecteurs est fonction du flux moyen : \[ \langle \phi_\text{em}\rangle =\dfrac{S}{\mu_0\,c}\langle E^2(\overrightarrow{r},t)\rangle \] où le symbole \(\langle \rangle\) désigne la moyenne temporelle. Ainsi, un détecteur (capteur CCD, œil,...) est sensible au carré moyen du champ électrique. Dans toute la suite, on appelle intensité du rayonnement, la quantité

Intensité d'une onde

\[ I\stackrel{\text{def}}=\langle E^2(\overrightarrow{r},t)\rangle \]

Cette grandeur mesure, en unité arbitraire, la répartition du rayonnement déposé en différents points de l'espace.

Remarque

La notion d'intensité ne doit pas être confondue avec l'intensité lumineuse d'une source (flux lumineux émis par unité d'angle solide).

Propagation dans un milieu transparent

La propagation des ondes électromagnétiques est plus complexe dans les milieux matériels, car la matière interagit avec les champ électrique et magnétique transportés par l'onde. Pour décrire le comportement du rayonnement il faut compléter les équations de Maxwell par des équations qui décrivent la réponse du milieu au champ électromagnétique. Nous allons considérer exclusivement le cas des milieux diélectriques non magnétiques (comme le verre) qui jouent un rôle important en optique. Dans de tels milieux, la réponse de la matière à une onde électromagnétique se traduit essentiellement par l'apparition d'une polarisation. Si le champ électrique n'est pas trop , la polarisation s'écrit

Réponse d'un milieu diélectrique linéaire homogène et isotrope

\begin{equation} \overrightarrow{P}(\overrightarrow{r},t)=\epsilon_0\chi_\text{e}\, \overrightarrow{E}(\overrightarrow{r},t) \end{equation}

où \(\chi_\text{e}\) est la susceptibilité électrique du milieu (sans dimension). Cette relation traduit la linéarité et l'isotropie (\(\chi_\text{e}\) est un scalaire) de la réponse. On montre que dans de tels milieux, le champ électromagnétique vérifie l'équation d'onde \[ \triangle\overrightarrow{E}-\frac{1}{{v}^2}\frac{\partial\overrightarrow{E}}{\partial t^{2}}=\overrightarrow{0} \quad\text{et}\quad \triangle\overrightarrow{B}-\frac{1}{{v}^2}\frac{\partial\overrightarrow{B}}{\partial t^{2}}=\overrightarrow{0} \quad\text{avec}\quad v=\frac{c}{\sqrt{1+\chi_\text{e}}} \] Ainsi, dans un milieu diélectrique linéaire homogène et isotrope, les ondes électromagnétiques se propagent à une vitesse inférieure à \(c\), donnée par \(v=c/\sqrt{1+\chi_\text{e}}\). On définit l'indice optique par

Indice de réfraction

\[ n\stackrel{\text{def}}= \frac{c}{v}=\sqrt{1+\chi_\text{e}} \]

grandeur qui intervient dans la loi de la réfraction. Pour les milieux transparents usuels, l'indice est de l'ordre de l'unité comme l'indique le tableau ci-dessous.

Quelques indices optiques dans le domaine du visible
Milieuaireauverrediamant
Indice1,00031,331,5-1,82,4

Dans ces milieux, la longueur d'onde \(\lambda'\) -distance que parcourt l'onde durant une période- dépend de l'indice de réfraction puisque \[ \lambda'=vT=\frac{cT}{n}=\frac{\lambda}{n} \] Pour éviter toute confusion, lorsque l'on indiquera la longueur d'onde d'une source lumineuse, on choisira de préciser sa longueur d'onde \(\lambda\) dans le vide qui ne dépend que de la fréquence de la radiation.

Remarque

Rigoureusement, la susceptibilité électrique dépend de la fréquence d'oscillation du champ électrique de sorte que l'indice varie avec la longueur d'onde (dispersion). De surcroît, \(\overrightarrow{P}\) n'oscille pas en phase avec \(\overrightarrow{E}\) contrairement à ce que laisse penser la formule (1). En fait, on peut conserver la forme de cette relation a condition d'utiliser la notation complexe (cf. plus loin) et de définir une susceptibilité complexe. Dans ce cas, la partie imaginaire correspond à la composante de la polarisation qui oscille en quadrature de phase avec le champ électrique, laquelle est responsable d'une dissipation de l'énergie électromagnétique. Autrement dit, la notion de susceptibilité complexe permet d'expliquer non seulement le phénomène de propagation mais aussi la diminution de l'énergie transportée par l'onde au cours du trajet (phénomène d'absorption).

Approximation scalaire

Si on oublie les aspects quantiques de la lumière, on peut dire que l'ensemble des phénomènes optiques est très bien décrit par la théorie de Maxwell. Il serait alors tentant d'adopter un point de vue purement électromagnétique pour appréhender toute l'optique. En fait, ce n'est pas forcément une bonne idée, pour deux raisons :

Aussi, c'est cette théorie qui nous guidera pour ce cours.

Théorie scalaire de la lumière

Nous cherchons à décrire la propagation de la lumière dans les milieux transparents dont l'indice de réfraction peut varier dans l'espace. L'approche que nous adoptons est appelée approximation scalaire car elle repose sur deux approximations:

Approximation scalaire de la lumière

La lumière (l'énergie lumineuse) est décrite par un ensemble de rayons lumineux indépendants. Ces rayons lumineux sont caractérisés par une direction de propagation \(\overrightarrow{u}(\text{M})\) et une vitesse de propagation \(v(\text{M})=\frac{c}{n(\text{M})}\), où \(n(\text{M})\) désigne l'indice optique du milieu au point M. Un rayon lumineux est une courbe tangente à \(\overrightarrow{u}(M)\) en chacun de ses points.

modèle scalaire

De plus, on définit l'état vibratoire de l'onde lumineuse par une grandeur scalaire, notée \(\psi(\text{M},t)\), qui représente la composante du champ électrique de l'onde électromagnétique le long de sa direction de polarisation. Localement, l'onde lumineuse présente une structure d'onde plane de sorte que le rayon lumineux est perpendiculaire à la surface d'onde (Théorème de Malus).

Enfin, l'intensité du rayonnement est, en valeur arbitraire, \(I= \langle \psi(\text{M},t)^2\rangle \).

Il faut savoir que cette approximation se justifie à partir des équations de Maxwell à condition de supposer que l'indice de réfraction varie sur des échelles bien supérieures à la longueur d'onde. Dans ce cas, les rayons suivent une trajectoire donnée par le principe de Fermat (cf. complément sur l'équation iconale). Par ailleurs, cette approximation ne rend pas compte des phénomènes de polarisation : l'onde en réalité n'est pas scalaire mais vectorielle transversale.

Remarque

Lorsque le milieu est constitué de lentilles et/ou diaphragmes, l'indice de réfraction \(n(\text{M})\) subit des discontinuités aux bords de ces instruments. Aussi, l'approximation scalaire perd de sa pertinence au voisinage des bords et le principe de Fermat est violé pour les rayons passant près des bords. Ceci conduit au phénomène de diffraction que nous verrons plus tard.

Finalement, dans le cadre de l'approximation scalaire, on peut représenter une onde lumineuse monochromatique par le champ scalaire \[ \psi(\overrightarrow{r},t)=\psi_0(\overrightarrow{r})\cos\left(\omega t-\varphi\left(\overrightarrow{r}\right)\right) \] Une surface d'onde correspond à l'ensemble des points tel que \(\phi=\omega t-\varphi(\overrightarrow{r})=\mathrm{C^{te}}+2p\pi\) avec \(p\in \mathbb{Z}\). Les rayons lumineux, perpendiculaires aux surfaces d'onde, sont les lignes de champ du vecteur \(-\overrightarrow{\nabla}\phi\). Citons quelques exemples d'ondes scalaires monochromatiques que nous aborderons dans ce cours.

Onde sphérique divergente

Une source qui rayonne de façon identique dans toutes les directions depuis un point O, s'écrit en coordonnées sphérique \[ \psi(\overrightarrow{r},t)=\frac{\psi_0}{r}\cos(\omega t-kr) \quad\text{avec}\quad r=\text{OM} \] Les surfaces d'onde ont pour équation \[ \phi=\omega t-kr=\mathrm{C^{te}}+2p \pi \quad p\in\mathbb{Z} \quad\text{soit}\quad r=\mathrm{C^{te}}+\frac{\omega}{k}t+p\frac{2\pi}{k} \] ce qui correspond à des sphères de centre O se dilatant à la vitesse de propagation \(v=\omega/k\). Les rayons lumineux, perpendiculaires aux surfaces d'onde, divergent de façon radiale à partir du point O. Concernant l'amplitude, celle-ci décroit comme \(1/r\) par conservation de l'énergie : au fur et à mesure que les surfaces d'onde se dilatent, l'aire de celles-ci augmentent comme \(r^2\) ce qui impose à l'intensité de décroître comme \(1/r^2\).

Onde sphérique convergente

On obtient une onde sphérique convergente en changeant \(k\) en \(-k\), ce qui donne \[ \psi(\overrightarrow{r},t)=\frac{\psi_0}{r}\cos(\omega t+kr) \] Les rayons sont alors radiaux et convergents.

Onde plane

Éloignons une source lumineuse isotrope à très grande distance. Dans ce cas, les rayons qui nous arriveront seront quasi parallèles et les surfaces d'onde quasi planes. Dans ce cas, la structure locale de l'onde peut être modélisée par \[ \psi(\overrightarrow{r},t)=\psi_0\cos\left(\omega t-\overrightarrow{k}\cdot \overrightarrow{r}\right) \]

aplatissement d'une onde sphérique
"Aplatissement" des ondes sphériques.

Chemin optique

Le chemin optique parcouru par un rayon entre deux points A et B, est la quantité \[ L_\text{AB}\stackrel{\text{def}}=\int_\text{A}^\text{B} n\,\mathrm{d}s \] où \(s\) désigne l'abscisse curviligne le long du rayon considéré. Cette quantité, homogène à une longueur, est liée à la durée de propagation du rayon. En effet, entre deux points A et B, cette durée \(\tau\) s'écrit \[ \tau=\int_\text{A}^\text{B}\frac{\text{d}s}{v} =\frac{1}{c}\int_\text{A}^\text{B} n\,\mathrm{d}s =\frac{L_\text{AB}}{c} \]

Supposons maintenant un rayon monochromatique de pulsation \(\omega\). Au point A, son état vibratoire est donné par \[ \psi(\text{A},t)=\psi_0(\text{A})\cos\left(\omega t-\varphi\right) \] où \(\varphi\) est la phase à l'origine. Au point B, du fait de la propagation, on a \[ \psi(\text{B},t)=\psi_0(\text{B})\cos\left(\omega (t-\tau)-\varphi\right) =\psi_0(\text{B})\cos\left(\omega t- \frac{\omega L_\text{AB}}{c}-\varphi\right) \] En utilisant \(\omega/c=2\pi/\lambda\), on trouve que le long d'un rayon, le déphasage entre deux points A et B est donné par la relation \[ \Delta\phi_\text{AB}=\frac{2\pi}{\lambda}L_\text{AB} \] Pour une onde monochromatique, le déphasage entre deux points d'un rayon ne dépend que du chemin optique entre ces points.

En fait, les choses sont un peu plus compliquées, car l'onde monochromatique est une idéalisation. En réalité, le caractère monochromatique est toujours approché et l'état vibratoire d'une source quasi monochromatique se met plutôt sous la forme \[ \psi(\text{A},t)=\psi_0(\text{A})\cos\left(\omega t-\varphi(t)\right) \] où \(\varphi(t)\), dépend du processus d'émission et varie au cours du temps de façon imprévisible sur une échelle plus ou moins longue, suivant la cohérence de la source (cf. chapitre sur la cohérence). Dans ce cas, le calcul précédent est à modifier légèrement. On trouve que le long d'un rayon, le déphasage entre deux points A et B est donné par la relation :

Déphasage entre deux points d'un rayon lumineux

\[ \Delta\phi_\text{AB}=\frac{2\pi}{\lambda}L_\text{AB}+\Delta\varphi \quad\text{avec}\quad \Delta\varphi=\varphi(t-\tau)-\varphi(t) \]

Autrement dit, le déphasage entre deux points d'un même rayon présente deux contributions : l'une qui augmente au cours du trajet à cause de la propagation à vitesse finie, l'autre qui varie à cause du processus d'émission.

Représentations d'une onde scalaire monochromatique

Vecteurs de Fresnel

Considérons un signal sinusoïdal \(\psi(t)=A\cos(\omega t+\varphi)\). On peut penser à l'état vibratoire d'une onde lumineuse en un point de l'espace, mais cela peut tout aussi bien être un signal électrique dans un circuit. On peut interpréter ce signal comme la projection sur l'axe O\(x\) d'un vecteur \(\overrightarrow{\psi}\) du plan de longueur \(A\) faisant un angle \(\omega t+\varphi\) par rapport à l'axe O\(x\). Un tel vecteur tournant est appelé phaseur ou vecteur de Fresnel.

vecteurs de Fresnel
Vecteurs de Fresnel.

L'intérêt de cet outil est qu'il permet de ramener le problème d'une somme de signaux harmoniques à un problème d'addition vectoriel. Par exemple, imaginons deux ondes harmoniques de phase \(\omega_1 t+\varphi_1\) et \(\omega_2 t+\varphi_2\) et d'amplitude \(A_1\) et \(A_2\) arrivant en un point. L'onde résultante \[ \psi(t)=A_1\cos(\omega_1 t+\varphi_1)+A_2\cos(\omega_2 t+\varphi_2)=A(t)\cos\phi(t) \] a pour représentant vectoriel, le vecteur obtenu en mettant bout à bout les deux phaseurs : \(A(t)\) est la longueur du vecteur résultant et \(\phi(t)\) l'angle que fait ce même vecteur par rapport à l'axe O\(x\). Cette méthode a surtout un intérêt lorsque les signaux que l'on ajoute sont tous synchrones : dans ce cas, tous les phaseurs tournent à la même vitesse angulaire, et on peut fixer arbitrairement \(t=0\) pour simplifier l'étude. Une fois l'amplitude résultante obtenue, on en tire l'intensité lumineuse \[ I=\langle \psi^2\rangle =\frac12 A^2 \]

Exemple

Considérons trois ondes synchrones de même amplitude \(a\) arrivant sur un capteur. Cherchons quel est l'intensité résultant lorsque deux d'entre elles vibrent en phase et en quadrature de phase (déphasage de \(\pi/2\)) avec la troisième.

construction vectorielle

Commençons par déterminer l'amplitude \(A\) de l'onde résultante. Appelons \(\overrightarrow{\psi_i}\) avec \(i\in (1,2,3)\) les trois phaseurs associés aux trois ondes. Celles-ci vibrant avec la même amplitude, leurs phaseurs ont tous la même longueur. Supposons \(\psi_1\) et \(\psi_2\) en phase, et \(\psi_3\) en retard de \(\pi/2\) par rapport à \(\psi_1\) et \(\psi_2\). Dans ce cas, \(\overrightarrow{\psi_1}\) est colinéaire à \(\overrightarrow{\psi_2}\), et \(\overrightarrow{\psi_3}\) fait un angle de \(-\pi/2\) par rapport aux deux autres phaseurs. En mettant ces trois vecteurs bout à bout, on construit un triangle rectangle dont l'hypoténuse donne la longueur \(A\).

En vertu du théorème de Pythagore, on a \(A^2=(2a)^2+a^2=5a^2\) soit \(A=\sqrt{5}a\). Si \(I_0\) désigne l'intensité des trois ondes, on obtient finalement \(I=5I_0\). Cet exemple illustre que lors d'une superposition d'ondes, ni les amplitudes ni les intensités ajoutent, a priori.

Notation complexe

On sait qu'un vecteur du plan de composantes \((x,y)\) peut être associé à un nombre complexe \(\underline{z}=x+iy.\) Prolongeant la méthode des phaseurs, il est donc tout naturel d'associer à un signal harmonique \(\psi(t)=A\cos(\omega t+\varphi)\), le nombre complexe \[ \underline{\psi}(t)=A\,\mathrm{e}^{i(\omega t+\varphi)}=\underline{A}\,\mathrm{e}^{i(\omega t)} \quad\text{avec}\quad \underline{A}=A\,\mathrm{e}^{i\varphi} \] Le signal réel s'obtient simplement en prenant la partie réelle du complexe associé : \[ A\cos(\omega t+\varphi)=\mathrm{Re}\left(\underline{A}\,\mathrm{e}^{i(\omega t)}\right) \] L'intérêt de la notation complexe est qu'il permet de faire toute opération linéaire telle que l'addition, la dérivation ou l'intégration, puis de prendre la partie réelle à la fin sans perdre d'information. En effet, \[ \begin{array}{rcl} \mathrm{Re}\left(\underline{z_1}+\underline{z_2}\right)& =& \mathrm{Re}\left(\underline{z_1}\right)+\mathrm{Re}\left(\underline{z_2}\right)\\[2mm] \mathrm{Re}\left(\dfrac{\mathrm{d}\underline{z}}{\mathrm{d}x}\right)& =& \dfrac{\mathrm{d}\mathrm{Re}\left(\underline{z}\right)}{\mathrm{d}x}\\[3mm] \mathrm{Re}\left(\int \underline{z}\, \mathrm{d}x\right)& =& \int \mathrm{Re}\left(\underline{z}\right)\, \mathrm{d}x \end{array} \] Il se trouve que toutes ces opérations sont en générale beaucoup plus simples à mener avec les grandeurs complexes qu'avec les grandeurs réelles.

Le nombre complexe \(\underline{A}\) est appelé amplitude complexe. Sa détermination permet de déduire l'amplitude du signal réel ainsi que la phase : \[ A = \left|\underline{A}\right|\quad\text{et}\quad \varphi = \arg(\underline{A}) \] En optique ondulatoire, c'est l'intensité de l'onde qui nous intéresse:

Intensité en fonction de l'amplitude complexe

\[ I=\frac12 \left|\underline{A}\right|^{2}=\frac12 \underline{A}\,\underline{A}^{*} \]

Exemple

Reprenons l'exemple du paragraphe précédent où trois ondes interfèrent, deux vibrant en phase, la troisième étant en quadrature de phase par rapport aux autres. Les amplitudes complexes de ces trois ondes s'écrivent donc \[ \underline{A_1}=\underline{A_2}=a \quad\text{et}\quad \underline{A_3}=a\,\mathrm{e}^{-i\pi/2}=-i\,a \] Ainsi, l'amplitude complexe de l'onde résultante s'écrit \(\underline{A}=2a-ia\) et l'intensité vaut \[ I=\frac{1}{2} (2a-ia)(2a+ia)=\frac52 a^2=5I_0 \] L'intensité est multipliée par cinq conformément au résultat de l'exemple précédent.

Conclusion

Malgré la nature électromagnétique de la lumière, il est possible, en première approximation, de réduire celle-ci à une onde scalaire dont le transport de l'énergie peut être décrit par le concept de rayon lumineux. Pour une onde monochromatique, on distingue deux caractéristiques : l'amplitude de l'onde qui est à relier à l'intensité du rayonnement, et la fréquence de l'onde qui détermine son domaine spectral (et sa couleur si la lumière est visible). Enfin, au cours du trajet, l'onde se déphase via la relation \[ \Delta\phi_\text{AB}=\frac{2\pi}{\lambda}L_\text{AB}+\Delta\varphi \quad\text{avec}\quad \Delta\varphi=\varphi(t-\tau)-\varphi(t) \]

Pour en savoir plus...

  1. J. Jackson et al. Electrodynamique classique : cours et exercices d’électromagnétismeParis, Dunod, 2001.
  2. M. Born et al. Principles of optics: electromagnetic theory of propagation, interference and diffraction of light2000.
  3. J. Roussel Simuler pour apprendre : structure d'une onde électromagnétique harmonique [en ligne], 2017. Disponible sur femto-physique.fr