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MENUCours d'Optique

Tous les expérimentateurs le savent : il n'est pas si aisé d'observer des franges d'interférence en optique. En effet, les ondes lumineuses sont souvent le siège de fluctuations aléatoires qui produisent une dégradation du contraste, voire un brouillage complet. On parle alors de cohérence partielle et d'incohérence.
Ce cours détaille les notions de cohérence temporelle et spatiale, en les illustrant par des applications en spectroscopie et en astronomie.

Cohérence temporelle

Interférence et corrélation

Principe de l'interféromètre de Michelson
Principe de l'interféromètre de Michelson.

Considérons le phénomène d'interférence dans un interféromètre de Michelson réglé en lame d'air. Une source ponctuelle S émet une onde qui, après une division d'amplitude réalisée par la séparatrice, se recombine au niveau d'un détecteur placé au centre de l'interférogramme (système d'anneaux, cf.[2]).

Appelons \(x\) le déplacement du miroir mobile depuis le contact optique. \(\underline{\psi}(t)\) désigne l'onde (en notation complexe) qui parcourt le chemin le plus court et qui arrive à l'instant \(t\) au niveau du détecteur. Pour l'instant, la seule hypothèse que nous faisons consiste à supposer le signal \(\underline{\psi}(t)\) stationnaire, c'est-à-dire d'intensité indépendante du temps. L'autre onde présente, au même instant \(t\), une amplitude \(\underline{\psi}(t-\tau)\) avec \[ \tau=\frac{2x}{c}=\frac{\delta}{c} \] La durée \(\tau\) est le retard introduit par le déplacement \(x\) et \(\delta\) la différence de chemin optique correspondante. Le détecteur mesure ainsi une intensité . \[ I=\left\langle|\underline{\psi}(t)+\underline{\psi}(t-\tau)|^2\right\rangle =\left\langle|\underline{\psi}(t)|^2\right\rangle+\left\langle|\underline{\psi}(t-\tau)|^2\right\rangle+2\operatorname{Re}\left\langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\right\rangle \] où \(\underline{\psi}^*\) désigne le complexe conjugué de \(\underline{\psi}\), et \(\langle\rangle\) la moyenne temporelle réalisée par le capteur. Pour une source stationnaire, on a \(\left\langle|\underline{\psi}(t)|^2\right\rangle=\left\langle|\underline{\psi}(t-\tau)|^2\right\rangle=I_0\), et on obtient

Degré de cohérence

\begin{equation} I=2I_0\left[1+ \operatorname{Re}\left(g(\tau)\right)\right] \quad\text{avec}\quad g(\tau)=\frac{\left\langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\right\rangle}{\langle|\underline{\psi}|^2\rangle} \end{equation}

La grandeur \(g(\tau)\) est dite fonction d'autocorrélation normalisée ou degré de cohérence. Elle mesure combien l'onde est corrélée avec elle-même lorsqu'elle est décalée dans le temps.

Degré de cohérence d'une source monochromatique

Revenons un instant sur le cas traité dans le cours interférence à deux ondes, à savoir l'interférence à deux ondes monochromatiques synchrones de pulsation \(\omega_0\).

En notations complexe on a \[ \underline{\psi}(t)=\underline{\psi_0}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0 t} \quad\text{et}\quad \underline{\psi}(t-\tau)=\underline{\psi_0}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0 t}\mathrm{e}^{-\mathrm{i}\omega_0 \tau} \] Le degré de cohérence d'une telle onde vaut \[ g(\tau)=\frac{\langle \underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\rangle}{\langle|\underline{\psi}(t)|^2\rangle}= \langle \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0\tau}\rangle=\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0 \tau} \] et le signal détecté s'écrit \[ I=2I_0\left[1+\cos(\omega_0 \tau)\right]= 2I_0\left[1+\cos\left(2\pi\delta/\lambda\right)\right] \] où l'on a utilisé la relation \(\tau=\delta/c\) ainsi que le définition de la longueur d'onde \(\lambda=c\times 2\pi/\omega_0\). On retrouve donc la formule classique : l'interférogramme présente des modulations périodiques, et à chaque fois que \(\delta\) augmente de \(\lambda\), on passe d'une frange brillante(resp. sombre) à une autre frange brillante (resp. sombre). C'est d'ailleurs en comptant le nombre de franges qui défilent lorsque l'on déplace le miroir mobile M\(_2\) que l'on obtient une mesure de \(\lambda\).

Interférogramme
Interférogramme.

Exercice

Montrer que si \(g\) est de la forme \(g(\tau)=A\, \mathrm{e}^{\mathrm{i}\varphi(\tau)}\), alors \(|A|\) représente le contraste de l'interférogramme.

Rép. - L'interférogramme vérifie la loi \(I=2I_0[1+A\cos\varphi(\tau)]\). Les franges brillantes correspondent à \(I_\text{max}=2I_0(1+|A|)\) et les franges sombres à \(I_\text{min}=2I_0(1-|A|)\). On en déduit le contraste \[\gamma=\frac{I_\text{max}-I_\text{min}}{I_\text{max}+I_\text{min}}=|A|\] Autrement dit le module du degré de cohérence donne accès au contraste. Cette propriété reste vraie si le module varie avec \(\tau\), à la condition que \(|g(\tau)|\) varie lentement par rapport à \(\cos\varphi(\tau)\).

On peut vérifier sur notre exemple que le contraste vaut 1 comme le module de \(g\).

Degré de cohérence d'un doublet spectral

Considérons maintenant le cas où la source est constituée de deux composantes monochromatiques de même amplitude avec des longueurs d'ondes \(\lambda_1\) et \(\lambda_2\) (pulsations \(\omega_1\) et \(\omega_2\)). C'est, avec une bonne approximation, la situation que l'on rencontre lorsque l'on utilise une lampe spectrale à sodium qui émet principalement une lumière issue d'un doublet jaune (\(\lambda_1\simeq \lambda_2=589\,\mathrm{nm}\)).

Calculons le signal délivré par notre interféromètre de Michelson avec une telle source. Posons \[ \underline{\psi}(t)=\underline{\psi_1}\, \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_1 t}+\underline{\psi_2}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_2 t} \quad\text{avec}\quad |\underline{\psi_1}|^2= |\underline{\psi_2}|^2 \] Le coefficient d'auto-corrélation vaut \[ \begin{split} \langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\rangle= \langle|\underline{\psi_1}|^2 \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_1\tau}+ |\underline{\psi_2}|^2 \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_2\tau}\\ +\underline{\psi_1}\,\underline{\psi_2}^* \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_2 \tau}\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega_1-\omega_2)t}+ \underline{\psi_2}\,\underline{\psi_1}^* \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_1 \tau}\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega_2-\omega_1)t}\rangle \end{split} \] La moyenne est réalisée par le détecteur dont le temps de réponse est en général grand devant \(|\omega_1-\omega_2|^{-1}\), de sorte que \(\langle\cos[(\omega_1-\omega_2)t]\rangle=\langle\sin[(\omega_1-\omega_2)t]\rangle=0\). Finalement, le degré de cohérence du doublet spectral s'écrit \[ g(\tau)=\frac{\langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\rangle}{\langle|\underline{\psi}(t)|^2\rangle}=\frac12 \left(\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_1 \tau}+\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_2\tau}\right) \] et l'intensité qui résulte de l'interférence \[ I=2I_0\left[1+\frac12\cos(\omega_1\tau)+\frac12\cos(\omega_2\tau)\right] \] Autrement dit, on obtient le même résultat que si l'on avait additionné l'intensité produite par chacune des raies. On retrouve l'idée que deux raies non synchrones sont incohérentes entre elles, et se combinent de façon additive aussi bien en terme d'amplitude qu'en terme d'intensité.

On peut transformer l'expression précédente à l'aide de l'identité \(\cos p+\cos q=2\cos\left(\frac{p+q}{2}\right)\cos\left(\frac{p-q}{2}\right)~:\) \[ I=2I_0\left[1+\cos\left(\frac{\omega_1-\omega_2}{2}\tau\right)\cos\left(\frac{\omega_1+\omega_2}{2}\tau\right)\right] \] Faisons intervenir la pulsation moyenne \(\omega_0=(\omega_1+\omega_2)/2\) ainsi que la largeur du doublet \(\Delta \omega=|\omega_1-\omega_2|\) : \[ I=2I_0\left[1+\mathcal{V}\cos(\omega_0\tau)\right] \quad\text{avec}\quad \mathcal{V}=\cos\left(\frac{\Delta \omega}{2}\tau\right) \] La grandeur \(\mathcal{V}\) désigne la visibilité des franges ; elle est liée au contraste local via \(\gamma=|\mathcal{V}|\).

Exercice

Retrouver le contraste à partir du résultat de l'exercice précédent.

Rép. - Écrivons le degré de cohérence en fonction de \(\omega_0\) et \(\Delta \omega\) : \[g=\frac12 \left(\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega_0-\Delta\omega/2)\tau} + \mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega_0+\Delta \omega/2)\tau}\right)= \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0 \tau}\cos\left(\frac{\Delta \omega}{2}\tau\right) \] Le terme de phase (\(\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0 \tau}\)) varie beaucoup plus vite que le module de sorte que l'on peut utiliser le résultat de l'exercice précédent : le contraste est donné par le module du degré de cohérence. On a donc \[\gamma =|g|=\left|\cos\left(\frac{\Delta \omega}{2}\tau\right)\right|\]

Interférogramme caractéristique d'un doublet spectral
Interférogramme caractéristique d'un doublet spectral.

On observe (Fig.3) qu'un phénomène de brouillage apparaît périodiquement, à chaque fois que \(\mathcal{V}=0\) : on dit qu'il y a anti-coïncidence, car dans ce cas, les franges sombres produites par l'une des raies se superposent aux franges brillantes produites par l'autre. Ce phénomène est local et sa mise en évidence permet de mesurer précisément la largeur du doublet.

Exemple : doublet jaune du sodium

Avec une lampe à sodium, on rencontre le premier brouillage après avoir déplacé le miroir mobile d'une distance \(x=145\,\mathrm{\mu m}\). Lors du premier brouillage on a \[ \mathcal{V}=0 \quad\text{soit}\quad \Delta\omega \,\tau=\pi \] Supposons \(\Delta \omega \ll \omega_0\). En terme de longueur d'onde, on a \(\Delta \omega/\omega_0=\Delta \lambda/\lambda_0\). À un déplacement \(x\) du miroir mobile correspond un retard \(\tau=2x/c\) de sorte que la condition de brouillage devient \[ \frac{\Delta \lambda}{\lambda_0}\omega_0\times \frac{2x}{c}=\pi \quad\Longrightarrow\quad \Delta\lambda=\frac{{\lambda_0}^2}{4x} \] Par spectroscopie on a trouvé \(\lambda_0\simeq589\,\mathrm{nm}\). On en déduit \[ \Delta \lambda=\frac{(589\cdot 10^{-9})^2}{4\times 145\cdot 10^{-6} }=0{,}60\,\mathrm{nm} \]

On vérifie a posteriori que \(\Delta \lambda \ll \lambda_0\).

La simulation ci-dessous illustre ce phénomène avec une lampe à sodium et un capteur situé à 1 m de l'interféromètre.

Simulation

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Jouer sur le décalage optique \(x\) (déplacer la souris sur la partie droite de l'écran) pour mettre en évidence le phénomène d'anti-coïncidence.

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Théorème de Wiener-Khintchine

Comme on l'a vu précédemment, un système de deux raies monochromatiques non synchrones produit un phénomène de brouillage à chaque fois que le décalage temporel \(\tau\) augmente de \(2\pi/\Delta \omega\). On comprend aisément que si la source est constituée d'une multitude de raies monochromatiques, un brouillage complet apparaît à partir d'un certain retard \(\tau\), ceci d'autant plus rapidement que la source est spectralement riche en harmoniques comme le montre la simulation ci-dessous.

Il y a donc un lien entre le degré de cohérence et la composition spectrale d'une source. C'est précisément ce qu'exprime le théorème de Wiener-Khintchine.

Modélisons une source réelle comme une somme continue de raies monochromatiques. Notons \(S(\omega)\) la densité spectrale d'intensité, c'est-à-dire la répartition de l'intensité en fonction de la pulsation \(\omega\). Le graphe de \(S(\omega)\) désigne le spectre de la et s'obtient facilement par spectroscopie.

Chaque composante spectrale, d'intensité \(S(\omega)\, \mathrm{d}\omega\), étant incohérente vis-à-vis des autres composantes, on obtient l'intensité qui résulte de l'interférence en sommant l'interférogramme produite par chacune des composantes : \[ I=\int_{-\infty}^\infty 2S(\omega)[1+\cos(\omega \tau)]\,\mathrm{d}\omega \quad\text{avec}\quad \int_{-\infty}^\infty S(\omega)\,\mathrm{d}\omega=I_0 \] Définissons \(s(\omega)=S(\omega)/I_0\), la densité spectrale normalisée. L'interférogramme s'écrit \[ I=2I_0\left[1+\int_{-\infty}^\infty s(\omega)\cos(\omega \tau)\,\mathrm{d}\omega\right] \] La quantité \(s(\omega)\) étant réelle et positive, elle vérifie la propriété \[ \int_{-\infty}^\infty s(\omega)\cos(\omega \tau)\, \mathrm{d}\omega= \operatorname{Re}\left(\int_{-\infty}^\infty s(\omega)\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega \tau}\, \mathrm{d}\omega\right) \] Aussi, par identification avec la relation (1), il découle \[ g(\tau)=\int_{-\infty}^\infty s(\omega)\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega \tau}\, \mathrm{d}\omega \] Le degré de cohérence est lié au spectre normalisé via une transformée de Fourier [10]. Cela constitue le théorème de Wiener-Khintchine qui concerne tous les signaux stationnaires.

Théorème de Wiener-Khintchine

La fonction d'auto-corrélation (resp. normalisée) d'un signal temporel aléatoire stationnaire s'identifie à la transformée de Fourier de son spectre (resp. normalisée). \[ \langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\rangle=\int_{-\infty}^\infty S(\omega)\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega \tau}\, \mathrm{d}\omega \]

Exemple : degré de cohérence d'une raie gaussienne

Considérons une raie dont le profil spectral est une gaussienne centrée en \(\omega_0\). La densité spectrale normalisée s'écrit alors \[ s(\omega)=\frac{1}{\Delta\omega\sqrt{2\pi}}\mathrm{e}^{-\frac12 \left(\dfrac{\omega-\omega_0}{\sigma}\right)^2} \] Dans cette expression, \(\sigma\) représente l'écart-type de la gaussienne et mesure sa . Calculons le degré de cohérence en prenant la transformée de Fourier du spectre : \[ g(\tau)=\frac{1}{\Delta\omega\sqrt{2\pi}}\int_{-\infty}^\infty \mathrm{e}^{-\frac12 \left(\dfrac{\omega-\omega_0}{\sigma}\right)^2}\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega \tau}\, \mathrm{d}\omega \] La transformée de Fourier d'une gaussienne est également une gaussienne (\(\mathrm{e}^{-t^2/2}\rightleftharpoons \mathrm{e}^{-\omega^2/2}\)). En appliquant les propriétés de la transformée de Fourier, on aboutit au résultat \[ g(\tau)=\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0\tau}\mathrm{e}^{-\frac12 (\sigma \tau)^2} \] On en déduit l'interférogramme \[ I=2I_0\left[1+\operatorname{Re}\left(g(\tau)\right)\right] =2I_0\left[1+\mathrm{e}^{-\frac12(\sigma\,\tau)^2}\cos(\omega_0\tau)\right] \]

degré de cohérence d'une raie gaussienne

Autrement dit, on observe une alternance de franges brillantes et sombres (terme \(\cos(\omega_0\tau)\)) dont la visibilité décroit exponentiellement avec le décalage optique.

Inversement, le spectre normalisé s'obtient par une transformée de Fourier du degré de : \[ s(\omega)=\frac{1}{2\pi}\int_{-\infty}^{\infty}g(t)\mathrm{e}^{-\mathrm{i}\omega t}\, \mathrm{d}t \] La spectroscopie par transformée de Fourier repose sur ce résultat. Dans un interféromètre de Michelson réglé en lame d'air, on déplace le miroir mobile tout en enregistrant l'interférogramme \(I(\tau)\). Un calcul numérique de transformée de Fourier permet alors de remonter au spectre de la source.

Modèle du train d'ondes aléatoires

Le modèle de source monochromatique est -faut-il le rappeler- une idéalisation peu réaliste (durée infinie, énergie transportée infinie). Une source lumineuse est constituée en réalité d'un grand nombre d'atomes se désexcitant de façon imprévisible (émission spontanée), et sur des durées finies. Le modèle du train d'ondes aléatoires, bien que simpliste, est une tentative de description stochastique qui a le mérite de dégager quelques idées essentielles. Dans ce cadre, on admet que la source produit une onde qui s'écrit \[ \underline{\psi}(t)=\underline{\psi_0}\,\mathrm{e}^{\mathrm{i}(\omega_0 t-\varphi(t))} \] où \(\underline{\psi_0}\) et \(\omega_0\) sont des constantes, contrairement à \(\varphi(t)\) qui varie de façon imprévisible. Notez que l'onde ainsi décrite n'est pas monochromatique, car \(\varphi\neq \mathrm{C^{te}}\). Il s'agit en réalité d'une succession de paquets d'ondes décorrélés entre eux à cause des sauts de phase qui se produisent de façon aléatoire. En conséquence, chaque paquet a une ≪durée de vie≫ \(t_i\) aléatoire.

Exemple d'évolution du champ d'un train d'ondes
Exemple d'évolution du champ \(\psi(t)\) d'un train d'ondes quasi-harmoniques. Les flèches indiquent les sauts de phase aléatoires.

Adoptons une loi de probabilité pour la variable \(\varphi(t)\). Le plus simple consiste à supposer la variable \(\varphi(t)\) uniformément distribuée sur \([0,2\pi]\) et que chaque changement de phase se produise avec une probabilité indépendante du temps. Plus précisément, entre l'instant \(t\) et \(t+ \mathrm{d}t\), la probabilité qu'il y ait un saut de phase vaut \[ \mathrm{d}P=\frac{\mathrm{d}t}{\tau_0} \] avec \(\tau_0\) une constante homogène à un temps.

Cherchons tout d'abord à donner un sens physique à ce paramètre \(\tau_0\). Pour cela, calculons \(P_0(t)\) la ≪probabilité de survie≫ d'un paquet d'ondes, c'est-à-dire la probabilité pour qu'aucun saut de phase n'ait lieu entre \(t=0\) et \(t\). Puisque survivre jusqu'à l'instant \(t+ \mathrm{d}t\) c'est survivre jusqu'à \(t\) et ne pas mourir pendant la durée \(\mathrm{d}t\), on a \[ P_0(t+\mathrm{d}t)=P_0(t)\times \left(1-\frac{\mathrm{d}t}{\tau_0}\right) \] Développons l'équation précédente sachant que \(\mathrm{d}t\) est un infiniment petit : \[ P_0(t)+\frac{\mathrm{d}P_0}{\mathrm{d}t} \mathrm{d}t=P_0(t)-\frac{P_0(t)\mathrm{d}t}{\tau_0} \quad\text{soit}\quad \frac{\mathrm{d}P_0}{\mathrm{d}t}+\frac{P_0}{\tau_0}=0 \] La solution de cette équation différentielle s'écrit, sachant que \(P_0=1\) à \(t=0\), \[ P_0(t)=\mathrm{e}^{-t/\tau_0} \] La probabilité de survie d'un paquet d'ondes décroît exponentiellement au cours du temps, à l'instar d'un noyau atomique radioactif qui obéit au même type de .

Calculons maintenant la durée de vie moyenne d'un paquet d'ondes que l'on note \(\langle t\rangle\). Il suffit de sommer tous les instants \(t\) compris entre 0 et l'infini, en pondérant chaque instant de la probabilité de mourir entre \(t\) et \(t+\mathrm{d}t\). On obtient \[ \langle t\rangle=\int_0^\infty t\, P_0(t)\times \frac{\mathrm{d}t}{\tau_0}=\int_0^\infty \frac{t}{\tau_0}\,\mathrm{e}^{-t/\tau_0}\,\mathrm{d}t \] L'intégrale se calcule facilement en intégrant par parties : \[ \langle t\rangle=\left[-t\, \mathrm{e}^{-t/\tau_0}\right]_0^\infty+\int_0^\infty \mathrm{e}^{-t/\tau_0}\,\mathrm{d}t=\tau_0 \] Le paramètre \(\tau_0\) représente donc la durée de vie moyenne des paquets d'ondes. Déterminons maintenant le degré de cohérence d'une telle source : \[ g(\tau)= \frac{\left\langle\underline{\psi}(t)\underline{\psi}^*(t-\tau)\right\rangle}{\langle|\underline{\psi}|^2\rangle} =\langle \mathrm{e}^{\mathrm{i}[\varphi(t-\tau)-\varphi(t)]}\rangle\, \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0\tau} \] Pour calculer \(\langle \mathrm{e}^{\mathrm{i}[\varphi(t-\tau)-\varphi(t)]}\rangle\) il faut distinguer deux cas :

Par conséquent, \[ \langle \mathrm{e}^{\mathrm{i}[\varphi(t-\tau)-\varphi(t)]}\rangle\, =1\times\mathrm{e}^{-\tau/\tau_0}+0\times (1-\mathrm{e}^{-\tau/\tau_0})=\mathrm{e}^{-\tau/\tau_0} \] Ajoutons que nous avons supposé \(\tau>0\) dans notre raisonnement. Pour ne pas se restreindre à ce cas, On doit remplacer \(\tau\) par \(|\tau|\) dans l'expression précédente. Finalement, le degré de cohérence d'un train d'ondes aléatoires vaut \[ g(\tau)=\mathrm{e}^{-|\tau|/\tau_0}\, \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0\tau} \] et l'interférogramme correspondant est régi par la loi \[ I=2I_0\left[1+\mathrm{e}^{-|\tau|/\tau_0}\cos(\omega_0\tau)\right] \] où l'on constate une décroissante exponentielle de la visibilité des franges. Le temps caractéristique de cette perte de cohérence est précisément \(\tau_0\), la durée moyenne des émissions aléatoires.

Interférogramme correspondant à un train d'ondes aléatoires
Interférogramme correspondant à un train d'ondes aléatoires de durée moyenne \(\tau_0\).

Temps et longueur de cohérence

Comme on le voit sur les exemples précédents, le caractère aléatoire et non monochromatique d'une source est à l'origine d'une perte de cohérence. On caractérise cette dégradation du contraste en définissant un temps caractéristique \(\tau_\text{c}\) de la décroissance de \(|g(\tau)|\). \(\tau_\text{c}\) est appelé temps de cohérence. Différentes conventions existent pour définir \(\tau_\text{c}\) ; nous adopterons celle de Mandel[3]:

Temps de cohérence

\begin{equation} \tau_\text{c}\stackrel{\text{def}}= \int_{-\infty}^\infty|g(\tau)|^2\, \mathrm{d}\tau \end{equation}

Exemple : temps de cohérence d'un train d'ondes aléatoires

Nous avons montré que le degré de cohérence d'un train d'ondes aléatoires de durée de vie moyenne \(\tau_0\), s'écrit \[ g(\tau)=\mathrm{e}^{-|\tau|/\tau_0}\, \mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega_0\tau} \] Le temps de cohérence vaut donc \[ \tau_\text{c}\stackrel{\text{def}}= \int_{-\infty}^\infty|g(\tau)|^2\, \mathrm{d}\tau= 2\int_{0}^\infty\mathrm{e}^{-2\tau/\tau_0}\, \mathrm{d}\tau=\tau_0 \] La durée moyenne des paquets d'ondes donne directement le temps de cohérence. C'est ce qui explique que la cohérence d'une lampe spectrale basse pression est meilleure que celle à haute pression. En effet, dans la lampe spectrale haute pression, la fréquence des collisions atomiques est plus importante ce qui induit plus de désexcitations. On a alors des paquets d'ondes de durée moyenne plus courte.

À ce temps de cohérence correspond une longueur de cohérence \(\ell_\text{c}\) liée à \(\tau_c\) via la relation

Longueur de cohérence

\[ \ell_\text{c}\stackrel{\text{def}}= c\,\tau_\text{c} \]

La longueur de cohérence représente la différence de chemin optique à partir de laquelle les ondes vont ≪mal interférer≫. Ce paramètre permet de préciser dans quel régime on se trouve : \[ \begin{array}{c|c|c} \delta\ll \ell_\text{c} & \delta \simeq \ell_\text{c} & \delta\gg \ell_\text{c}\\ \text{cohérence} & \text{cohérence partielle} & \text{incohérence} \end{array} \] Le tableau 1 indique quelques ordres de grandeurs pour différentes sources lumineuses.

Cohérence de différentes sources.
Sourceλ0 Δλτcc
Lumière du Soleil600 nm400 nm2 fs0,6 μm
Lampe à mercure (HP)546,1 nm1 nm1 ps0,3 mm
Lampe à mercure (HP)546,1 nm1 pm1 ns30 cm
Laser He-Ne632,8 nm1 pm1 ns30 cm
Laser He-Ne stabilisé632,8 nm0,01 fm100 μs30 km

Ces notions de longueur de cohérence et de temps de cohérence sont liées à l'étendue spectrale de la source comme nous allons le voir. Avant cela, adoptons une convention pour caractériser la largeur spectrale \(\Delta\omega\) du spectre autour d'une valeur centrale \(\omega_0\). Nous choisissons une définition intégrale :

Etendue spectrale

\begin{equation} \Delta\omega \stackrel{\text{def}}=\frac{1}{\int_\mathbb{R}|s(\omega)|^2\,\mathrm{d}\omega} \end{equation}

On préfère parfois exprimer une étendue spectrale en terme de fréquence \((\Delta \nu)\) ou de longueur d'onde \((\Delta \lambda)\) ; dans ce cas on peut utiliser les relations \[ \Delta\omega=2\pi\Delta\nu \quad\text{et}\quad \frac{\Delta\lambda}{\lambda_0}\simeq \frac{\Delta\omega}{\omega_0}=\frac{\Delta\nu}{\nu_0} \quad\text{si}\quad \Delta\omega\ll \omega_0 \]

Exercice

Vérifier sur un spectre uniforme, que la définition (3) donne bien la largeur spectrale.

Rép. - Considérons une source dont le spectre est centré autour de \(\omega_0\) avec une largeur \(a\). Autrement dit :

Étendue spectrale d'un spectre uniforme
Étendue spectrale d'un spectre uniforme.

On vérifie immédiatement que le spectre \(s(\omega)\) est bien normalisé (\(\int s(\omega)\, \mathrm{d}\omega=1\)). D'après la définition (3), la largeur spectrale vaut \[ \Delta\omega= \frac{1}{\int_\mathbb{R}|s(\omega)|^2\,\mathrm{d}\omega}=\frac{1}{(1/a)^2\times a}=a \]

Le théorème de Wiener-Khintchine nous apprend que le degré de cohérence est la transformée de Fourier du spectre normalisé : \[ g(\tau)=\int_\mathbb{R} s(\omega)\mathrm{e}^{\mathrm{i}\omega \tau}\, \mathrm{d}\omega \quad\text{avec}\quad \int_\mathbb{R} s(\omega)\, \mathrm{d}\omega=1 \] Or, le théorème de Parseval relatif aux transformées de Fourier [10] indique que \[ \int_\mathbb{R}|g(\tau)|^2\, \mathrm{d}\tau=2\pi \int_\mathbb{R} |s(\omega)|^2\, \mathrm{d}\omega \] En utilisant les définitions (2) et (3), l'identité de Parseval donne

Relations temps-fréquence

\[ \tau_\text{c}\,\Delta\omega=2\pi \quad\text{ou}\quad \tau_\text{c}\,\Delta\nu=1 \]

Finalement la largeur du spectre détermine le temps de cohérence et vice-versa.

Exemple : spectre d'un train d'ondes aléatoires

Nous avons vu qu'un train d'ondes aléatoires de pulsation \(\omega_0\) et durée de vie moyenne \(\tau_0\) présente un temps de cohérence \(\tau_c=\tau_0\). Nous savons maintenant que son spectre s'étend autour de \(\omega_0\) sur une largeur typique \(\Delta\omega=2\pi/\tau_0\). Allons plus loin en cherchant la forme du spectre \(s(\omega)\). Le théorème de Wiener-Khintchine nous dit que \[ s(\omega)=\frac{1}{2\pi}\int_\mathbb{R} g(t) \mathrm{e}^{-\mathrm{i}\omega t}\, \mathrm{d}t=\frac{1}{2\pi} \int_\mathbb{R} \mathrm{e}^{-\mathrm{i}(\omega-\omega_0) t} \mathrm{e}^{-|t|/\tau_0}\, \mathrm{d}t \] Le calcul de l'intégrale aboutit au résultat suivant :

spectre d'un train d'ondes
Spectre d'un train d'ondes.

Il s'agit d'une lorenzienne centrée en \(\omega_0\) et de largeur à mi-hauteur \(\Delta_{1/2}=\frac{2}{\tau_0}=\frac{\Delta \omega}{\pi}\). L'étendue spectrale d'une raie lorentzienne définie par (3) correspond à environ 3 fois la largeur à mi-hauteur.

Cohérence spatiale

Description du phénomène

Dans la partie précédente, nous avons vu comment le degré de cohérence d'une source ponctuelle était lié à la façon dont l'onde qu'elle produit était corrélée avec elle même après un décalage dans le temps. Toutefois, le modèle de la source ponctuelle est une idéalisation ; en réalité le signal délivré par un interféromètre résulte de la superposition d'ondes provenant de différents points d'une source étendue. Le degré de cohérence va de fait dépendre de la corrélation entre des ondes spatialement distincts. On parle alors de cohérence spatiale.

Expérience des trous d'Young
Expérience des trous d'Young.

Pour illustrer le phénomène, reprenons l'expérience d'Young[2] où la source est monochromatique et provisoirement ponctuelle. Rappelons que si S est équidistant des deux trous d'Young S\(_1\) et S\(_2\), la différence de chemin optique vaut \(\delta=\mathrm{S_1M-S_2M}=ay/D\), et les franges brillantes sont des lignes horizontales d'équation \[ y_p=p\frac{\lambda D}{a} \quad\text{avec}\quad p\in \mathbb{Z} \] ce qui donne un interfrange \(i=\lambda D/a\).

Influence d'un décalage spatial de la source sur le front d'onde et sur l'interférogramme.

Imaginons maintenant que l'on déplace S vers le haut, d'une hauteur angulaire \(\theta\) (Fig.11). S\(_1\) et S\(_2\) ne vibrent plus en phase car le front d'onde arrive en S\(_1\) avec un retard par rapport à \(S_2\). On calcule ce retard aisément en considérant que les rayons SS\(_1\) et SS\(_2\) sont quasi parallèles puisque que les deux trous sont très proches. En terme de chemin optique, on trouve un décalage \(\delta'=a\sin\theta\simeq a\theta\) de sorte que les deux ondes qui interfèrent en M présentent une différence de chemin optique \[ \begin{array}{rcl} \delta&=&[\mathrm{SS_1M}]-[\mathrm{SS_2M}]\\[2mm] &=&[\mathrm{SS_1}]-[\mathrm{SS_2}]+[\mathrm{S_1M}]-[\mathrm{S_2M}]\\[2mm] \delta&\simeq&a\theta+\dfrac{ay}{D} \end{array} \] On en tire l'équation des franges brillantes d'ordre \(p\) : \[ \delta=p\lambda \quad\text{donne}\quad y_p=p\frac{\lambda D}{a}-D\theta \] L'interfrange reste le même, mais l'ensemble des franges subit une translation vers le bas de \(D\theta\) (Fig.11). Si \(D\theta\) est petit devant l'interfrange, le système de franges est quasi superposable au système obtenu avant de la déplacement de S. Dans le cas contraire, le décalage est tel que la superposition du système de franges avec le précédent entraîne une dégradation du contraste. Dès lors, on comprend qu'une source étendue puisse produire un interférogramme peu contrasté, voire complètement brouillée. On peut d'ores et déjà donner une condition pour conserver une bonne cohérence spatiale : il faut \[ D\theta\ll \frac{\lambda D}{a} \quad\text{soit}\quad \theta\ll \frac{\lambda}{a} \]

Condition de brouillage

Toujours dans le cadre de l'expérience des trous d'Young, calculons la répartition de l'intensité sur l'écran en supposant la source étendue. Pour simplifier, considérons un segment lumineux de longueur \(b\), contenu dans le plan (\(y\text{O}z\)) et perpendiculaire à l'axe (O\(z\)).

Dispositif d'Young éclairée par une source étendue
Dispositif d'Young éclairée par une source étendue.

Désignons \(\alpha\) l'angle sous lequel on voit la source étendue depuis le milieu des trous d'Young, puis décomposons la source en une infinité de sources ponctuelles indépendantes placées en \(y'\in [-b/2,b/2]\) (Fig.12). Chaque émetteur produit une onde qui, une fois arrivée en M après être passée par l'un des trous, présente une intensité \[ \mathrm{d}I_0=\frac{I_0}{b}\mathrm{d}y' \] où \(I_0/b\) représente une intensité par unité de longueur, et \(I_0\) l'intensité produite en M par la source étendue lorsqu'un des trous est masqué.

Ouvrons maintenant le deuxième trou. Un élément de la source situé en \(y'\) donne lieu à une interférence à deux ondes dont l'interférogramme s'écrit \[ \mathrm{d}I=2\mathrm{d}I_0\left[1+\cos\left(2\pi\frac{\delta}{\lambda}\right)\right] \] où \(\delta\) est la différence de chemin optique entre les deux ondes qui interfèrent en M et dont l'expression a été établie précédemment : \[ \delta \simeq a\theta+\frac{ay}{D}\simeq \frac{ay'}{\ell}+\frac{ay}{D} \quad\text{(approximation paraxiale)} \] L'interférogramme produit par la source étendue s'obtient en sommant celui produit par chacun des émetteurs de la source qui -rappelons-le- sont incohérents entre eux : \[ \begin{array}{rcl} I &=&\displaystyle{\frac{2I_0}{b}\int_{-b/2}^{b/2}\left[1+\cos\left(\frac{2\pi a y'}{\lambda\ell}+\frac{2\pi ay}{\lambda D}\right)\right]\, \mathrm{d}y'}\\[5mm] &=& \displaystyle{\frac{2I_0}{b}\int_{-b/2}^{b/2}\left[1+\cos\left(\frac{2\pi a y'}{\lambda\ell}\right)\cos\left(\frac{2\pi ay}{\lambda D}\right) -\sin\left(\frac{2\pi a y'}{\lambda\ell}\right)\sin\left(\frac{2\pi ay}{\lambda D}\right)\right]\, \mathrm{d}y'}\\[5mm] I &=&\displaystyle{\frac{2I_0}{b}\left[b+\frac{\lambda \ell}{\pi a}\sin\left(\frac{\pi a b}{\lambda\ell}\right)\cos\left(\frac{2\pi ay}{\lambda D}\right)\right]}\\ \end{array} \] En faisant intervenir l'angle \(\alpha\simeq b/\ell\), on aboutit au résultat \[ I=2I_0\left[1+\mathcal{V}\cos\left(\frac{2\pi a y}{D}\right)\right] \quad\text{avec}\quad \mathcal{V}=\mathrm{sinc}\left(\frac{\pi a\alpha}{\lambda}\right) \] La figure d'interférence présente une visibilité \(\mathcal{V}\) qui ne dépend que de l'angle sous lequel la source étendue est vue depuis les trous d'Young. Lorsque \(\alpha \to 0\), le contraste est maximum (\(|\mathcal{V}|=1\)) : une source ponctuelle monochromatique est parfaitement cohérente comme on pouvait s'y attendre. En revanche, quand \(\alpha\) augmente (en rapprochant la source par exemple) le contraste diminue jusqu'à s'annuler une première fois. La figure d'interférence disparaît alors complètement : il y a brouillage par incohérence spatiale. La condition de brouillage s'écrit

Condition de brouillage

\begin{equation} \mathcal{V}=\mathrm{sinc}\left(\frac{\pi a\alpha}{\lambda}\right)=0 \quad\text{d'où}\quad \alpha=\frac{\lambda}{a} \end{equation}

Application à l'interférométrie stellaire

Ce phénomène de brouillage par incohérence spatiale fut mise à profit en interférométrie stellaire afin de déterminer le diamètre apparent de certaines étoiles.

Dispositif utilisé par Michelson et Pease
Dispositif utilisé par Michelson et Pease pour mesurer le diamètre apparent de Bételgeuse. L'écartement \(a\) est réglable, et définit la base de l'interféromètre.

Par exemple, en 1920, Michelson et Pease utilisèrent un télescope couplé à un dispositif équivalent à des trous d'Young (Fig.13) dans le but de déterminer le diamètre apparent de l'étoile . Le télescope seul avec son diamètre de 2,5 m rendait impossible cette détermination à cause de la limite imposée par la diffraction (cf.[4]). Le dispositif additionnel provoquait une division du front d'onde puis une interférence au foyer du télescope. Comme dans l'expérience des trous d'Young, le contraste est limité par le diamètre apparent de l'étoile. En ajustant la distance \(a\) entre les miroirs de façon à provoquer un brouillage des franges, on en déduit le diamètre apparent de l'étoile \(\alpha\) via la relation (4).

En réalité, la formule (4) est à modifier pour tenir compte du fait que la source est plus proche d'un disque que d'un segment. La condition de brouillage devient \[ \alpha=1{,}22\frac{\lambda}{a} \]

Exercice

En observant l'étoile Bételgeuse, Michelson et Pease obtinrent un premier brouillage pour \(a=3{,}06\,\mathrm{m}\) avec \(\lambda=575\,\mathrm{nm}\). Déterminer le diamètre apparent de Bételgeuse en millisecondes d'arc.

Rép. - la relation précédente donne le diamètre apparent de l'étoile en radian : \[ \alpha=1{,}22\frac{575\cdot 10^{-9}}{3{,}06}=229\cdot 10^{-9}\,\mathrm{rad} \] ce qui correspond à \(0{,}047"\) d'arc, soit 47 millisecondes d'arc.

Notez que plus la base \(a\) de l'interféromètre est grande et meilleure est la résolution angulaire. C'est sur ce résultat que s'appuie l'interférométrie à très longue base[5] qui consiste à coupler plusieurs télescopes entre eux et à faire interférer les signaux recueillis par chacun. Le Very Large Telescope Interferometer situé au Chili dans le désert d'Atacama en est l'illustration la plus célèbre.

Théorème de localisation

Comme on l'a vu précédemment, l'extension de la source produit une dégradation, voire un brouillage de la figure d'interférence. De cette perte de contraste on peut en déduire des propriétés de la source elle-même, comme on le pratique couramment en astronomie. Toutefois, il ne faudrait pas conclure hâtivement que l'élargissement d'une source nuit systématiquement à la qualité de l'interférogramme. Nous allons voir que dans certains cas, cela améliore sa luminosité sans perte significative de contraste.

Interféromètre quelconque
Source étendue éclairant un interféromètre

Considérons une source S ponctuelle monochromatique envoyant deux rayons dans un interféromètre quelconque qui en réalise l'interférence en un point M. Le signal en M dépend de la différence de chemin optique \(\delta =L_1-L_2\) entre les deux trajets. Cette différence est fonction de la position M et de la position de la source. Déplaçons légèrement la source de façon à l'amener en S'. Cette opération s'accompagne d'une variation de \(\delta\) qui, si le déplacement est suffisamment faible, vaut \[ \mathrm{d}\delta = \mathrm{d}L_1-\mathrm{d}L_2\simeq \overrightarrow{\text{SS'}}\cdot \left(\overrightarrow{u_2}-\overrightarrow{u_1}\right) \]

Considérons un rayon lumineux AB traversant un dioptre plan séparant deux milieux d'indice \(n_1\) et \(n_2\). Appelons \(\overrightarrow{u_1}\) et \(\overrightarrow{u_2}\) les vecteurs unitaires dirigés respectivement de A vers I et de I vers B, où I est le point d'incidence du rayon sur le dioptre. Le chemin optique parcouru par la lumière entre A et B vaut

calcul de la variation d'un chemin optique

Si nous déplaçons A en A' alors le point I se déplace en I', ce qui conduit à une variation du chemin optique donné, au premier ordre, par \[ \begin{array}{rcl} \mathrm{d}L &=&n_1\, \mathrm{d}(\overrightarrow{u_1}\cdot\overrightarrow{\text{AI}})+n_2\, \mathrm{d}(\overrightarrow{u_2}\cdot\overrightarrow{\text{IB}})\\[2mm] &=&n_1\, \overrightarrow{u_1}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\text{AI}}+n_1 \mathrm{d}\overrightarrow{u_1}\cdot \overrightarrow{\text{AI}}+ n_2\,\overrightarrow{u_2}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\text{IB}}+n_2 \mathrm{d}\overrightarrow{u_2}\cdot \overrightarrow{\text{IB}}\\[2mm] &=&n_1\, \overrightarrow{u_1}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\text{AI}}+n_1\text{AI}\overrightarrow{u_1}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{u_1}+ n_2\,\overrightarrow{u_2}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\text{IB}}+n_2\text{IB}\overrightarrow{u_2}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{u_2}\\[2mm] \mathrm{d}L &=&n_1\, \overrightarrow{u_1}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{\text{AI}}+n_2\,\overrightarrow{u_2}\cdot\mathrm{d}\overrightarrow{\text{IB}}\\ \end{array} \] où l'on a utilisé le fait que \(\overrightarrow{u_1}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{u_1}=\overrightarrow{u_2}\cdot \mathrm{d}\overrightarrow{u_2}=0\), conséquence de \(\overrightarrow{u_1}^2=\overrightarrow{u_2}^2=1\) (il suffit de différentier). Sachant que \(\mathrm{d}\overrightarrow{\text{AI}}=\overrightarrow{\text{II'}}-\overrightarrow{\text{AA'}}\) et \(\mathrm{d}\overrightarrow{\text{IB}}=-\overrightarrow{\text{II'}}\), il vient \[ \mathrm{d}L=-n_1 \overrightarrow{u_1}\cdot \overrightarrow{\text{AA'}}+(n_1 \overrightarrow{u_1}-n_2 \overrightarrow{u_2})\cdot \overrightarrow{\text{II'}} \] Enfin, la loi de la réfraction \(n_1\sin i_1-n_2\sin i_2=0\) traduit le fait que le vecteur \(n_1 \overrightarrow{u_1}-n_2 \overrightarrow{u_2}\) est perpendiculaire au vecteur \(\overrightarrow{\text{II'}}\). On obtient alors le résultat \[ \mathrm{d}L=-n_1\, \overrightarrow{u_1}\cdot \overrightarrow{\text{AA'}} \] relation qui reste vraie si le chemin optique est curviligne ; il suffit de le décomposer en une série de petits segments infinitésimaux.

Cette variation est à l'origine de la dégradation du contraste de la figure d'interférence, car les ondes issues des différents points d'une source élargie n'arrivent plus en phase au point M. Cependant, il existe une configuration pour laquelle touts les points d'une source étendue donneront le même déphasage en M ce qui aura l'avantage d'amplifier la luminosité du phénomène sans trop détériorer le contraste. Cette condition de non brouillage s'écrit

Condition de non brouillage

\begin{equation} \overrightarrow{\text{SS'}}\cdot \left(\overrightarrow{u_2}-\overrightarrow{u_1}\right)=0 \end{equation}

Ce résultat suppose simplement que l'élargissement de la source reste limité pour que le développement au premier ordre dont il est issu soit justifié.

Analysons ce résultat. Deux configurations remplissent ce critère de non brouillage :

La première configuration impose une géométrie particulière à la source. Par exemple, dans l'expérience des trous d'Young, remplacer la source ponctuelle par une fente source horizontale quand les trous sont verticaux (et vice versa) est bénéfique puisque (5) est vérifiée : la luminosité du motif d'interférence est renforcée sans perte de contraste.

La deuxième configuration ne porte pas sur la source mais sur l'interféromètre. En effet, la condition \(\overrightarrow{u_1}=\overrightarrow{u_2}\) n'est remplie que dans les interféromètres à division d'amplitude où un rayon incident unique est divisé en deux. Toutefois, cette condition à un coût : le lieu des points M où interfèrent ces rayons est en général une surface précise ; on dit que les interférences sont localisées. Bien entendu, on observe des interférences au voisinage de cette surface de localisation, mais plus on s'en éloigne et plus le contraste est mauvais, voire nul.

Théorème de localisation

Les interféromètres à division d'amplitude donnent lieu à un phénomène d'interférences contrastées en présence d'une source étendue. Toutefois, l'extension de la source produit un phénomène de localisation des interférences. La surface de localisation est le lieu des intersections des rayons émergeant issus du même rayon incident partant de S.

localisation des interférences
(a) Lame d'air à faces parallèles. Localisation à l'infini. (b) Coin d'air en incidence normale. Localisation sur le coin d'air. (c) Coin d'air en incidence oblique. Localisation au voisinage du coin d'air.

La figure 15 illustre sur quelques dispositifs classiques de division d'amplitude, la façon dont on détermine la surface de localisation. Notez que sur la figure 15, la source étendue est suffisamment loin du dispositif pour considérer que les rayons qui subissent une division d'amplitude arrivent avec la même inclinaison.

Pour en savoir plus...

  1. J. Roussel Interférence à N ondes[en ligne], 2018. Disponible sur femto-physique.fr
  2. J. Roussel Interférence à deux ondes[en ligne], 2018. Disponible sur femto-physique.fr
  3. L. Mandel and E. Wolf Optical coherence and quantum opticsCambridge university press, 1995.
  4. J. Roussel Diffraction de Fraunhofer[en ligne], 2018. Disponible sur femto-physique.fr
  5. A. Hajyan et al. La détection des étoiles par interférométrie Pour la science2001.
  6. J. Lequeux La mesure du diamètre des étoiles Bibnum. Textes fondateurs de la science2014.
  7. J. Simon et al. Localization of interference fringes American Journal of Physicsvol. 48, p. 665-668, 1980.
  8. R. Carminati et al. OptiqueESPCI ParisTech, 2014-2015.
  9. E. Thibierge Complément sur le théorème de localisation des interférences[en ligne], prépa agrégation ENS Lyon, 2015.
  10. J. Roussel Transformée de Fourier[en ligne], 2020. Disponible sur femto-physique.fr