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MENUCours de Mécanique classique

Pourquoi faire tourner la torche autour de la mouche ?

Aristarque de Samos (250 av. J.-C.)

La Terre tourne. C'est un fait établi, aussi solidement établi que l'existence des atomes ou la structure en double hélice de l'ADN. Néanmoins, saviez-vous que la preuve ne nous a été apportée qu'au 18e siècle ?
Bien sûr, il y eut la première étincelle initiée par Nicolas Copernic en 1543. Ce chanoine polonais trouvait le système de Ptolémée et ses différents bien éloigné de la soi-disante harmonie du Cosmos prônée par la théorie aristotélicienne. C'est en cherchant un système plus simple que Copernic finit par proposer un système . Certes, son modèle était moins précis que celui de , mais ce décentrage de la Terre —et donc de l'Homme— séduit bien des intellectuels à l'ère de la Renaissance. Puis, Galilée amassa avec sa lunette une moisson d'observations qui ne feront que renforcer la théorie copernicienne.
Toutefois, aussi séduisant qu'il soit, l'héliocentrisme n'en reste pas moins une simple hypothèse. La diffusion des Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, l'œuvre magistrale d'Isaac Newton dans laquelle il fait table rase du dogme aristotélicien et explique tous les phénomènes célestes à l'aide de sa fameuse loi de gravitation universelle, finit de convaincre la communauté scientifique, sans qu'on ait trouvé de preuve définitive.
Il faut attendre l'année 1728, un an après la mort de Newton, pour qu'un certain James Bradley découvre le phénomène d'aberration des étoiles. Il s'agit d'un mouvement apparent annuel identique pour toutes les étoiles qui est directement lié à la vitesse orbitale de la Terre et à la vitesse de la lumière. Le doute n'est plus permis : la Terre tourne bel et bien autour du Soleil en un an, et par conséquent, également sur elle même si l'on veut voir le Soleil se lever chaque matin !
Dans ce cours, nous nous intéressons à l'influence de cette rotation sur les phénomènes mécaniques vus par un observateur terrestre. Dans un premier temps, nous tiendrons compte uniquement de la rotation propre de la Terre autour de l'axe des pôles. On pourra ainsi mesurer le caractère non galiléen du référentiel terrestre. Ensuite, nous verrons comment le mouvement orbital de la Terre autour du Soleil permet d'expliquer le phénomène des marées.

Effets de la rotation propre de la Terre

Hypothèses

On appelle référentiel géocentrique, le référentiel lié au centre d'inertie de la Terre et dont les axes pointent vers des étoiles suffisamment éloignées pour être considérées comme fixes. Nous admettons que ce référentiel est galiléen. Nous discuterons plus loin de la valeur de cette approximation.

La Terre est décrite de façon simple. On la suppose sphérique, de rayon \(R_\text{T}=6370\,\mathrm{km}\) et en rotation uniforme par rapport à l'axe des pôles. La période de rotation propre de la Terre est appelée jour sidéral et vaut \[ T=\text{1 jour sidéral} = 23\,\mathrm{h}\;56\,\mathrm{min}\;4\,\mathrm{s}=86164\,\mathrm{s} \]

référentiel terrestre
Le référentiel terrestre est en rotation par rapport au référentiel géocentrique.

Le référentiel terrestre \(\mathcal{R}\) est lié à la surface de la Terre. On le muni d'un repère d'origine O situé à la surface de la Terre et de trois axes cartésiens. On choisit l'axe O\(z\) dirigé vers le zénith, l'axe O\(x\) vers le Sud et l'axe O\(y\) vers l'Est. La position du point O est définie à l'aide de deux angles : la latitude \(\lambda\) et la longitude \(\varphi\).

Le référentiel terrestre est en rotation par rapport au référentiel géocentrique. Il n'est donc pas galiléen. Son vecteur rotation est suivant l'axe Sud-Nord (\(\overrightarrow{u}_\text{sn}\)) : \[ \overrightarrow{\omega}=\omega\, \overrightarrow{u}_\text{sn} \quad\text{avec}\quad \omega=\frac{2\pi}{T}=7,29.10^{-5}\,\mathrm{rad.s^{-1}} \]

Pesanteur terrestre

Définition de la pesanteur

Dans le vide, attachons un point matériel M à un fil, puis attendons l'équilibre mécanique. La pesanteur qui règne dans le référentiel considéré, provoque la tension du fil. La direction du fil indique celle de la pesanteur, et le poids \(\overrightarrow{P}\) de ce corps est l'opposé de la tension du fil.

Établissons la formule générale du poids \(\overrightarrow{P}\) d'un corps dans un référentiel quelconque (a priori non galiléen). Dans ce référentiel, l'équilibre d'un point matériel M se traduit par la relation \[ \overrightarrow{F}-m \overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M})=\overrightarrow{0} \] où \(\overrightarrow{F}\) désigne les actions autres que les forces d'inertie. L'absence de la force de Coriolis est justifiée par le fait que M est supposé fixe dans le référentiel. Si l'on suppose M dans le vide, les forces se résument à la tension du fil \(\overrightarrow{T}\) et aux forces de gravitation produites par l'ensemble des astres, ce qui donne \[ \overrightarrow{T}+m\overrightarrow{g_\text{A}}(\text{M})-m\overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M})=\overrightarrow{0} \] où \(\overrightarrow{g_{A}}\) désigne le champ de gravitation exercé par tous les astres de l'Univers et \(\overrightarrow{a_\text{e}}\) l'accélération d'entraînement lié au mouvement du référentiel d'étude par rapport à un référentiel galiléen. Le poids vaut donc : \[ \overrightarrow{P}\stackrel{\text{def}}= -\overrightarrow{T} =m\left[\overrightarrow{g_{A}}(\text{M})-\overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M})\right] \]

On remarque que le poids est proportionnel à la et dépend du référentiel dans lequel M est au repos. Par exemple, dans un satellite en orbite autour de la Terre, le champ de gravitation \(\overrightarrow{g_\text{A}}\) est essentiellement dû à la Terre et l'accélération d'entraînement du satellite est égale à \(\overrightarrow{g_\text{A}}\) puisqu'il est en chute libre autour de la Terre. Par conséquent, le poids dans un satellite —et dans tout référentiel en chute libre— est nul : on parle d'apesanteur.

Champ de pesanteur

Par définition, le champ de pesanteur \(\overrightarrow{g}\) est le poids d'une masse unité :

\[ \overrightarrow{P}=m \overrightarrow{g}(\text{M}) \quad\text{avec}\quad \overrightarrow{g}(\text{M})= \overrightarrow{g_{A}}(\text{M})-\overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M}) \]

Ce champ de pesanteur étant homogène à une accélération, on l'exprimera indifféremment en \(\mathrm{N.kg^{-1}}\) ou en \(\mathrm{m.s^{-2}}\).

Appliquons maintenant ces résultats au référentiel terrestre, le référentiel géocentrique étant considéré galiléen. À la surface de la Terre, le champ de gravitation est essentiellement dû à la Terre. De plus, si l'on suppose la Terre à symétrie sphérique, on a \[ \overrightarrow{g_\text{A}}(\text{M})=-\frac{\mathcal{G}M_\text{T}}{{R_\text{T}}^{2}}\,\overrightarrow{u_{r}}= -\frac{\mathcal{G}M_T}{{R_\text{T}}^3}\,\overrightarrow{\text{CM}} \] où C est le centre de la Terre et \(\overrightarrow{u_r}\) le vecteur unitaire radial de la base sphérique. Quant à l'accélération d'entraînement, il s'agit de l'accélération du point M (supposé fixe) par rapport au référentiel géocentrique (supposé galiléen). Du fait de la rotation uniforme du référentiel terrestre, M présente une accélération d'entraînement centripète : \[ \overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M})=-\omega^{2}\,\overrightarrow{\text{HM}} \] avec H le projeté de M sur l'axe des pôles de la Terre. En résumé, on peut écrire

\begin{equation} \overrightarrow{g}(\text{M})=-\frac{\mathcal{G}M_T}{{R_\text{T}}^3}\overrightarrow{\text{CM}}+ \omega^{2}\overrightarrow{\text{HM}} \end{equation}

Le premier terme est dirigé vers le centre de la Terre et vaut environ \(10\,\mathrm{m.s^{-2}}\). Le second terme est axi-fuge (il fuit l'axe de rotation) et représente au maximum 0,3% du champ de gravitation. Ce dernier terme diminue quand la latitude augmente ce qui se traduit par une moindre pesanteur à l'équateur comparée à celle qui existe aux pôles. La formule (1) rend bien compte, en tout cas de manière qualitative, de l'influence de la rotation terrestre. Toutefois, on peut dire que sur Terre, la rotation propre influence peu la pesanteur.

Exercice

Comparer les champs de gravitation qu'exercent le Soleil, la Lune et la Terre sur un corps situé à la surface de la Terre, sachant que:
- la Terre présente une masse \(M_\text{T}=6.10^{24}\,\mathrm{kg}\) et un rayon \(R_\text{T}=6370\,\mathrm{km}\);
- le Soleil pèse \(M_\text{S}=2.10^{30}\,\mathrm{kg}\) et se situe à \(d_\text{TS}=150.10^6\,\mathrm{km}\) du centre de la Terre;
- la Lune de masse \(M_\text{L}=7,3.10^{22}\,\mathrm{kg}\) se situe à \(d_\text{TL}=384.10^3\,\mathrm{km}\) du centre de la Terre.

Rép - Le champ de gravitation produit par un astre sphérique de masse \(M_\text{A}\) à la distance \(d\) s'écrit \(g_\text{A}=\frac{\mathcal{G}M_\text{A}}{d^2}\). On obtient, pour respectivement, la Terre, le Soleil et la Lune: \[ g_\text{T}=10\,\mathrm{m.s^{-2}} \quad g_\text{S}\simeq 6.10^{-3}\,\mathrm{m.s^{-2}} \quad\text{et}\quad g_\text{L}\simeq3.10^{-5}\,\mathrm{m.s^{-2}} \] En conclusion, l'attraction terrestre est environ 1000 fois plus importante que celle engendrée par le Soleil et 100 000 fois plus importante que celle due à la Lune.

Pour terminer, précisons que la formule (1) ne rend pas complètement compte des effets de la rotation terrestre. En effet, la Terre présente une forme d'équilibre qui n'est pas sphérique du fait précisément de cette permanente rotation propre. Cela induit un aplatissement des pôles qui fait que le champ de gravitation terrestre n'est pas uniforme : aux pôles, l'attraction terrestre est plus importante. Finalement, la pesanteur dépend de la latitude, pour deux raisons : la non sphéricité de la Terre et sa rotation propre. Pour trouver une valeur précise du champ de pesanteur moyen en un lieu (moyen parce que le relief joue un rôle), les géophysiciens utilisent la formule (formule acceptée depuis 1967 par l'Union International de Géologie et de Géophysique) : \[ g(\lambda)=9,7803(1+5.2789.10^{-3}\sin^{2}\lambda+23,462.10^{-6}\sin^{4}\lambda) \]

Déviation vers l'Est

La déviation vers l'Est désigne la légère déflexion que subit un point matériel M en chute libre par rapport à la verticale. Nous allons démontrer que cette déviation est toujours orientée vers l'Est et de faible ampleur en analysant le phénomène dans le référentiel terrestre \(\mathcal{R}\).

forces en présence
Déviation vers l'Est : forces en présence.

Qualitativement, lorsqu'on lâche un corps matériel (vitesse initiale nulle), le champ de pesanteur l'accélère dans une direction verticale . La force de Coriolis \[ \overrightarrow{f_\text{ic}}=-2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} \] est donc dirigée vers l'Est, que l'on soit sur l'hémisphère nord ou sud. En revanche, la force de Coriolis est nulle aux pôles, car le vecteur rotation terrestre et le vecteur vitesse sont colinéaires.

Avant d'écrire les équations, faisons quelques calculs d'ordre de grandeur en prenant une hauteur de chute \(h\simeq 100\,\mathrm{m}\) et une masse \(m\simeq 1\,\mathrm{kg}\) :

La force de Coriolis reste donc très faible par rapport au poids, ce qui justifie qu'on néglige, dans la plupart des cas, son effet. Ce faible impact sur la trajectoire va nous aider à traiter le problème de façon approximative puisque nous allons pouvoir considérer le terme de Coriolis comme une perturbation de la chute libre classique.

En premier lieu, écrivons la seconde loi de Newton dans le référentiel terrestre :

\begin{equation} m\overrightarrow{a}_{\text{M}/\mathcal{R}}= m\overrightarrow{g}-2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} \end{equation}

Contrairement aux apparences, la force d'inertie d'entraînement est bien présente dans l'équation du mouvement puisque c'est une composante de la pesanteur. La relation vectorielle (2) donne un système d'équations différentielles linéaires couplées. Les équations étant linéaires, on peut évidemment déterminer la solution analytiquement. Cependant, on peut aussi obtenir une excellente approximation du résultat sans trop d'effort. Il suffit de traiter l'équation du mouvement par la méthode des perturbations. L'idée consiste à remplacer dans le terme perturbateur (terme de Coriolis) la vitesse \(\overrightarrow{v}\) par \(\overrightarrow{g}t\). La faible erreur que l'on commet sur la vitesse est complètement atténuée par le terme de Coriolis, 1000 fois plus petit que le poids.

Ceci étant fait, la projection de (2) sur les axes cartésiens donne \[ \begin{cases} \ddot{x} & =0\\ \ddot{y} & =2\omega\cos\lambda\, gt\\ \ddot{z} & =-g\end{cases} \] où \(\lambda\) désigne la latitude du lieu. Aucune déviation suivant \(x\) n'est prévue (en première approximation) et l'on trouve une équation horaire suivant \(z\) analogue à la chute libre classique, à savoir \(z(t)=h-1/2gt^{2}\). En revanche, le mouvement suivant \(y\) est donné par \[ \ddot{y}=2\omega\cos\lambda \,gt \] où \(y\) désigne le déplacement vers l'Est. Après une double intégration on trouve

\begin{equation} y(t)=\frac{\omega\cos\lambda}{3} g\,t^{3} \end{equation}

Notons que la déviation \(y\) est positive quel que soit le signe de \(\lambda\) ; autrement dit la trajectoire est déviée vers l'Est quel que soit l'hémisphère où est réalisée l'expérience et l'effet est d'autant plus important que le temps de chute est important. Ce phénomène a été vérifié pour la première fois en 1833 par Ferdinand Reich à Freiberg en Allemagne (latitude = 51°), dans un puits de mine de profondeur \(h=158\,\mathrm{m}\). La déviation mesurée fut de \(28\,\mathrm{mm}\), en accord avec la valeur théorique de \(27,4\,\mathrm{mm}\). En 1903, Camille Flammarion lâcha des billes d'acier du haut de la coupole du Panthéon (\(h=68\,\mathrm{m}\) et \(\lambda=\) 48°51') et mesura une déviation vers l'est de \(7,6\,\mathrm{mm}\) là encore en parfait accord avec la valeur théorique de \(8\,\mathrm{mm}\). En conclusion, le phénomène de déviation vers l'Est est un effet dû au caractère non galiléen de la Terre et reste difficile à mettre en évidence.

Analysons le phénomène dans le référentiel géocentrique. Pour simplifier, étudions la chute libre d'un point matériel situé à l'équateur et lâché depuis une hauteur \(h\). Le corps n'est soumis qu'à la gravitation de la Terre (en négligeant les autres forces de gravitation) et possède une vitesse initiale \[ \overrightarrow{v_{0}}=(R+h)\omega \,\overrightarrow{u_\theta}\quad\text{[coordonnées polaires]} \] dirigée vers l'Est, du fait de la rotation terrestre. L'observateur, lié au référentiel terrestre, possède une vitesse ortho-radiale \[ \overrightarrow{v_\text{obs}}=R\omega\overrightarrow{u_{\theta}} \] Le corps décrit —comme nous l'avons vu dans le chapitre sur les forces centrales— une ellipse, de foyer le centre de la Terre, située dans le plan formé par \(\overrightarrow{\text{CM}}\) et \(\overrightarrow{v_{0}}\). Par conservation du moment cinétique on a \[ r^{2}\dot{\theta}=(R+h)^{2}\omega \] Au début, le projectile tourne à une vitesse angulaire identique à celle de l'observateur terrestre (\(\omega\)), mais au fur et à mesure que le projectile chute, \(r\) diminue et \(\dot{\theta}\) augmente. Le projectile tournant plus vite que l'observateur, atterrira à côté de l'observateur en direction de l'Est. Pour un temps de chute \(\tau\), on trouve un décalage vers l'Est égal à \[ \delta=R\left(\int_{0}^{\tau}\dot{\theta}\text{d}t-\omega\tau\right) \] Vous trouverez dans le recueil d'exercices le traitement complet qui aboutit au résultat (5).

Déviation vers la droite

La déviation vers la droite est un phénomène dû à la rotation de la Terre et s'explique facilement à l'aide de la force de Coriolis. Il est notamment à l'origine du sens d'enroulement des nuages autour des anticyclones et dépressions.

Considérons un point matériel M, à la surface de la Terre, en mouvement dans un plan horizontal (\(x\)O\(y\)). Sa vitesse \(\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}\) observée dans le référentiel terrestre obéit à l'équation \[ m\frac{\mathrm{d}\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}}{\mathrm{d}t}= m\overrightarrow{g}-2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}+ \overrightarrow{F} \] où \(\overrightarrow{F}\) représente les actions autres que les forces de gravitation (incluses dans la pesanteur). Le vecteur rotation se décompose dans la base cartésienne comme suit: \[ \overrightarrow{\omega}=-\omega\cos\lambda\, \overrightarrow{u_x}+\omega\sin\lambda\, \overrightarrow{u_z} \] de sorte que la force de Coriolis s'écrit \[ -2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}= 2m\,\omega\cos\lambda\, \overrightarrow{u_x}\wedge \overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} -2m\,\omega\sin\lambda\, \overrightarrow{u_z}\wedge \overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} \] Si le mouvement a lieu dans le plan horizontal, le premier terme donne naissance à une force verticale et apporte une très faible contribution à la pesanteur. En revanche, le deuxième terme est dirigé dans le plan horizontal et dévie le point matériel vers la droite lorsque le mouvement a lieu dans l'hémisphère nord et vers la gauche pour l'hémisphère sud. La force horizontale vaut

\begin{equation} f_\text{ic,h}=2m\omega\sin\lambda\, v_{\text{M}/\mathcal{R}} \end{equation}
Déviation vers la droite pour un corps en mouvement horizontal sur Terre
Déviation vers la droite pour un corps en mouvement horizontal sur Terre.

Cet effet intervient par exemple en balistique pour des vitesses de projectile importantes et des distances de tir suffisamment longues pour que la faible force de Coriolis ait le temps de courber la trajectoire de façon significative. Par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, les obus lancés par la grosse Bertha bombardant Paris à plus de 120 kilomètres de distance, subissaient des déviations de l'ordre du km à cause de la rotation terrestre.

Mais une des manifestations les plus évidentes est la formation des cyclones et anticyclones. En effet, dans l'hémisphère nord, les masses d'air anticycloniques s'enroulent dans le sens horaire alors que les masses d'air dépressionnaires (cycloniques) s'enroulent dans le sens anti-horaire. La situation inverse est observée dans l'hémisphère sud. Ce sens d'enroulement est dicté par la force de Coriolis. Voyons comment, en analysant le mouvement d'une masse d'air en direction d'un centre dépressionnaire située dans l'hémisphère nord. Supposons, pour simplifier, que la pression atmosphérique \(p\) ne dépend que de la distance comptée à partir d'un centre de basse pression, notée D. Toute particule de fluide est donc attirée vers le centre D via une force volumique (Voir cours sur les fluides parfaits) : \[ \overrightarrow{f_p}=- \overrightarrow{\nabla}p(r)=-\frac{\mathrm{d}p}{\mathrm{d}r}\, \overrightarrow{u_r} \]

Formation d'un cyclone dans l'hémisphère nord
Formation d'un cyclone dans l'hémisphère nord.

Cette force est bien dirigée vers le centre D lorsque la pression augmente avec \(r\). On s'attend donc à ce que le vent soit perpendiculaire aux isobares. Or, la rotation terrestre vient compliquer les choses, car dès que le mouvement s'amorce, la masse d'air est déviée vers la droite à cause de la force de Coriolis (force volumique pour 1 m\(^3\) d'air) \[ f_\text{ic,h}=2\rho \,\omega\sin\lambda\, v \] Mais la force de pression maintient la masse d'air à proximité de D. A la fin, l'air tourne autour de D dans le sens anti-horaire (cf. figure ci-contre) de sorte que la force de Coriolis compense la force de pression et l'accélération centripète. Pour une dépression située dans l'hémisphère sud, la force de Coriolis produit une déviation vers la gauche ce qui mène à une circulation de masse d'air autour de D dans le sens horaire.

Une analyse similaire des mouvements anti-cycloniques aboutit aux résultats opposés : un anticyclone s'enroule dans le sens horaire(anti-horaire) dans l'hémisphère nord(sud).

Remarque

Contrairement à une croyance encore très tenace, la force de Coriolis due à la rotation terrestre n'est en rien responsable du sens de rotation du vortex qui se forme lors de la vidange d'un lavabo. La force de Coriolis est, de loin, complètement négligeable pour ces échelles de temps et d'espace. Il faut invoquer les conditions initiales et la non régularité de la surface du lavabo pour expliquer le sens de rotation du tourbillon[2].

Le pendule de Foucault

Le 31 mars 1851, à Paris, Léon Foucault installe sous la coupole du Panthéon un long pendule qui oscille suffisamment longtemps pour que les parisiens venus assister à cette expérience publique puissent constater la lente rotation du plan d'oscillation : tout visiteur pouvait ainsi voir la terre tourner sur elle même.

Mouvement horizontal du pendule
Mouvement (très exagéré) horizontal du pendule dans l'hémisphère nord.

Qualitativement, le mouvement du pendule est quasi horizontal (l'amplitude des oscillations est faible), et comme on l'a vu précédemment la rotation terrestre produit une déviation vers la droite(gauche) dans l'hémisphère nord(gauche). La force de déviation (6), proportionnelle à la vitesse, est maximale lorsque la masse passe par sa position d'équilibre, et s'annule lorsqu'elle rebrousse chemin. La trajectoire de la masse projetée dans le plan horizontal présente donc des points de rebroussement qui s'inscrivent au fur et mesure des oscillations en tournant dans le sens horaire(anti-horaire) dans l'hémisphère nord(sud) comme l'indique la figure ci-dessous.

Cherchons à quelle vitesse le plan d'oscillation tourne pour un observateur terrestre. Considérons un pendule simple de longueur \(\ell\), fixé en un point O\(_1\) de l'axe O\(z\) vertical. Adoptons le système de coordonnées cylindriques (\(r,\theta,z\)) pour repérer le point matériel. L'objectif est de déterminer l'évolution de l'angle \(\theta(t)\) qui décrit le mouvement du plan d'oscillation.

Pour simplifier, plaçons nous dans l'approximation des petites oscillations : \[ z(t)=z_\mathrm{O_1}-\ell\cos\alpha(t)\simeq z_\mathrm{O_1}-\ell=\mathrm{C^{te}} \] Négliger les termes d'ordre deux revient à considérer que le mouvement est horizontal. La vitesse et l'accélération s'écrivent \[ \overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}=\dot r\, \overrightarrow{u_r}+ r\dot \theta\, \overrightarrow{u_\theta} \quad\text{et}\quad \overrightarrow{a}_{\text{M}/\mathcal{R}}=(\ddot r-r\dot \theta^2)\, \overrightarrow{u_r}+ (2\dot r\dot \theta+r\ddot \theta)\, \overrightarrow{u_\theta} \] Le point matériel M subit la pesanteur \(\overrightarrow{P}\), la tension du fil \(\overrightarrow{T}\) et la force de Coriolis \(\overrightarrow{f_\text{ic}}\). L'équation du mouvement s'écrit donc \[ m\overrightarrow{a}_{\text{M}/\mathcal{R}}= m(\ddot r-r\dot \theta^2)\, \overrightarrow{u_r}+m(2\dot r\dot \theta+r\ddot \theta)\, \overrightarrow{u_\theta}= m\overrightarrow{g}+\overrightarrow{T}-2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} \] La tension du fil étant dans le plan d'oscillation, on peut le faire disparaître en projetant l'équation du mouvement suivant \(\overrightarrow{u_\theta}\). On obtient \[ (2\dot r\dot \theta+r\ddot \theta)=-2(\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}})\cdot \overrightarrow{u_\theta} \] Calculons le terme de droite : \[ \begin{array}{rcl} -2(\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}})\cdot \overrightarrow{u_\theta} &=&-2(\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}}\wedge \overrightarrow{u_\theta})\cdot \overrightarrow{\omega}\\[2mm] &=&-2\dot r(\overrightarrow{u_r}\wedge \overrightarrow{u_\theta})\cdot \overrightarrow{\omega}\\[2mm] &=&-2\dot r \overrightarrow{u_z}\cdot \overrightarrow{\omega}\\[2mm] -2(\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}})\cdot \overrightarrow{u_\theta} &=&-2\dot r\,\omega\sin\lambda \end{array} \] Finalement, la direction du plan d'oscillation vérifie l'équation différentielle

\begin{equation} 2\dot r\dot \theta+r\ddot \theta=-2\dot r\,\omega\sin\lambda \end{equation}

Il s'agit d'une équation différentielle couplée puisque l'évolution de \(\theta\) est liée au mouvement radial. Toutefois, une solution particulière simple existe si l'on suppose que \(\dot \theta=\mathrm{C^{te}}\) ce qui signifie que le plan d'oscillation tourne à vitesse constante. Dans ce contexte, on obtient \[ \dot \theta=-\omega\sin\lambda \] On retrouve le fait que le plan d'oscillation tourne dans le sens horaire (\(\dot \theta<0\)) dans l'hémisphère nord (\(\lambda>0\)) et dans le sens anti-horaire (\(\dot \theta<0\)) dans l'hémisphère sud (\(\lambda<0\)). Le plan d'oscillation effectue un tour en une durée

\begin{equation} T_\text{Foucault}=\frac{2\pi}{\omega\sin\lambda}= \frac{T}{\sin\lambda} \end{equation}

À Paris on obtient environ 32 h, et aux pôles le plan d'oscillation fait un tour en 24 h.

L'expérience de 1851 eut un immense succès populaire et un fort retentissement dans le monde entier. Le caractère spectaculaire de cette expérience doit beaucoup au fait que les effets de la force de Coriolis sont cumulatifs. Il suffit de laisser suffisamment le pendule osciller pour voir la terre tourner.

En pratique, l'expérience de Foucault n'est pas si facile à mettre en place, car de nombreux phénomènes peuvent parasiter le phénomène de précession. Un soin tout particulier doit être apporté lors du lâché et au niveau du point de suspension [3].

Remarque

La formule (4) a été obtenue en supposant \(\dot \theta\) constant. En réalité, l'équation différentielle (3) s'intègre après multiplication par \(r\) et aboutit à \[ r^2(\dot \theta-\omega_p)=\mathrm{C^{te}} \quad\text{avec}\quad \omega_p=-\omega\sin\lambda \] ce qui signifie que dans le référentiel tournant à la vitesse de précession \(\omega_p\), le moment cinétique se conserve. En d'autres termes, le mouvement du pendule est un mouvement à force centrale dans ce référentiel tournant. On peut montrer qu'il s'agit d'une ellipse de centre la position d'équilibre. Finalement, dans le référentiel terrestre, le pendule décrit une ellipse dont le grand axe précessionne à la vitesse angulaire \(\omega_p=-\omega\sin\lambda\).

Effets du mouvement orbital de la Terre

Le référentiel de Copernic

Par définition, le référentiel de Copernic a son origine placée au centre d'inertie du système solaire et ses axes pointent en direction de trois étoiles fixes (comme le référentiel géocentrique). Le référentiel géocentrique est donc en translation quasi circulaire par rapport au référentiel de Copernic.

C'est en supposant le référentiel de Copernic galiléen que l'on peut expliquer le phénomène des marées. Les faits s'accordent parfaitement avec cette hypothèse.

Notion de forces de marée

Revenons sur le champ de pesanteur, mais cette fois-ci en tenant compte du mouvement orbital de la Terre. Nous avons déjà établi que le champ de pesanteur sur Terre s'écrit

\begin{equation} \overrightarrow{g}(\text{M})=\overrightarrow{g_\text{A}}(\text{M})-\overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M}) \end{equation}

Le premier terme représente le champ de gravitation produit par tous les astres. On sait que l'attraction terrestre prédomine, mais ne négligeons pas l'attraction des astres voisins (Lune, Soleil Jupiter, etc.). Écrivons \[ \overrightarrow{g_\text{A}}(\text{M})=\overrightarrow{g_\text{T}}(\text{M})+\overrightarrow{g_\star}(\text{M}) \] où \(\overrightarrow{g_\star}(\text{M})\) désigne le champ d'attraction créé par tous les astres autres que la Terre. On verra plus tard que seul le Soleil et la Lune ont des effets prépondérants ; pour l'instant, contentons-nous d'être très général.

Le dernier terme de la relation (7) représente l'accélération d'entraînement de M par rapport au référentiel de Copernic. Le mouvement d'entraînement est la composition d'un mouvement de rotation autour de l'axe des pôles associé à un mouvement de translation circulaire par rapport au référentiel de Copernic. Aussi, on écrira \[ \overrightarrow{a_\text{e}}(\text{M})=\overrightarrow{a}(\text{C})-\omega^{2}\overrightarrow{\text{HM}} \] Où H désigne la projection de M sur l'axe des pôles, et \(\overrightarrow{a}(\text{C})\) l'accélération du centre d'inertie de la Terre par rapport au référentiel de Copernic. Or, d'après le théorème du centre d'inertie écrit dans le référentiel de Copernic, on a (\(M_\text{T}\) désigne la masse de la Terre) \[ M_\text{T}\overrightarrow{a}(\text{C})=M_\text{T}\overrightarrow{g_\star}(\text{C}) \] où le deuxième terme représente la résultante des forces de que la Terre subit. Finalement, l'expression du champ de pesanteur terrestre en tenant compte de la rotation propre de la Terre et du mouvement orbital, s'écrit \[ \overrightarrow{g}(\text{M})= \overrightarrow{g_\text{T}}(\text{M})+\omega^{2}\overrightarrow{\text{HM}}+ \overrightarrow{g_\star}(\text{M})-\overrightarrow{g_\star}(\text{C}) \] Par rapport à l'équation (1), on voit apparaître un nouveau terme : \[ \boxed{\displaystyle \overrightarrow{\mathcal{C}}=\overrightarrow{g_\star}(\text{M})-\overrightarrow{g_\star}(\text{C}) } \] Il s'agit du champ de marée. On voit qu'il ne dépend que de la présence des autres astres et qu'il est lié à l'inhomogénéité du champ de gravitation sur l'étendue de la Terre, ce qui explique pourquoi on le désigne aussi par le terme différentiel de gravitation.

Représentation du champ de marée
Représentation du champ de marée.

Représentons ce champ de marée produit sur Terre par un astre de centre O, de masse \(M_\star\) et situé à la distance \(r_\star\gg R_T\) du centre C de la Terre. Intéressons-nous au champ de marée qui règne aux points M\(_1\), M\(_2\), M\(_3\) et M\(_4\) situés à la surface terrestre comme indiqué sur la Fig.7. Pour M\(_1\), le champ de marée vaut (\(\overrightarrow{u}\) est dirigé vers le centre O de l'astre) \[ \overrightarrow{\mathcal{C}}(\text{M}_1)=\left(\frac{\mathcal{G}M_\star}{(r_\star-R_\text{T})^2}-\frac{\mathcal{G}M_\star}{{r_\star}^2}\right)\overrightarrow{u} \simeq\frac{2\mathcal{{G}}R_{T}M_\star}{{r_\star}^3}\overrightarrow{u} \] M\(_1\) est en effet plus attiré par l'astre que ne l'est le centre de la Terre, d'où un terme de marée dirigé vers le centre de l'astre attracteur. Le point diamétralement opposé M\(_3\) subit une attraction moindre que le centre de la Terre et tend donc à s'en éloigner, d'où un terme de marée opposé au précédent.

Quant au point M\(_2\) situé à la distance \(r_\star\) du point O, on a \[ \overrightarrow{\mathcal{C}}(\text{M}_2)=-\frac{\mathcal{G}M_\star}{{r_\star}^3} \overrightarrow{\text{OM}_2}+ \frac{\mathcal{G}M_\star}{{r_\star}^3} \overrightarrow{\text{OC}}= -\frac{\mathcal{G}M_\star}{{r_\star}^3} \overrightarrow{\text{CM}_2}\simeq -\frac{\mathcal{{G}}R_{T}M_\star}{{r_\star}^3}\overrightarrow{v} \] On obtient un vecteur opposé pour le point M\(_4\).

Finalement, le champ de marée agit comme une force d'étirement : elle tend à allonger la Terre suivant la direction qui joint la Terre et l'astre attracteur, et à la rétrécir dans le sens perpendiculaire. Pour la Terre, le champ de marée est au maximum égal à \[ \mathcal{C}_\text{max}=\frac{\mathcal{{G}}2R_{T}M_\star}{{r_\star}^3} \]

Exercice

Comparer les effets de marée produit sur Terre par les astres du système solaire. Le tableau ci-dessous fournit les masses des astres en unité de masse solaire ainsi que la distance minimale qui les sépare de la Terre en unité astronomique.

Astre Soleil Mercure Venus Lune Mars Jupiter Saturne
Masse 1 0,17.10-6 2,4.10-6 37.10-9 0,32.10-6 1,0.10-3 0,28.10-3
Distance 1 0,53 0,27 0,0024 0,38 4,0 8,0

Rép. - Le terme de marée est proportionnel au rapport \(M_\star/{r_\star}^3\). Calculons ce rapport pour ces différents astres.

Astre Soleil Mercure Venus Lune Mars Jupiter Saturne
\(M_\star/{r_\star}^3\) 1 1,1.10-6 1,2.10-4 2,7 5,8.10-6 1,6.10-5 0,5.10-6

Le Soleil et la Lune sont les deux astres dont les effets de marée sont prépondérants sur Terre.

Sur Terre, comme le montre l'exercice précédent, les forces de marée sont essentiellement dus à la Lune et au Soleil. Quand ces effets se cumulent, le champ de marée est de l'ordre de \(10^{-6}\,\mathrm{N.kg^{-1}}\). Chaque m\(^3\) de la croûte terrestre subit donc une force de marée de l'ordre de \(5.10^{-3}\,\mathrm{N.m^{-3}}\) ce qui reste, comme on le voit, très faible. Toutefois, du fait de la rotation propre de la Terre, chaque parcelle de la croûte terrestre est excitée périodiquement par ces forces de marée produisant ainsi de minuscules déformations périodiques. Il faut savoir que certaines expériences scientifiques de haute précision exigent d'en tenir compte ; c'est le cas par exemple des expériences du CERN à Genève (LHC).

À peine mesurable sur Terre, ce phénomène peut devenir beaucoup plus intense dans d'autres systèmes. Par exemple, Io, un des satellites de Jupiter, subit des forces de marée colossales ce qui induit un échauffement permanent de son manteau solide d'où une activité volcanique très intense.

Ces forces d'étirement sont aussi responsables de la dislocation de petits astéroïdes tels que ceux qui composent les anneaux de Saturne. En 1994, on a même assisté, à l'éclatement d'une comète (Shoemaker-Levy 9) se dirigeant vers Jupiter. Les forces de marée induites par cette grosse planète furent suffisantes pour rompre la cohésion interne de la comète et provoquer sa dislocation en 21 fragments qui sont entrés en collision avec la planète.

Ces forces de marée jouent un rôle important dans la dynamique des astres. Elles sont par exemple à l'origine de la synchronisation du mouvement de rotation propre de la Lune avec son mouvement orbital. La Lune n'étant pas absolument sphérique mais légèrement allongée subit de la part de la Terre des forces de marée dont le moment tend à orienter le grand-axe de la Lune suivant la direction Terre - Lune. C'est pourquoi la Lune présente toujours la même face à un observateur terrestre.

Marées océaniques

Sur Terre, l'effet le plus visible dû aux forces de marée est sans aucun doute le phénomène des marées océaniques ; terme qui désigne la variation du niveau des océans.

On présente ici un modèle simple (dit modèle statique) qui permet d'interpréter les différents aspects des marées océaniques. Supposons la Terre entièrement recouverte par un unique océan qui adopte à chaque instant sa configuration d'équilibre. On montre en mécanique des fluides que la surface libre suit une équipotentielle du champ de pesanteur.

Admettons, dans un premier temps, que seul le Soleil agit sur la Terre. Dans ce cas, l'océan adopte une forme ellipsoïdale dont le grand-axe est suivant l'axe Terre - Soleil. La Terre tournant sur elle même, un observateur visite en une journée les deux extrémités du bourrelet océanique ; il y a deux marées hautes par jour et deux marées basses par jour. Notez que si l'axe de rotation propre de la Terre est perpendiculaire à l'axe Terre-Soleil (à l'équinoxe donc), les deux marées hautes que l'on prévoit sont de même niveau. En revanche, dans le cas contraire, les deux marées hautes ne sont pas de même niveau.

Il y a deux marées hautes et deux marées basses par jour. Suivant l'orientation de l'axe des pôles, les deux marées hautes ne sont pas identiques
Il y a deux marées hautes et deux marées basses par jour. Suivant l'orientation de l'axe des pôles, les deux marées hautes ne sont pas identiques.

Comme on l'a vu, les forces de marée varient comme \(M_\star/{r_\star}^3\). Or, la distance Terre-Soleil varie au cours de l'année, l'orbite terrestre étant elliptique : elle est minimale en janvier (périhélie) et maximale en juillet (aphélie) de sorte que le bourrelet océanique est maximum en janvier.

Cependant, la Lune vient compliquer la dynamique des marées océaniques. En effet, bien que le champ de gravitation lunaire soit 200 fois plus faible que le champ de gravitation solaire, le champ de marée dû à la Lune est environ deux fois plus important. Aussi, l'intensité des marées océaniques dépend de la position de la Lune par rapport à l'axe Terre - Soleil. Lorsque la Lune est alignée avec la Terre et le Soleil, les deux astres cumulent leurs effets et donnent lieu a des marées de vives-eaux (marées hautes importantes). A contrario, lorsque la Lune est en quadrature avec le Soleil, leurs effets se compensent (partiellement) et les marées océaniques présentent une faible amplitude : on parle de marées de mortes-eaux.

vives-eaux et martes-eaux
Dans le modèle statique, les marées océaniques présentent une amplitude maximum durant la pleine ou nouvelle Lune. Elles sont minimales lors des quarts de Lune.

Par ailleurs, contrairement au Soleil, la Lune ne produit pas deux marées en 24 h. En effet, la Lune fait le tour de la Terre en 28 jours, de sorte que lorsque la Terre effectue un tour sur elle-même, la Lune a tourné de 1/28e de tour. La Lune se retrouve donc au dessus du même point de la Terre après une durée \[ T_\text{L}=24+\frac{1}{28}24=24\,\mathrm{h}50' \] Ainsi, la composante lunaire (la plus importante) à l'origine des marées décale le cycle des marées de 50 minutes par jour.

Pour terminer, signalons que ce modèle n'explique pas tout car il repose sur l'étude de la forme d'équilibre d'un hypothétique unique océan. En fait le problème est dépendant du temps ce qui complique énormément les choses. Un traitement plus rigoureux fait intervenir la notion d'onde de marée ce qui explique qu'en certains points de la planète, des effets de géométrie et/ou de résonance puissent amplifier ou réduire les effets discutés ici.

Conclusion sur la dynamique en référentiel terrestre

Finalement, la dynamique en référentiel terrestre d'un point matériel de masse \(m\) est régie par l'équation \[ m\overrightarrow{a}_{\text{M}/\mathcal{R}}=\overrightarrow{F}+ m\overrightarrow{g}(\text{M})-2m\overrightarrow{\omega}\wedge\overrightarrow{v}_{\text{M}/\mathcal{R}} \quad\text{avec}\quad \overrightarrow{g}(\text{M})= \overrightarrow{g_\text{T}}(\text{M})+\omega^{2}\overrightarrow{\text{HM}}+\overrightarrow{\mathcal{C}}(\text{M}) \] où \(\overrightarrow{F}\) est l'action que subit M, autre que les forces de gravitation. Ici, \(\overrightarrow{\omega}\) est le vecteur rotation du référentiel terrestre par rapport au référentiel de Copernic. Vu que le référentiel géocentrique est en translation, \(\overrightarrow{\omega}\) se confond avec le vecteur rotation de la terre par rapport au référentiel géocentrique.

Lorsque l'on applique le principe fondamental dans le référentiel terrestre, différents degrés d'approximation sont possibles.

  1. Un premier niveau d'approximation consiste à oublier l'action des autres astres. Le référentiel géocentrique est alors considéré galiléen. Cela revient à négliger l'existence du champ de marée.
  2. Un deuxième niveau d'approximation plus radical consiste à admettre le caractère galiléen du référentiel terrestre. Ce genre d'approximation convient quand on peut négliger l'accélération centrifuge (\(\omega^2\text{HM}\)), le champ de marée ainsi que l'accélération de Coriolis. Notez qu'on utilise souvent une approximation mixte qui consiste à tenir compte de la force d'inertie d'entraînement (incluse dans le poids) mais à négliger la force de Coriolis. Cela convient généralement pour les phénomènes mettant en jeu des mouvements peu rapides et qui durent peu de temps.

Pour en savoir plus...

  1. M. Lebars et al. Les marées en géo- et astrophysique Images de la physique - CNRS2008.
  2. A. Shapiro Bath-tub vortex Nature196, p.1080-1081, 1962.
  3. A. Marillier L'expérience du pendule de Foucault au Palais de la Découverte Revue du palais de la découverte26.258, mai 1998.
  4. A. Deiber et al. Le pendule de Foucault par décomposition puis recomposition BUP854, Mai 2003.
  5. A. Deiber et al. Déviation vers l'Est sans force de Coriolis, mais avec une calculette BUP842, mars 2002.
  6. M.S. Tiersten et al. Dropped objects and other motions relative to the noninertial earth American Journal of Physicsvol.2, p. 129-142, 1968.
  7. G.I. Opat The precession of a Foucault pendulum viewed as a beat phenomenon of a conical pendulum subject to a Coriolis force American Journal of Physicsvol.59, №9, p. 822–823, 1991.