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MENUCours de Mécanique classique

Principe d’équivalence

Enoncé

Le principe d'équivalence est la pierre angulaire de la théorie de la Relativité Générale qu'Albert Einstein proposa en 1915 pour traiter la gravitation dans un cadre relativiste. En l'état actuel de nos connaissances, ce principe ne trouve pas d'explication, ce qui explique qu'on l'érige en principe. Il identifie deux propriétés de la matière conceptuellement différentes :

Principe d'équivalence

Pour tous les corps, la masse grave est proportionnelle à la masse inerte. Plus exactement, le rapport \(k=m^{*}/m\) est indépendant de la composition chimique. On choisit \(k=1\) ce qui permet d'adopter une seule unité pour la masse grave et inerte : le .

Tester le principe d’équivalence

Une conséquence de ce principe est l’universalité de la chute libre dans le vide. En effet si l’on considère un corps matériel de masse inerte \(m\), de masse grave \(m^{*}\) tombant dans le vide dans un champ de pesanteur \(\overrightarrow{g}\), alors l’équation fondamentale de la dynamique \(m \overrightarrow{a}=m^{*} \overrightarrow{g}\) donne, si \(m=m^{*}\), \[ \begin{array}{cc } \overrightarrow{a}=\overrightarrow{g} & \text{pour tous les corps} \end{array} \] Ainsi une plume et un marteau tombent à la même vitesse dans le vide. Pour l’anecdote, cette expérience fut réalisée sur la Lune en 1971 lors de la mission Apollo 15, par le commandant David Scott comme le montre la vidéo ci-dessous.

La violation du principe d’équivalence signerait l’émergence d’une nouvelle physique ; c’est pourquoi il est important de savoir avec quelle précision est vérifiée ce principe ne serait ce pour fixer des contraintes sur les nouvelles théories alternatives.

Avant la fin du XIXe siècle, l’étude précise de l’isochronisme des pendules permit de vérifier le principe d’équivalence avec une précision de 10-5 près (Bessel 1830). On doit au Baron Von Eötvös, un scientifique hongrois, un test du principe d’équivalence en 1890, avec un gain de précision de trois ordres de grandeur. Eötvös inventa une balance de torsion capable de mesurer très précisément les variations de pesanteur et réalisa que son appareil pouvait également servir à tester le principe d’équivalence : deux masses de composition différente sont suspendues aux extrémités d’un pendule de torsion ; la mesure consiste à vérifier que le bras du pendule tourne de 180° lorsque la tête du fil de suspension tourne de la même quantité. Les masses subissant l’attraction gravitationnelle de la Terre et la force centrifuge due à la rotation de celle-ci, une différence devait être enregistrée si le rapport \(k=m^{*}/m\) dépendait de la composition chimique[1]. Eötvös vérifia ainsi le principe d’équivalence avec une précision de 5.10-8. Plus récemment, Adelberger trouva avec la même technique, une précision de 2.10-13.

A partir de la fin du XXe siècle, des expériences de chute libre dans des tours à vide furent également réalisées. Dans ces tours, la précision est limitée par la résistance de l’air résiduel et par le bruit sismique. Elle est de l’ordre de 10-10-10-12 tout de même. Le meilleur vide que l’on connaît étant celui qui règne dans l’espace, l’étude des astres du système solaire en chute libre dans le champ de gravitation du Soleil permet également de tester le principe d’équivalence. Par exemple, grâce aux réflecteurs installés sur la Lune lors des missions Apollo, les scientifiques peuvent, par télémétrie laser, mesurer précisément la position de la Lune. Les compositions internes de la Terre et de la Lune étant différentes, ces deux astres devraient être accélérés différemment vers le Soleil en cas de violation du principe d’équivalence. La télémétrie laser confirme le principe d’équivalence avec une précision de 2.10-13 !

Chute libre

Commençons tout d’abord par traiter le problème simple de la chute libre dans le vide. Considérons un point matériel de masse \(m\) en chute libre dans un champ de pesanteur uniforme. Le principe fondamental de la dynamique associé au principe d’équivalence nous dit que

\begin{equation} \overrightarrow{a}=\overrightarrow{g} \qquad\Longrightarrow\qquad \overrightarrow{v}=\overrightarrow{g}t+ \overrightarrow{v_{0}} \end{equation}

où \(\overrightarrow{v_{0}}\) désigne la vitesse initiale. Le mouvement uniformément accéléré est alors soit rectiligne soit plan. Analysons ces deux cas de figure.

Cas unidimensionnel

Si le corps est lancé avec une vitesse initiale colinéaire à \(\overrightarrow{g}\), la trajectoire est nécessairement rectiligne puisque l'accélération est à chaque instant colinéaire à la vitesse. Notons \(z(t)\) l'altitude du point matériel à l'instant \(t\) et \(h\) l'altitude initiale. L'équation (1) aboutit à \[ \dot{z}=v_{0}-gt \quad\Longrightarrow\quad z=v_{0}t-\frac{1}{2}gt^{2}+h \] Il est facile de montrer que le corps atteint le sol avec une vitesse \(v_\text{s}=\sqrt{v_{0}^{2}+2gh}\). Dans le cas particulier où le corps est lâché sans vitesse initiale on obtient la fameuse formule : \[ \fcolorbox{#FF9D00}{#FEF5EB}{\quad \(\displaystyle v_\text{s}=\sqrt{2gh} \)\quad} \;\color{#FF9900}{\heartsuit} \]

La vitesse de chute est indépendante de la masse et de la forme du corps. Notez que cette loi est la même que celle à laquelle obéissent les liquides peu visqueux lors de la vidange d’un récipient cylindrique. La vitesse d’écoulement varie comme la racine carré du niveau d’eau entre la surface libre et l’orifice de sortie (formule de Torricelli).

Cas bidimensionnel

Si initialement le corps est lancé avec un vecteur vitesse non colinéaire à \(\overrightarrow{g}\), la trajectoire n'est plus rectiligne. En revanche elle est nécessairement .

Trajectoire d'une chute libre en deux dimensions
Position du problème

Plaçons le corps matériel à l'origine d'un système d'axes (\(x\)O\(z\)) et lançons le avec une vitesse \(\overrightarrow{v_{0}}\) formant un angle \(\theta\) par rapport à l'axe (O\(x\)). L'équation (1) projetée sur l'axe (O\(x\)) donne \[ \dot x=v_{0}\cos\theta \qquad\Longrightarrow\qquad x=v_{0}t\cos\theta \] Le mouvement suivant O\(x\) est uniforme. En projetant selon O\(z\) on obtient \[ \dot z=v_{0}\sin\theta-gt \qquad\Longrightarrow\qquad z=v_{0}t\sin\theta-\frac{1}{2}gt^{2} \] Le mouvement suivant O\(z\) est uniformément accéléré. L'élimination du temps permet de trouver l'équation de la trajectoire : \[ z=-\frac{1}{2}\frac{g}{v_{0}^{2}\cos^{2}\theta}x^{2}+x\,\tan\theta \] Le point M décrit une trajectoire parabolique.

La portée \(x_{\rm max}\) du lancé désigne la distance à laquelle retombe le projectile. Il est facile de montrer que \[ x_{\rm max}=\frac{v_{0}^{2}\sin2\theta}{g} \] La valeur de l'angle \(\theta\) qui permet de lancer le projectile le plus loin possible correspond donc à \(\sin 2\theta=1\) soit \(\theta=45\degree .\)

Influence de l'angle de tir sur la trajectoire de chute libre
Influence de l'angle de tir sur la trajectoire de chute libre.

Chute avec frottement

Envisageons maintenant la présence de frottements et cherchons l'influence qu'ils ont sur la trajectoire et la vitesse. Pour simplifier, on considère que le frottement se résume à une force de traînée \(F_{\rm t}\).

Cas unidimensionnel

Notion de vitesse limite

Lâchons un corps matériel de masse \(m\), de volume \(\mathcal{V}\) et de masse volumique \(\mu\) dans un fluide de masse volumique \(\mu_{\rm f}\). On observe une phase accélérée suivie d'un mouvement uniforme à la vitesse \(v_{\infty}\) dite vitesse limite. En effet, à suffisamment grande vitesse, la force de frottement \(F_{\rm t}\) compense les effets de la pesanteur (poussée d'Archimède inclue) ce qui impose une accélération nulle et donc une vitesse constante. La poussée d'Archimède, étant l'opposée du poids du fluide déplacé, s'écrit \[ \overrightarrow{\Pi}=-\mu_{\rm f} \mathcal{V}\overrightarrow{g}=-\frac{\mu_{\rm f}}{\mu}m\overrightarrow{g} \] de sorte que la somme du poids et de la poussée d'Archimède peut s'interpréter comme un poids apparent de champ de pesanteur \(\overrightarrow{g}{}'\) \[ \overrightarrow{P}+\overrightarrow{\Pi} = m \overrightarrow{g}{}'\quad\text{avec}\quad \overrightarrow{g}{}'=\left(1-\frac{\mu_{\rm f}}{\mu}\right) \overrightarrow{g} \] et la vitesse limite est donnée par l'équation \[m|g'|=F_{\rm t}\] La vitesse limite dépend donc de la masse et du fluide. Cherchons la durée caractéristique de la phase accélérée ainsi que l'expression de la vitesse limite en étudiant deux modèles simplistes.

Frottement linéaire

Dans le cas des petites vitesses, on peut modéliser la force de traînée, en première approximation, par une force linéaire en vitesse \[\overrightarrow{F_{\rm t}}=-\alpha\overrightarrow{v}\] où \(\alpha\) désigne un coefficient de frottement qui dépend de la taille du corps et de la viscosité du fluide. La vitesse limite s'écrit \(v_{\infty}=mg'/\alpha\). A partir de la vitesse limite et de la pesanteur apparente, on peut construire une grandeur homogène à un temps que nous appellerons \(\tau=v_{\infty}/g'\). La relation fondamentale de la dynamique se met alors sous une forme canonique \[m\dot v=mg'-\alpha v \quad\Longrightarrow\quad \dot v+\frac{v}{\tau}=\frac{v_{\infty}}{\tau}\] dont la solution est \[v(t)=v_{\infty}\left[1-\mathrm{e}^{-t/\tau}\right]\] Le temps caractéristique \(\tau\) représente donc le temps de relaxation de la vitesse. Pour une durée de \(5\tau\) on fait une erreur inférieure à 1% en écrivant \(v \simeq v_{\infty}\). On pourra donc considérer que \(5\tau\) représente la durée du régime transitoire.

Frottement quadratique

Lorsque la vitesse est assez grande, la force de frottement varie grosso modo comme le carré de la vitesse : \[\overrightarrow{F_{\rm{t}}}=-\beta v \overrightarrow{v} \qquad\text{avec}\qquad \beta=\frac{1}{2}\mu_{\rm f}SC_{x}\] où le coefficient \(C_x\) est un coefficient aérodynamique qui dépend de la forme du corps et de l'écoulement autour de celui-ci. \(S\) est la section droite. Ici la vitesse limite vaut \[v_{\infty}^{2}=\frac{mg'}{\beta}\quad\Longrightarrow\quad v_{\infty}=\sqrt{\frac{2mg'}{\mu_{\rm f}SC_{x}}}\] Elle varie donc comme \(\sqrt{m}\). L'équation du mouvement donne

\begin{equation} \dot v=g'-\frac{\beta}{m}v^{2}=g'\left[1-\left(\frac{v}{v_{\infty}}\right)^{2}\right] \end{equation}

Si l'on pose, comme précédemment, \(\tau=v_{\infty}/g'\) et \(x=v/v_\infty\), l'équation devient après séparation des variables \[\int_{0}^{v/v_{\infty}}\frac{1}{1-x^{2}}\,\mathrm{d}x=\frac{t}{\tau}\] ce qui donne la solution \[v(t)=v_{\infty}\tanh(\frac{t}{\tau}) \quad\text{avec}\quad \tanh(x)=\frac{\mathrm{e}^{x}-\mathrm{e}^{-x}}{\mathrm{e}^{x}+\mathrm{e}^{-x}}\]

Influence du type de frottement sur la vitesse de chute
Vitesse de chute - Comparaison entre le frottement linéaire et le frottement quadratique.

La fonction \(\tanh(x)\) est monotone croissante sur \(\mathbb{R}\) et tend asymptotiquement vers 1 quand \(x\to \infty\). La vitesse croît donc de façon monotone jusqu'à la vitesse limite et ce régime accéléré a une durée caractéristique de l'ordre de \(\tau\). La figure montre notamment que la vitesse limite est atteinte plus rapidement avec un frottement quadratique qu'avec un frottement linéaire.

Il est également possible d'exprimer la vitesse en fonction de la distance parcourue \(s=h-z\). En effet, on peut transformer l'équation (2) en utilisant \[\frac{\mathrm{d} v}{\mathrm{d} t} = \left(\frac{\mathrm{d} v}{\mathrm{d} s}\right)\left(\frac{\mathrm{d} s}{\mathrm{d} t}\right)= \frac{\mathrm{d} v}{\mathrm{d} s}\,v=\frac{\mathrm{d} v^{2}/2}{\mathrm{d} s}\] On obtient alors l'équation différentielle linéaire suivante \[\frac{\mathrm{d} u}{\mathrm{d} s}+\frac{2g'}{v_{\infty}^{2}}u=2g'\quad \text{avec} \quad u=v^{2}\] Cette équation différentielle linéaire à coefficients constants admet des solutions de la forme \[u=v^2_\infty{}+\mathrm{C^{te}}\exp\left(-\frac{2s}{v_\infty \tau}\right)\] La condition initiale \(u(0)=0\) permet de déterminer la constante d'intégration. Finalement la vitesse s'écrit \[v(s)=v_{\infty}\sqrt{1-\exp{(-s/\ell)}} \quad\text{avec}\quad \ell=\frac12 v_\infty \tau=\frac12 g'\tau^{2}\] La grandeur \(\ell\) homogène à une longueur, représente la distance caractéristique sur laquelle la particule est accélérée. On retrouve d'ailleurs, par un développement limité, que \(v \simeq \sqrt{2g's}\) lorsque \(s\ll \ell\). Un calcul numérique montre que l'on fait une erreur inférieure à 1% en écrivant \(v\simeq v_{\infty}\) lorsque \(s>4\ell\).

Cas bidimensionnel

Traitons maintenant le problème du mouvement d'un corps lancé avec une vitesse initiale \(\overrightarrow{v_{0}}\) dans un fluide visqueux. Considérons le cas le plus courant pour lequel la force de frottement est quadratique en vitesse \(\overrightarrow{F_{\rm{t}}}=-\beta v \overrightarrow{v}\). L'équation du mouvement projetée sur les axes usuels (O\(x\)) et (O\(z\)) donne deux équations scalaires : \[\left\{\begin{array}{rcl} \ddot z & = & -g'-\dfrac{\beta}{m} \dot z \sqrt{{\dot x}^{2}+{\dot z}^{2}} \\[2mm] \ddot x & = & -\dfrac{\beta}{m} \dot x \sqrt{{\dot x}^{2}+{\dot z}^{2}} \end{array}\right.\] Il s'agit d'un système d'équations non linéaires couplées qui peut se mettre sous la forme d'un système de quatre équations différentielles du premier ordre : \[ \left\{ \begin{array}{rcl} \dot x & = & v_{x}\\[2mm] \dot z & = & v_{z}\\[2mm] \end{array} \right. \quad\text{et}\quad \left\{ \begin{array}{rcl} \dot{v_{z}} & = & -g'-\dfrac{\beta}{m} v_{z} \sqrt{v_{x}^{2}+v_{z}^{2}} \\[2mm] \dot v_{x} & = & -\dfrac{\beta}{m} v_{x} \sqrt{v_{x}^{2}+v_{z}^{2}} \end{array} \right. \] Il existe de nombreuses méthodes numériques pour résoudre ce type d’équation, (Introduction à l'analyse numérique). La simulation ci-dessous utilise la méthode de Runge-Kutta à l'ordre 4.

Simulation

Influence des frottements sur la chute d'un corps.

La trajectoire en pointillée et celle qu'on obtient lorsque les frottements sont négligeables.

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Les différences avec la chute libre tiennent essentiellement dans la diminution de la portée et de la flèche de la trajectoire ainsi que dans l’apparition d’une asymptote verticale. En effet, le mouvement suivant (Ox) n’étant que freiné, la vitesse \(v_{x}\) ne cesse de diminuer jusqu’à s’annuler. Pour ce qui est du mouvement verticale, il tend vers un mouvement uniforme de vitesse \(v_{\infty}=\sqrt{\frac{mg'}{\beta}}\).

Ordres de grandeur

Arrêtons nous un instant sur les ordres de grandeurs et prenons deux cas :

  1. Lâchons une bille d’acier (\(\mu=7850\;\mathrm{kg.m^{-3}}\)) de diamètre 12,6 mm dans l’air (\(\mu_{\rm f}=1,2\;\mathrm{kg/m^{3}}\)). Les tables indiquent que le coefficient aérodynamique d’une sphère vaut environ \(C_{x}=0,44\) à suffisamment grande vitesse. On calcule alors : \[\beta=33.10^{-6}\;\mathrm{kg.m^{-1}}\qquad v_{\infty}=49,5\;\mathrm{m.s^{-1}}\qquad \ell=125\;\mathrm{m} \quad\text{et}\quad \tau\simeq 5\;\mathrm{s}\] Autrement dit, en première approximation, on peut négliger les frottements si l’on s’intéresse au mouvement de cette bille sur les premiers mètres.
  2. Lâchons maintenant cette bille dans l’eau (\(\mu_{\rm f}\simeq 1000\;\mathrm{kg.m^{-3}}\)). Les mêmes calculs aboutissent à : \[\beta=27.10^{-3}\;\mathrm{kg.m^{-1}}\qquad g'=0,87\,g\qquad v_{\infty}=1,6\;\mathrm{m.s^{-1}}\qquad \ell=15\;\mathrm{cm}\qquad\text{et}\qquad \tau\simeq 0,2\;\mathrm{s}\] Dans ce cas, on voit que les frottements jouent un rôle assez vite, dès les premiers centimètres.

Pour en savoir plus...

  1. M. Nieto et al. Actually, Eotvos did publish his results en 1910 it's just that no one knows about it... Am. J. Phys.vol.57, №5, 1989.
  2. S. Reynaud L'universalité de la chute libre, de Galilée à nos jours Pour la Science №spécial№34, 2003.
  3. S. Reynaud La chute des corps dans l'air Bulletin de la SFP№120, 1999.
  4. J-M Vigoureux Petite histoire de chute libre BUP№845, 2002.